© Droits réservés pour cet article. Reproduction interdite
[Première partie de ce texte à lire ici]
Teilhard de Chardin nous dit qu'un possible nous attend, ou nous attire, différent du présent, ce possible déjà réalisé. Nous ne pouvons atteindre ce possible qu’à travers l’autre, par l’amour. L’analyse marxienne de l’aliénation et les perspectives émancipatrices qu’elle rend impératives ne s’opposent en rien à la vision teilhardienne. Au contraire, les deux analyses se complètent, et donc les deux chemins peuvent légitimement converger.
A l’éclairage de Roger Garaudy, qui s’inscrit dans ce mouvement de convergence, et en dépit des
protestations prévisibles des orthodoxes des deux bords, traçons le périmètre
de cette complémentarité.
D’autres possibles existent. Un au-delà de ce monde
désenchanté est à conquérir; un dépassement de toutes limites, de toutes nos
limites, est possible.
Pour fonder l’essentiel de sa vie sur cette conquête, pour combattre «aux frontières de l’illimité et de l’avenir» (Apollinaire, "Caligrammes"), il faut comme le voulait Pascal parier «qu’une rupture radicale est possible» [Roger Garaudy , « L’avenir mode d’emploi», Vent du large, 1998, p 182]. Ce n’est pas un pari «en l’air », une rodomontade, c’est une vraie adhésion énoncée et assumée à une «certitude sans preuve» [Ibid], à un «postulat.» [Ibid]. Il y a des risques, des dangers même ; mais rien n’est écrit, rien n’est gagné ou perdu d’avance, tout l’à-venir tient à l’intensité, à la durée, à la qualité de l’action humaine, de l’effort humain.
Tout le travail de Marx a consisté, selon Garaudy - qui l’a maintes fois répété -, à construire une «méthodologie de l’initiative historique», c’est-à-dire de l’initiative nécessaire pour supprimer l’aliénation et libérer les capacités d’hominisation-humanisation de l’homme. Cette méthodologie complète parfaitement le credo teilhardien d’une véritable «mystique de l’action» [Jacques Masurel, "Questions pour un monde en devenir", Aubin,2002, p 63]. Se pourrait-il qu’elle se mette à son service ?
Le marxiste Garaudy écrivait déjà en 1966: «Le mouvement même qui nous porte, en chaque moment, à créer dans l’angoisse et le risque une réalité plus haute, nous pouvons en prendre conscience comme de notre réalité la plus profonde, la réalité constituante de l’homme créateur.» [«Marxisme du 20ème siècle», La Palatine, 1966, p 112].
Pour fonder l’essentiel de sa vie sur cette conquête, pour combattre «aux frontières de l’illimité et de l’avenir» (Apollinaire, "Caligrammes"), il faut comme le voulait Pascal parier «qu’une rupture radicale est possible» [Roger Garaudy , « L’avenir mode d’emploi», Vent du large, 1998, p 182]. Ce n’est pas un pari «en l’air », une rodomontade, c’est une vraie adhésion énoncée et assumée à une «certitude sans preuve» [Ibid], à un «postulat.» [Ibid]. Il y a des risques, des dangers même ; mais rien n’est écrit, rien n’est gagné ou perdu d’avance, tout l’à-venir tient à l’intensité, à la durée, à la qualité de l’action humaine, de l’effort humain.
Tout le travail de Marx a consisté, selon Garaudy - qui l’a maintes fois répété -, à construire une «méthodologie de l’initiative historique», c’est-à-dire de l’initiative nécessaire pour supprimer l’aliénation et libérer les capacités d’hominisation-humanisation de l’homme. Cette méthodologie complète parfaitement le credo teilhardien d’une véritable «mystique de l’action» [Jacques Masurel, "Questions pour un monde en devenir", Aubin,2002, p 63]. Se pourrait-il qu’elle se mette à son service ?
