19 juillet 2016

Perestroïka au PCF ? (1990)

Troisième publication consacrée aux rapports entre Roger Garaudy et le Parti communiste dans les années 80-90.


 En décembre 1989 et janvier 1990, Roger Garaudy, se rapprochant du Parti Communiste Français dont il a été exclu vingt ans auparavant, propose à Roland Leroy, membre du Bureau Politique (la plus haute instance) du PCF et Directeur du quotidien L'Humanité de lancer le débat sur la mutation politique qu'il juge nécessaire et même vitale en publiant un article dans ce journal. . Le 31 décembre il lui envoie une première mouture de cet article: 16 pages dactylographiées. Intitulé Trente ans d'erreur. Tout à repenser, cet article est - reconnaissons le - inacceptable par la direction du parti telle qu'elle est à l'époque.[CETTE VERSION, avec un préambule d'une page EST A VOTRE DISPOSITION, SUR DEMANDE VIA LE FORMULAIRE DE CONTACT DU BLOG, AU FORMAT PDF] 


Après une deuxième lettre, version abrégée de la première, toujours non publiée par l'Humanité, Roger Garaudy envoie à Roland Leroy le 17 janvier 1990 une troisième lettre ouverte plus spécialement reliée aux évènements en cours à l'Est (l'Union soviétique approche de sa fin, crise roumaine,...) et précédée d'une lettre personnelle manuscrite (reproduite ci-dessus). NDLR


Une campagne anticommuniste haineuse,hystérique,
est,une fois de plus, déchaînée,prenant prétexte cette
fois,des bouleversements à 1'Est, pour faire du socialisme
"1'Empire du mal".
L'objectif de ce raz-de-marée médiatique est de
faire croire qu'il s'agit de 1'effondrement du socialisme,
alors qu'il s'agit - il est vrai avec tous les dérapages
possibles - de 1'écroulement des perversions du socialisme
dénoncées par Gorbatchev:
1 - Une planification confondue avec une gestion
centralisée, bureaucratique et autoritaire.
2 - Une "socialisation" qui au lieu d'être coopérative et autogestionnaire, dans 1'esprit de Marx,a été
confondue avec une étatisation à outrance qui conduisit
1'économie au chaos, et la liberté au cachot.

La direction du parti communiste français a-t-elle
aidé à ce dégel et à cette "renaissance" (perestroïka")?
A-t-elle contribué à dégager, contre 1'offensive assourdissante
des médias, le sens profond de ce mouvement ?
Non.
a - Elle a donné aliment et vraisemblance à cette
campagne par une obstination suicidaire à proclamer «globalement
positif» le bilan d'une faillite de ce qui n'était pas
le socialisme mais sa caricature hideuse. Et à refusé de dire:
le régime de Brejnev n'est pas le socialisme.(Ce qui fut
1'objet de mon premier blâme public en 1968).
b - Elle a essayé de racheter cette erreur fondamentale
par un véritable "suivisme" à 1'égard des événements:
"1’Humanité" a consacré - comme toute la presse anticommuniste –
à la Roumanie (qui illustrait pourtant les conséquences
d'un refus de la"perestroïka"), dix fois plus de place qu'à
1'invasion des Etats-Unis au Panama pour chasser un dictateur
corrompu qu'ils avaient eux-mêmes imposé quand il était un
agent docile.
- A la racine de ces fautes, une incompréhension
du sens profond de la démarche de Gorbatchev:repenser le
socialisme à partir de ses fins, comme le faisait Marx : dans
son "Manifeste communiste", le socialisme est défini comme
une société où "le libre épanouissement de chacun est la condition du libre épanouissement de tous." Ce choix ne découle
pas d'une démonstration  scientifique "comme celle du "Capital": il le précède. Vingt ans avant d'écrire le "Capital" Marx a obéi, en 1843, à ce qu'il appelle "1'impératif catégorique de bouleverser tous les rapports où 1' homme est un être dégradé,asservi ".
C’est après seulement qu'il étudie " le mouvement réel.", les luttes ouvrières, et leur "mission historique".
Son oeuvre scientifique lui donne les moyens d'analyse
conduisant à la libération de "l'homme total".
En résumé: le socialisme est "scientifique" dans
ses moyens, pas dans ses fins. L'interprétation de
1'expression "socialisme scientifique" comme étant un "savoir
absolu", est la source de tous les dogmatismes et, par là,
de toutes les inquisitions puisqu'elle fait de la direction
"consciente" la dépositaire de la vérité.

