Troisième publication consacrée aux rapports entre Roger Garaudy et le Parti communiste dans les années 80-90.
En décembre 1989 et janvier 1990, Roger Garaudy, se rapprochant du Parti
Communiste Français dont il a été exclu vingt ans auparavant, propose à
Roland Leroy, membre du Bureau Politique (la plus haute instance) du PCF et Directeur du quotidien L'Humanité de lancer le débat sur la mutation politique qu'il juge nécessaire et même vitale en publiant un article dans ce journal. . Le 31 décembre il lui envoie une première mouture de cet article: 16 pages dactylographiées. Intitulé Trente ans d'erreur. Tout à repenser, cet article est - reconnaissons le - inacceptable par la direction du parti telle qu'elle est à l'époque.[CETTE
VERSION, avec un préambule d'une page EST A VOTRE DISPOSITION, SUR
DEMANDE VIA LE FORMULAIRE DE CONTACT DU BLOG, AU FORMAT PDF]
Après une deuxième lettre, version abrégée de la première, toujours non publiée par l'Humanité, Roger Garaudy envoie à Roland Leroy le 17 janvier 1990 une troisième lettre ouverte plus spécialement reliée aux
évènements en cours à l'Est (l'Union soviétique approche de sa fin, crise roumaine,...) et précédée d'une lettre personnelle manuscrite (reproduite ci-dessus). NDLR
Une campagne anticommuniste haineuse,hystérique,
est,une fois de plus, déchaînée,prenant
prétexte cette
fois,des bouleversements à 1'Est, pour faire
du socialisme
"1'Empire du mal".
L'objectif de ce raz-de-marée médiatique est
de
faire croire qu'il s'agit de 1'effondrement
du socialisme,
alors qu'il s'agit - il est vrai avec tous
les dérapages
possibles - de 1'écroulement des perversions
du socialisme
dénoncées par Gorbatchev:
1 - Une planification confondue avec une
gestion
centralisée, bureaucratique et autoritaire.
2 - Une "socialisation" qui au lieu
d'être coopérative et autogestionnaire, dans 1'esprit de Marx,a été
confondue avec une étatisation à outrance qui
conduisit
1'économie au chaos, et la liberté au cachot.
La direction du parti communiste français
a-t-elle
aidé à ce dégel et à cette "renaissance"
(perestroïka")?
A-t-elle contribué à dégager, contre
1'offensive assourdissante
des médias, le sens profond de ce mouvement ?
Non.
a - Elle a donné aliment et vraisemblance à
cette
campagne par une obstination suicidaire à
proclamer «globalement
positif» le bilan d'une faillite de ce qui
n'était pas
le socialisme mais sa caricature hideuse. Et
à refusé de dire:
le régime de Brejnev n'est pas le
socialisme.(Ce qui fut
1'objet de mon premier blâme public en 1968).
b - Elle a essayé de racheter cette erreur
fondamentale
par un véritable "suivisme" à
1'égard des événements:
"1’Humanité" a consacré - comme
toute la presse anticommuniste –
à la Roumanie (qui illustrait pourtant les
conséquences
d'un refus de la"perestroïka"), dix
fois plus de place qu'à
1'invasion des Etats-Unis au Panama pour
chasser un dictateur
corrompu qu'ils avaient eux-mêmes imposé
quand il était un
agent docile.
- A la racine de ces fautes, une
incompréhension
du sens profond de la démarche de
Gorbatchev:repenser le
socialisme à partir de ses fins, comme le
faisait Marx : dans
son "Manifeste communiste", le
socialisme est défini comme
une société où "le libre épanouissement
de chacun est la condition du libre épanouissement de tous." Ce choix ne
découle
pas d'une démonstration scientifique
"comme celle du "Capital": il le précède. Vingt ans avant
d'écrire le "Capital" Marx a obéi, en 1843, à ce qu'il appelle
"1'impératif catégorique de bouleverser tous les rapports où 1' homme est
un être dégradé,asservi ".
C’est après seulement qu'il étudie " le
mouvement réel.", les luttes ouvrières, et leur "mission
historique".
Son oeuvre scientifique lui donne les moyens d'analyse
Son oeuvre scientifique lui donne les moyens d'analyse
conduisant à la libération de "l'homme
total".
En résumé: le socialisme est
"scientifique" dans
ses moyens, pas dans ses fins. L'interprétation
de
1'expression "socialisme
scientifique" comme étant un "savoir
absolu", est la source de tous les
dogmatismes et, par là,
de toutes les inquisitions puisqu'elle fait
de la direction
"consciente" la dépositaire de la
vérité.