Le marxiste Garaudy écrivait déjà en 1966: «Le mouvement même qui nous porte, en chaque moment, à créer dans l’angoisse et le risque une réalité plus haute, nous pouvons en prendre conscience comme de notre réalité la plus profonde, la réalité constituante de l’homme créateur.» [«Marxisme du 20ème siècle», La Palatine, 1966, p 112].
Teilhard ne dit pas autre chose. La transcendance n’est plus
seulement «un attribut de Dieu mais […] une dimension de l’homme.» [Ibid, p 113], «une présence en nous de
l’exigence, responsable et libre, de notre propre dépassement» [RG, «Le 21e
siècle suicide planétaire ou résurrection ?», L’harmattan, 2000, p 53], un
«horizon qui recule sans fin lorsque j’avance» [RG, «Les fossoyeurs. Un
nouvel appel aux vivants», L’Archipel, 1992, p 253] et plus poétiquement «le
jaillissement libre et fantaisiste sur toutes les voies inexplorées» [Teilhard,
« L’avenir de l’Homme», Seuil, Points-Sagesses, p 69]. Quel que soit le
nom que l’on donne à cette présence, à cette exigence, à cet horizon, à ce
jaillissement.
L’amour est le
principal, et le seul indispensable, médiateur de la transcendance, quelle
qu’en soit la forme, individuelle ou collective, quotidienne ou grandiose, car
l’amour est la plus grande énergie contenue en chacun de nous et répandue dans
notre univers. Au sens philosophique premier du terme, l’amour est le mouvement
qui nous pousse à nous unir aux autres. L’amour de son prochain au sens large,
mais aussi évidemment - d’aucuns diront «surtout» - l’amour entre deux êtres
humains, car, ainsi que le dit un soufi persan que Roger Garaudy aimait citer,
Ruzbehan de Chiraz : «C’est dans le livre de l’amour humain qu’on apprend
à déchiffrer l’amour divin».
Pour Garaudy, la transcendance est «don d’amour de l’individu au tout de l’humanité» [«Marxisme du 20e siècle», op cit, p 114] ; et «l’amorisation» de Pierre Teilhard de Chardin est «l’approfondissement de notre moi le plus intime dans le plus vivifiant rapprochement humain» [op cit. p 69].
Pour Garaudy, la transcendance est «don d’amour de l’individu au tout de l’humanité» [«Marxisme du 20e siècle», op cit, p 114] ; et «l’amorisation» de Pierre Teilhard de Chardin est «l’approfondissement de notre moi le plus intime dans le plus vivifiant rapprochement humain» [op cit. p 69].
Chez les deux philosophes, point de vieillard barbu pointant
son index sur l’humanité ! Point de déterminisme par une matière sans
esprit ou par un soi-disant divin oppresseur ! Point de fatalisme ou de
superstition ! Les deux mettent d’ailleurs l’accent en permanence sur le
travail humain, sur la socialisation croissante de l’espèce, sur l’émergence
d’une «super-humanité» (ou d’un homme «ultra-humain») pour Teilhard, d’un
«homme nouveau» pour le marxiste Garaudy.
«Etre aliéné, c’est être dépossédé de soi, de sa transcendance, de sa liberté» [RG, «Sciences humaines et islam», conférence à Alger, 1986, inédit, documentation personnelle]. L’homme aliéné, en se perdant, perd son humanité, la transcendance qui habite cette humanité, et la liberté dont la possibilité de transcendance est garante.
La transcendance et ses instruments ne sont pas extérieurs et supérieurs à l’homme individuel et générique, car, si c’était le cas, ils perpétueraient ou aggraveraient l’aliénation en devenant des idoles hautaines et lointaines, ils le précipiteraient dans la dispersion, mais ils sont en lui, ils lui sont immanents, en tant qu’il est un être en devenir, un possibilisateur d’impossibles.
«Etre aliéné, c’est être dépossédé de soi, de sa transcendance, de sa liberté» [RG, «Sciences humaines et islam», conférence à Alger, 1986, inédit, documentation personnelle]. L’homme aliéné, en se perdant, perd son humanité, la transcendance qui habite cette humanité, et la liberté dont la possibilité de transcendance est garante.