Cette erreur théorique fondamentale engendre toutes
les erreurs politiques en excluant comme "spontanéité" toutes
les initiatives de la base.

Une illustration typique de cette erreur est celle
de 1968. Le plus ample mouvement social de notre histoire
(10 millions de salariés et d'étudiants en grève) éclate,
non à un moment de crise économique, mais au contraire à un
moment de relative santé du système (peu de chômage, peu
d’inflation, un taux de croissance élevé). C’est la
prise de conscience, à la base, que ce système est plus
dangereux, plus "aliénant" par ses succès que par ses crises.
La direction rejette alors comme "spontanéité anarchique" cette formidable explosion au lieu d'en comprendre le sens: la
volonté, dans des conditions historiques inédites, d'un
socialisme défini par ses fins et d'un nouveau mode de vie
qui ne soit plus dominé par la seule "croissance" économique
du capitalisme .L'on en reste aux schémas figés, purement
négatifs sur les contradictions du capitalisme qui "s'aiguisent",
et 1'on contribue à la défaite du mouvement pour ne
voir de solution que dans les urnes.
Dès lors le parti tombait sur les bas-côtés de 1'histoire: le déclin devenait irréversible : de 18 % des électeurs inscrits
avant 1968, le parti tombe à 12 % en 79, à 6 % en 84,
à 3,7 % en 89.
Les [autres] partis politiques non plus n'avaient rien compris.
Mais dans la désaffection générale à 1'égard des partis
c'est le PCF dont 1'effondrement est le plus marqué.
Parce que, pour un parti conservateur, dont le but est de
maintenir ce qui est, un "projet" n'est pas nécessaire. Un
"empirisme organisateur" suffit. Mais pour un parti se disant
"révolutionnaire", promettant de changer le monde et la vie
1'absence de projet signifie la mort, la perte de légitimité
historique.

Deuxième exemple de dogmatisme conduisant à une erreur
politique monstrueuse: le ralliement, en 1977, à 1'illusoire
"dissuasion nucléaire". Le principal mérite de Gorbatchev,
dans sa « perestroïka», est de montrer (et toute sa politique
de désarmement en découle) qu'à 1'âge des missiles permettant
d'atteindre n'importe quelle cible à partir de n'importe
quelle base, à un moment où ces missiles peuvent transporter
1'équivalent d'un million de bombes d'Hiroshima(c'est
à dire de détruire 70 milliards d'êtres humains, 15 fois plus
qu'il n'en existe) l'on ne peut plus penser qu'en termes
d'unité du monde.(C'est vrai d'ailleurs pour 1’interdépendance universelle des économies et des écologies comme
des sécurités.
Ceci ne signifie nullement que 1'on nie 1'existence
de conflits, y compris de "luttes de classes" à 1' échelle internationale, comme à 1'intérieur, mais que, dans les
conditions historiques de cette interdépendance universelle de
fait, nous devons repenser nos méthodes pour les aborder.
Le ralliement du P.C.F., depuis 1977, à 1'illusoire
"dissuasion nucléaire" , 1'intégrant au monstrueux
"consensus" des partis, lui a fait perdre sa légitimité
historique comme force d'arrachement aux mensonges officiels,
et comme force de proposition pour préparer un avenir à visage
humain.