Cette erreur théorique fondamentale engendre
toutes
les erreurs politiques en excluant comme
"spontanéité" toutes
les initiatives de la base.
Une illustration typique de cette erreur est
celle
de 1968. Le plus ample mouvement social de
notre histoire
(10 millions de salariés et d'étudiants en
grève) éclate,
non à un moment de crise économique, mais au
contraire à un
moment de relative santé du système (peu de
chômage, peu
d’inflation, un taux de croissance élevé). C’est
la
prise de conscience, à la base, que ce
système est plus
dangereux, plus "aliénant" par ses
succès que par ses crises.
La direction rejette alors comme "spontanéité
anarchique" cette formidable explosion au lieu d'en comprendre le sens: la
volonté, dans des conditions historiques
inédites, d'un
socialisme défini par ses fins et d'un
nouveau mode de vie
qui ne soit plus dominé par la seule
"croissance" économique
du capitalisme .L'on en reste aux schémas
figés, purement
négatifs sur les contradictions du
capitalisme qui "s'aiguisent",
et 1'on contribue à la défaite du mouvement
pour ne
voir de solution que dans les urnes.
Dès lors le parti tombait sur les bas-côtés de 1'histoire: le déclin devenait irréversible : de 18 % des électeurs inscrits
Dès lors le parti tombait sur les bas-côtés de 1'histoire: le déclin devenait irréversible : de 18 % des électeurs inscrits
avant 1968, le parti tombe à 12 % en 79, à 6
% en 84,
à 3,7 % en 89.
Les [autres] partis politiques non plus
n'avaient rien compris.
Mais dans la désaffection générale à 1'égard
des partis
c'est le PCF dont 1'effondrement est le plus
marqué.
Parce que, pour un parti conservateur, dont
le but est de
maintenir ce qui est, un "projet"
n'est pas nécessaire. Un
"empirisme organisateur" suffit.
Mais pour un parti se disant
"révolutionnaire", promettant de
changer le monde et la vie
1'absence de projet signifie la mort, la
perte de légitimité
historique.
Deuxième exemple de dogmatisme conduisant à
une erreur
politique monstrueuse: le ralliement, en
1977, à 1'illusoire
"dissuasion nucléaire". Le
principal mérite de Gorbatchev,
dans sa « perestroïka», est de montrer (et toute sa
politique
de désarmement en découle) qu'à 1'âge des
missiles permettant
d'atteindre n'importe quelle cible à partir
de n'importe
quelle base, à un moment où ces missiles
peuvent transporter
1'équivalent d'un million de bombes
d'Hiroshima(c'est
à dire de détruire 70 milliards d'êtres
humains, 15 fois plus
qu'il n'en existe) l'on ne peut plus penser
qu'en termes
d'unité du monde.(C'est vrai d'ailleurs pour
1’interdépendance universelle des économies et des écologies comme
des sécurités.
Ceci ne signifie nullement que 1'on nie 1'existence
Ceci ne signifie nullement que 1'on nie 1'existence
de conflits, y compris de "luttes de
classes" à 1' échelle internationale,
comme à 1'intérieur, mais que, dans les
conditions historiques de cette
interdépendance universelle de
fait, nous devons repenser nos méthodes pour
les aborder.
Le ralliement du P.C.F., depuis 1977, à
1'illusoire
"dissuasion nucléaire" ,
1'intégrant au monstrueux
"consensus" des partis, lui a fait
perdre sa légitimité
historique comme force d'arrachement aux
mensonges officiels,
et comme force de proposition pour préparer
un avenir à visage
humain.
En France le niveau de déchéance du débat
politique
en apporte la preuve: le système des
"partis" est désormais
une forme d'organisation périmée.
Dans cette société désintégrée comment
recréer un
tissu social et politique vivant ?
Pour libérer les initiatives de la base, les
partis
de conservation sociale (de droite ou de
gauche) poursuivront
leur pourrissement dans 1'indifférence
croissante d'un peuple.
Mais pour qu'une "renaissance" soit
possible, qu'un mouvement
réel soit porteur d'un nouveau projet, il
faut qu'en donne
1'exemple le parti qui en a trahi
1'espérance.
Il ne s'agit pas seulement d'exiger la
démission de
la direction qui 1'a conduit au tombeau. C’est
une condition
nécessaire, mais non suffisante.