En France le niveau de déchéance du débat politique
en apporte la preuve: le système des "partis" est désormais
une forme d'organisation périmée.
Dans cette société désintégrée comment recréer un
tissu social et politique vivant ?
Pour libérer les initiatives de la base, les partis
de conservation sociale (de droite ou de gauche) poursuivront
leur pourrissement dans 1'indifférence croissante d'un peuple.
Mais pour qu'une "renaissance" soit possible, qu'un mouvement
réel soit porteur d'un nouveau projet, il faut qu'en donne
1'exemple le parti qui en a trahi 1'espérance.
Il ne s'agit pas seulement d'exiger la démission de
la direction qui 1'a conduit au tombeau. C’est une condition
nécessaire, mais non suffisante.
Un nouveau congrès, de nouveaux dirigeants, une
organisation plus démocratique, ne suffiraient pas à animer
une renaissance.
La formation d'un " Mouvement de renaissance" ne doit
être ni la création d'une nouvelle orthodoxie ni le prolongement
d'une ancienne dissidence.
Nul de ceux qui sont décidés à participer à cette mutation
radicale ne doit être écarté, qu'il s'agisse de militants de ce
Parti, qui recèlent des trésors de dévouement et de sacrifice, d'anciens militants, de membres de mouvements associatifs, d'hommes
et de femmes venus d'autres partis et conscients de la
vanité de ces partis, mais tous unis, au delà de leurs divergences, par la même volonté de préparer la Charte nouvelle de la
Renaissance et de prendre en mains leur propre destin.
Un "Comité national provisoire de la Renaissance"
aurait pour tâche première de préparer les Etats Généraux, qui
éliraient eux-mêmes non une "direction " mais un Comité permanent
de coordination pour garantir à la fois 1'unité du but et
l'autonomie de chaque communauté.
Dès le départ doivent être parties prenantes de 1’initiative
et du Comité des chrétiens qui ont connu, avec le
Concile, leur "perestroïka", qui s'appelait "aggiornamento"
au temps du Pape Jean, des écologistes, des non-violents, des
immigrés aspirant,dans 1'esprit de Mohammed Iqbal, à la «revivification de leur religion»r
C'est à partir de là que 1'avenir peut être construit.
L'objectif premier est d'aller vers des Etats Généraux des
mouvements associatifs, non pour centraliser et diriger, mais
pour fédérer les espérances et échanger les expériences.
Cette volonté de changer la vie implique une triple
Mutation: de 1'économie, de la politique, de la culture.

La mutation de 1'économie est d'abord la clé du
changement du mode de vie. Elle ne peut s'opérer ni par une
rupture violente imposée "d'en haut", ni par une prédication
morale, mais par une reconversion, entreprise par entreprise,
pour aller vers un autre modèle de croissance fondé sur la
satisfaction de beoins réels.
La reconversion n'est pas seulement le moyen nécessaire
pour changer le mode de vie d'un peuple en donnant un sens
humain à son économie; elle est aussi la seule méthode efficace
de lutte contre le chômage.
Le nucléaire et 1'armement sont les deux mamelles du
chômage pour une raison simple: ils exigent le plus d'investissement
par emploi créé. C'est ainsi que la reconversion du
nucléaire civil permettrait, avec le même investissement financier,
scientifique et technique, de produire la même quantité
d'énergie en créant un million d'emplois. (Rapport Crémieux.)
La reconversion permet de créer un véritable tissu
social car elle exige la participation créatrice de chacun se
sentant responsable de tous dans cette remise en cause des
finalités de la production et des services, et la recherche des
moyens d'un réemploi des techniques à des fins humaines.
Cette reconversion pour n'être ni anarchique, ni
tyrannique, exige, comme le préconise Gorbatchev, une articulation entre le marché et le plan, entre 1’esprit d'entreprise
et 1'esprit communautaire.
Le moyen permettant de les conjuguer c’ est le contrat,
c'est à dire une méthode par laquelle orienter et diriger ne
consiste plus à donner des ordres, mais à fixer des objectifs
A tous les niveaux: des taches d'une équipe dans 1'entreprise
jusqu' à la planification centrale.
Ainsi seulement 1'on pourra échapper au faux dilemne
entre un individualisme de jungle et un totalitarisme
de termitière.

[L’exemplaire en ma possession s’arrête ici. Néanmoins je suppose que Garaudy a repris les aspects politique et culturel de la mutation proposée déjà dans la 1ère et la 2ème lettres peut-être en les condensant ou en les présentant différemment.je n’en sais rien. Dans le doute, et pour conserver une cohérence au texte, je reproduis donc ci-dessous les paragraphes concernés de la 2ème lettre, version abrégée de la 1ère. A.R]

La mutation politique exige une conception claire de
la démocratie.
1 - Il n'est pas possible d'identifier la démocratie
avec 1'économie de marché, car le "libéralisme" du renard
libre dans le poulailler conduit aux pires inégalités et à l a
mainmise de 1'argent sur le pouvoir politique, ce qui est
aux antipodes de la démocratie. La politique économique la plus
"libérale" du monde, veillant à assurer le jeu sans limite de
1’économie de marché, c’est celle de Pinochet, au Chili, où
tout le poids de la dictature politique est au service d'un
marché sans entraves.
2 - Il n’ est pas possible d'identifier la démocratie
avec la pluralité des partis.
Y a-t- il pluralisme aux Etats-Unis lorsque les partis
républicain et démocrate sont indiscernables par leurs projets et
leurs programmes ? Ils constituent "le parti unique" de l a
dictature anonyme de l'argent, présentant tous les stigmates
de l a décadence: record de la criminalité, de la drogue, des
suicides d'adolescents, de la corruption par les "lobbies",
des interventions économiques ou militaires aux côtés des dictatures
les plus corrompues.
En France que signifie 1'affrontement de partis dont
aucun, de la "droite" à la "gauche », n’est porteur d'un
véritable projet d'avenir, et qui, des deux côtés, à l'intérieur
de la "droite" comme de la "gauche", donnent le
spectacle de guerres de personnes et de factions, amnistiant
eux-mêmes, en toute complicité, leur corruption, pour faire
de leur politique une simple course au  pouvoir. Le niveau de
déchéance du débat politique en France apporte la preuve: Le
système des partis est désormais une forme d'organisation politique périmée.
 3 - La "démocratie libérale" n'est pas un obstacle
à la victoire du fascisme: Hitler n'est pas arrivé au pouvoir
par un coup d’Etat : il y est parvenu très
"démocratiquement", en obtenant, dans la très "libérale"
République de Weimar, la majorité électorale lui donnant
lëgalement le pouvoir.


Définie par ses fins, la démocratie, réelle et non
formelle, c’ est une société qui crée les conditions, économiques,
 politiques, culturelles pour que chaque enfant, chaque
femme, chaque homme, puisse déployer pleinement toutes les
possibilités qu'il porte en lui.
Définie par ses  moyens, la démocratie est une société
créant les conditions, à tous les niveaux de la vie sociale, de
la "participation" de chacun à 1'élaboration des décisions
dont dépend son destin.
La démocratie est pluraliste. Non pluralisme de clique ou de
clan, avec tout ce que cela implique d'endoctrinement idéologique,
 de démagogie et de caporalisation, mais pluralisme de familles
 spirituelles enrichissant chacune leur vision de 1'avenir
par la fécondation réciproque de 1' échange et du dialogue.

Une mutation par laquelle la "société civile", le
peuple, prend en main son destin, n'est pas une utopie: des
exemples récents, à 1‘Est de 1'Europe, ont montré comment
des peuples entiers, même corsetés par les Etats et les partis
les plus fortement structurés, ont changé, de façon décisive,
leurs régimes politiques. Depuis longtemps déjà, en Amérique
Latine, des "communautés de base", sur 1' expérience desquelles
sont nées les "théologies de la libération", ont réussi , en
dehors des partis, en dehors de 1'Etat, sans lui, et parfois
contre lui, à réorganiser, à partir de la base, leurs rapports
sociaux et leur mode de vie.

C’ est à une initiative de ce genre que nous faisons
appel: recréer un tissu social et politique en dehors des partis,
 sans eux, et, s'il le faut, contre eux. Tous. Car tous
portent les stigmates de la même déchéance, de la même absence
de projet,de la même politique-spectacle, où le citoyen
n'a aucun moyen de participer à 1'action.

Dans cette désaffection générale pourquoi le Parti
Communiste a-t-il connu 1'effondrement le plus marqué ?
Parce que, pour un parti conservateur, veillant à
maintenir ce qui est, un projet n'est pas nécessaire: un
"empirisme organisateur" suffit. Mais pour un parti se disant
"révolutionnaire", promettant de changer le monde, 1'absence
de projet signifie la mort, la perte de légitimité historique.
C’est de quoi sont morts, par exemple, les partis
communistes polonais, hongrois, roumains. C'est de quoi meurt
le Parti Communiste français.