Un nouveau congrès, de nouveaux dirigeants,
une
organisation plus démocratique, ne
suffiraient pas à animer
une renaissance.
La formation d'un " Mouvement de
renaissance" ne doit
être ni la création d'une nouvelle orthodoxie
ni le prolongement
d'une ancienne dissidence.
Nul de ceux qui sont décidés à participer à
cette mutation
radicale ne doit être écarté, qu'il s'agisse
de militants de ce
Parti, qui
recèlent des trésors de dévouement et de sacrifice, d'anciens militants, de
membres de mouvements associatifs, d'hommes
et de femmes venus d'autres partis et
conscients de la
vanité de ces partis, mais tous unis, au delà
de leurs divergences, par la même volonté de préparer la Charte nouvelle de la
Renaissance et de prendre en mains leur
propre destin.
Un "Comité national provisoire de la
Renaissance"
aurait pour tâche première de préparer les
Etats Généraux, qui
éliraient eux-mêmes non une "direction
" mais un Comité permanent
de coordination pour garantir à la fois
1'unité du but et
l'autonomie de chaque communauté.
Dès le départ doivent être parties prenantes
de 1’initiative
et du Comité des chrétiens qui ont connu,
avec le
Concile, leur "perestroïka", qui
s'appelait "aggiornamento"
au temps du Pape Jean, des écologistes, des
non-violents, des
immigrés aspirant,dans 1'esprit de Mohammed
Iqbal, à la «revivification de leur religion»r
C'est à partir de là que 1'avenir peut être
construit.
L'objectif premier est d'aller vers des Etats
Généraux des
mouvements associatifs, non pour centraliser
et diriger, mais
pour fédérer les espérances et échanger les
expériences.
Cette volonté de changer la vie implique une
triple
Mutation: de 1'économie, de la politique, de
la culture.
La mutation de 1'économie est d'abord la clé
du
changement du mode de vie. Elle ne peut
s'opérer ni par une
rupture violente imposée "d'en
haut", ni par une prédication
morale, mais par une reconversion, entreprise
par entreprise,
pour aller vers un autre modèle de croissance
fondé sur la
satisfaction de beoins réels.
La reconversion n'est pas seulement le moyen
nécessaire
pour changer le mode de vie d'un peuple en
donnant un sens
humain à son économie; elle est aussi la
seule méthode efficace
de lutte contre le chômage.
Le nucléaire et 1'armement sont les deux
mamelles du
chômage pour une raison simple: ils
exigent le plus d'investissement
par emploi créé. C'est ainsi que la
reconversion du
nucléaire civil permettrait, avec le même
investissement financier,
scientifique et technique, de produire la
même quantité
d'énergie en créant un million d'emplois. (Rapport
Crémieux.)
La reconversion permet de créer un véritable
tissu
social car elle exige la participation
créatrice de chacun se
sentant responsable de tous dans cette remise
en cause des
finalités de la production et des services,
et la recherche des
moyens d'un réemploi des techniques à des
fins humaines.
Cette reconversion pour n'être ni anarchique,
ni
tyrannique, exige, comme le préconise
Gorbatchev, une articulation entre le marché et le plan, entre 1’esprit
d'entreprise
et 1'esprit communautaire.
Le moyen permettant de les conjuguer c’ est le contrat,
c'est à dire une méthode par laquelle
orienter et diriger ne
consiste plus à donner des ordres, mais à
fixer des objectifs
A tous les niveaux: des taches d'une équipe
dans 1'entreprise
jusqu' à la planification centrale.
Ainsi seulement 1'on pourra échapper au faux
dilemne
entre un individualisme de jungle et un
totalitarisme
de termitière.
[L’exemplaire en ma
possession s’arrête ici. Néanmoins je suppose que Garaudy a repris les aspects
politique et culturel de la mutation proposée déjà dans la 1ère et
la 2ème lettres peut-être en les condensant ou en les présentant
différemment.je n’en sais rien. Dans le doute, et pour conserver une cohérence
au texte, je reproduis donc ci-dessous les paragraphes concernés de la 2ème
lettre, version abrégée de la 1ère. A.R]
La
mutation politique exige une conception claire de
la
démocratie.
1
- Il n'est pas possible d'identifier la démocratie
avec
1'économie de marché, car le "libéralisme" du renard
libre
dans le poulailler conduit aux pires inégalités et à l a
mainmise
de 1'argent sur le pouvoir politique, ce qui est
aux
antipodes de la démocratie. La politique économique la plus
"libérale"
du monde, veillant à assurer le jeu sans limite de
1’économie
de marché, c’est celle de Pinochet, au Chili, où
tout
le poids de la dictature politique est au service d'un
marché
sans entraves.
2
- Il n’ est pas possible
d'identifier la démocratie
avec
la pluralité des partis.
Y
a-t- il pluralisme aux Etats-Unis lorsque les partis
républicain
et démocrate sont indiscernables par leurs projets et
leurs
programmes ? Ils constituent "le parti unique" de l a
dictature
anonyme de l'argent, présentant tous les stigmates
de
l a décadence: record de la criminalité, de la drogue, des
suicides
d'adolescents, de la corruption par les "lobbies",
des
interventions économiques ou militaires aux côtés des dictatures
les
plus corrompues.
En
France que signifie 1'affrontement de partis dont
aucun,
de la "droite" à la "gauche », n’est porteur d'un
véritable
projet d'avenir, et qui, des deux côtés, à l'intérieur
de
la "droite" comme de la "gauche", donnent le
spectacle
de guerres de personnes et de factions, amnistiant
eux-mêmes,
en toute complicité, leur corruption, pour faire
de
leur politique une simple course au
pouvoir. Le niveau de
déchéance
du débat politique en France apporte la
preuve: Le
système
des partis est désormais une forme d'organisation politique périmée.
3 - La "démocratie
libérale" n'est pas un obstacle
à la victoire du fascisme: Hitler n'est pas arrivé au pouvoir
à la victoire du fascisme: Hitler n'est pas arrivé au pouvoir
par
un coup d’Etat : il y est parvenu très
"démocratiquement",
en obtenant, dans la très "libérale"
République
de Weimar, la majorité électorale lui donnant
lëgalement le pouvoir.
lëgalement le pouvoir.
Définie
par ses fins, la démocratie, réelle et non
formelle,
c’ est une société qui crée les
conditions, économiques,
politiques, culturelles pour que chaque
enfant, chaque
femme,
chaque homme, puisse déployer pleinement toutes les
possibilités
qu'il porte en lui.
Définie
par ses moyens, la démocratie est une
société
créant
les conditions, à tous les niveaux de la vie sociale, de
la
"participation" de chacun à 1'élaboration des décisions
dont
dépend son destin.
La
démocratie est pluraliste. Non pluralisme de clique ou de
clan,
avec tout ce que cela implique d'endoctrinement idéologique,
de démagogie et de caporalisation, mais
pluralisme de familles
spirituelles enrichissant chacune leur vision
de 1'avenir
par
la fécondation réciproque de 1' échange et du dialogue.
Une
mutation par laquelle la "société civile", le
peuple,
prend en main son destin, n'est pas une utopie: des
exemples
récents, à 1‘Est de 1'Europe, ont montré comment
des
peuples entiers, même corsetés par les Etats et les partis
les
plus fortement structurés, ont changé, de façon décisive,
leurs
régimes politiques. Depuis longtemps déjà, en Amérique
Latine,
des "communautés de base", sur 1' expérience desquelles
sont
nées les "théologies de la libération", ont réussi , en
dehors
des partis, en dehors de 1'Etat, sans lui, et parfois
contre
lui, à réorganiser, à partir de la base, leurs rapports
sociaux
et leur mode de vie.
C’
est à une initiative de ce genre que nous faisons
appel:
recréer un tissu social et politique en dehors des partis,
sans eux, et, s'il le faut, contre eux. Tous.
Car tous
portent
les stigmates de la même déchéance, de la même absence
de
projet,de la même politique-spectacle, où le citoyen
n'a
aucun moyen de participer à 1'action.
Dans
cette désaffection générale pourquoi le Parti
Communiste
a-t-il connu 1'effondrement le plus marqué ?
Parce
que, pour un parti conservateur, veillant à
maintenir
ce qui est, un projet n'est pas nécessaire: un
"empirisme
organisateur" suffit. Mais pour un parti se disant
"révolutionnaire",
promettant de changer le monde, 1'absence
de
projet signifie la mort, la perte de légitimité historique.
C’est
de quoi sont morts, par exemple, les partis
communistes
polonais, hongrois, roumains. C'est de quoi meurt
le
Parti Communiste français.
Comment
créer un nouveau réseau de résistance au non-sens
dans ce monde occidental dont la puissance
technique aveugle
risque
de conduire à un suicide planétaire ?