Comment créer un nouveau réseau de résistance au non-sens
 dans ce monde occidental dont la puissance technique aveugle
risque de conduire à un suicide planétaire ?
Des "communautés de base" -  il est vrai moins conscientes
 de leurs visées lointaines que celles d'Amérique Latine -
existent chez nous sous la forme de mouvements associatifs ( communautés
d’aide, organismes de défense, centre s coopératifs,
associations culturelles), qui ont pour caractère commun, à des
degrés divers, d'échapper :
- aux lois du marché ,
- à la bureaucratie autoritaire de 1'Etat,
- à la manipulation médiatique.
C'est à partir de là que 1'avenir peut être construit.
L'objectif premier est d’aller vers des Etats Généraux des
mouvements associatifs, non pour centraliser et diriger, mais
pour fédérer les espérances et échanger les expériences.
Les divers partis - de gauche ou de droite - n'ont vu
en ces associations que des moyens d'accroître leur  clientèle
 par la démagogie des promesses. Le Parti Communiste ne
traite avec ses alliés que pour en faire des courroies de transmission
 de son influence.
Pour libérer les initiatives de la base, les partis
de conservation sociale (de droite ou de gauche) poursuivront
leur pourrissement dans 1'indifférence croissante d'un peuple.
Mais pour qu'une "renaissance" soit possible, qu'un mouvement
 réel soit porteur d'un nouveau projet, il faut qu'en donne
1’ exemple le parti qui en a trahi 1’espérance.
Il ne s'agit pas seulement d'exiger la démission de
la direction qui 1'a conduit au tombeau. C’ est une condition
nécessaire, mais non suffisante.
Un nouveau congrès, de nouveaux dirigeants, une
organisation plus démocratique, ne suffiraient pas à animer
une renaissance. La formation d'un "Mouvement de
 renaissance" ne doit être ni la création d'une nouvelle
 orthodoxie, ni le prolongement d'une ancienne dissidence.

Nul de ceux qui sont décidés à participer à cette mutation
 radicale ne doit être écarté qu'il s'agisse de militants de ce
Parti  qui recèlent des trésors de dévouement et de sacrifice, d'anciens
 militants, de membres de mouvements associatifs, d'hommes
et de femmes venus d'autres partis et conscients de la
vanité de ces partis, mais tous unis, au delà de leurs divergences,
 par la même volonté de préparer la Charte nouvelle de la
Renaissance et de prendre en mains leur propre destin.
Un "Comité national provisoire de la Renaissance"
aurait pour tâche première de préparer les Etats Généraux, qui
éliraient eux non une «direction» mais un Comité permanent
de coordination pour garantir à la fois 1'unité du but
et 1'autonomie de chaque communauté .
Dès l e départ doivent être parties prenantes de l'initiative
et du Comité des chrétiens qui ont connu, avec le
Concile, leur "perestroïka", qui s'appelait "aggiornamento",
au temps du Pape Jean, des écologistes, des non-violents, des
immigrés aspirant, dans 1’esprit de Mohammed Iqbal, à la  revivification
 de leur religion, des athées , dont le rôle est
salutaire: par son refus de 1'idolâtrie religieuse, 1'athéisme
témoigne de la volonté de 1'homme de se dépasser et de donner
lui-même un sens à sa vie. Sa foi en 1'homme n'est pas
rivale de ce que d'autres appellent la foi en Dieu. Son doute
aide la foi à ne pas céder au dogmatisme  et à s' intérioriser.

C’est en quoi consiste la mutation de la culture:
contre toute prétention à détenir la vérité absolue, prétention
qui conduit à 1'inquisition, contre toute prétention au monolithisme
et à 1'exclusivisme d'un rôle dirigeant, contre tout ethnocentrisme
occidental, engager un véritable dialogue des
civilisations pour concevoir et vivre, grâce à leur fécondation
réciproque , de nouveaux rapports, plus humains, avec la nature,
les autres hommes et l 'avenir.
Et surtout, pour prendre conscience  par cette ouverture à 1'autre
que le monde est un.
Aucun problème aujourd'hui ne peut être résolu dans un
cadre national ou partiel. L'on ne peut plus raisonner en termes
de "eux" et "nous". "Nous", tout le bien. « Eux » l'empire
du mal.
A 1' étape présente de 1'histoire, une universelle
interdépendance, des économies, des cultures, des angoisses
et des espérances nous oblige à prendre conscience de cette
unité fondamentale: hommes de droite ou de gauche, de 1’ Est
ou de 1'Ouest, du Nord et du Sud, nous nous perdrons tous ensemble
ou nous nous sauverons tous ensemble.

Roger Garaudy