Des
"communautés de base" - il est
vrai moins conscientes
de leurs visées lointaines que celles
d'Amérique Latine -
existent
chez nous sous la forme de mouvements associatifs ( communautés
d’aide,
organismes de défense, centre s coopératifs,
associations
culturelles), qui ont pour caractère commun, à des
degrés
divers, d'échapper :
-
aux lois du marché ,
-
à la bureaucratie autoritaire de 1'Etat,
-
à la manipulation médiatique.
C'est
à partir de là que 1'avenir peut être construit.
L'objectif
premier est d’aller vers des Etats Généraux des
mouvements
associatifs, non pour centraliser et diriger, mais
pour
fédérer les espérances et échanger les expériences.
Les
divers partis - de gauche ou de droite - n'ont vu
en
ces associations que des moyens d'accroître leur clientèle
par la démagogie des promesses. Le Parti
Communiste ne
traite
avec ses alliés que pour en faire des courroies de transmission
de son influence.
Pour
libérer les initiatives de la base, les partis
de
conservation sociale (de droite ou de gauche) poursuivront
leur
pourrissement dans 1'indifférence croissante d'un peuple.
Mais
pour qu'une "renaissance" soit possible, qu'un mouvement
réel soit porteur d'un nouveau projet, il faut
qu'en donne
1’
exemple le parti qui en a trahi 1’espérance.
Il
ne s'agit pas seulement d'exiger la démission de
la
direction qui 1'a conduit au tombeau. C’ est une condition
nécessaire,
mais non suffisante.
Un
nouveau congrès, de nouveaux dirigeants, une
organisation
plus démocratique, ne suffiraient pas à animer
une
renaissance. La formation d'un "Mouvement de
renaissance" ne doit être ni la création
d'une nouvelle
orthodoxie, ni le prolongement d'une ancienne
dissidence.
Nul
de ceux qui sont décidés à participer à cette mutation
radicale ne doit être écarté qu'il s'agisse de
militants de ce
Parti qui recèlent des trésors de dévouement et de
sacrifice, d'anciens
militants, de membres de mouvements associatifs,
d'hommes
et
de femmes venus d'autres partis et conscients de la
vanité
de ces partis, mais tous unis, au delà de leurs divergences,
par la même volonté de préparer la Charte
nouvelle de la
Renaissance
et de prendre en mains leur propre destin.
Un
"Comité national provisoire de la Renaissance"
aurait
pour tâche première de préparer les Etats Généraux, qui
éliraient
eux non une «direction» mais un Comité permanent
de
coordination pour garantir à la fois 1'unité du but
et
1'autonomie de chaque communauté .
Dès
l e départ doivent être parties prenantes de l'initiative
et
du Comité des chrétiens qui ont connu, avec le
Concile,
leur "perestroïka", qui s'appelait "aggiornamento",
au
temps du Pape Jean, des écologistes, des non-violents, des
immigrés
aspirant, dans 1’esprit de Mohammed Iqbal, à la
revivification
de leur religion, des athées , dont le rôle
est
salutaire:
par son refus de 1'idolâtrie religieuse, 1'athéisme
témoigne
de la volonté de 1'homme de se dépasser et de donner
lui-même
un sens à sa vie. Sa foi en 1'homme n'est pas
rivale
de ce que d'autres appellent la foi en Dieu. Son doute
aide
la foi à ne pas céder au dogmatisme et à
s' intérioriser.
C’est
en quoi consiste la mutation de la culture:
contre
toute prétention à détenir la vérité absolue, prétention
qui
conduit à 1'inquisition, contre toute prétention au monolithisme
et
à 1'exclusivisme d'un rôle dirigeant, contre tout ethnocentrisme
occidental,
engager un véritable dialogue des
civilisations
pour concevoir et vivre, grâce à leur fécondation
réciproque
, de nouveaux rapports, plus humains, avec la nature,
les
autres hommes et l 'avenir.
Et
surtout, pour prendre conscience par
cette ouverture à 1'autre
que
le monde est un.
Aucun
problème aujourd'hui ne peut être résolu dans un
cadre
national ou partiel. L'on ne peut plus raisonner en termes
de
"eux" et "nous". "Nous", tout le bien.
« Eux » l'empire
du
mal.
A
1' étape présente de 1'histoire, une universelle
interdépendance,
des économies, des cultures, des angoisses
et
des espérances nous oblige à prendre conscience de cette
unité
fondamentale: hommes de droite ou de gauche, de 1’ Est
ou
de 1'Ouest, du Nord et du Sud, nous nous perdrons tous ensemble
ou
nous nous sauverons tous ensemble.
Roger
Garaudy