La transcendance et ses instruments ne sont pas extérieurs et supérieurs à l’homme individuel et générique, car, si c’était le cas, ils perpétueraient ou aggraveraient l’aliénation en devenant des idoles hautaines et lointaines, ils le précipiteraient dans la dispersion, mais ils sont en lui, ils lui sont immanents, en tant qu’il est un être en devenir, un possibilisateur d’impossibles.
Marx a fait son travail de matérialiste et de dialecticien en
démontant le processus aliénant du Capital, mais il n’a pas vu – notamment
parce que les églises de son temps lui barraient l’horizon – que la
transcendance était une part de l’humanité, la meilleure car elle est celle qui
lui permet d’accéder à un stade supérieur de développement. Heureusement,
Teilhard est là et, parce qu’elles s’emboîtent bien sans se confondre,
avec clarté et précision, l’œcuménique Garaudy rassemble les deux oeuvres sans
en trahir aucune.
Garaudy fut marqué au fer rouge par l’appel de la transcendance. Comme celle de Teilhard de Chardin, toute sa vie fut une recherche de l’Absolu, cette «passion désespérée d’être au monde» décrite par le poète communiste Pier Paolo Pasolini.
Jeune militant protestant, il adhère cependant dés 1933, à vingt ans, au parti communiste, qui, à l’époque est le temple d’un véritable «messianisme séculier» [Claude Obadia, http://claudeobadia.fr/?p=57].
Arrêté en 1940, déporté en Algérie, il y vit une double expérience de la transcendance: celle de la fraternité avec ses compagnons de captivité, et surtout celle de ces soldats musulmans refusant, au nom de leur foi qui transcende la loi militaire française, de tirer sur des hommes désarmés - les prisonniers condamnés à mort dont il faisait partie. De cet épisode, il dira qu’il fut pour lui «fondateur».
En 2004, Brigitte Fleury [Université du Québec à Montréal] a consacré au «cas de Roger Garaudy» sa thèse: « Etude de la conversion religieuse du point de vue communicationnel» [téléchargeable sur le site de l’université].
A la Libération, et jusque vers la fin des années 1960, Roger Garaudy trouve sans aucun doute son absolu dans l’action politique. Il devient très vite l’un des principaux dirigeants du parti communiste français, un des plus staliniens d’Europe occidentale. Paradoxalement pourtant, dans cette période il initie et anime le dialogue communistes-chrétiens et ouvre le parti en particulier et le marxisme en général à la diversité des courants intellectuels et artistiques. Bénéficiant de la bienveillance du Secrétaire général Maurice Thorez, il est notamment directeur du Centre d’Etudes et de Recherchesmarxistes, ami de l’Abbé Pierre qu’il a connu au Parlement (il fut 8 ans député puis sénateur) et de l’Archevêque brésilien Dom Helder Camara , Garaudy, surnommé «le Cardinal», est alors le philosophe «officiel» du PCF.
Son exclusion en 1970 - à la suite de la publication de ses analyses de la révolution scientifique et technique, des crises de 1968, de l’invasion de la Tchécoslovaquie et de la nature réelle des pays dits «socialistes» - va le conduire à s’émanciper totalement du stalinisme et à poursuivre son travail d’actualisation, de dépassement positif, du marxisme entrepris depuis plusieurs années notamment dans sa conception de l’esthétique. Je dis bien «dépassement» et j’ajoute «positif» car il ne s’agit pas d’une négation ou d’un retour à une position pré-marxiste. Par dépassement positif, il faut notamment entendre l’introduction de la transcendance dans le marxisme, sans affadir ou déformer l’un ou l’autre. La prise de conscience de l’aliénation et de son possible dépassement est ce point d’introduction.
Garaudy fut marqué au fer rouge par l’appel de la transcendance. Comme celle de Teilhard de Chardin, toute sa vie fut une recherche de l’Absolu, cette «passion désespérée d’être au monde» décrite par le poète communiste Pier Paolo Pasolini.
Jeune militant protestant, il adhère cependant dés 1933, à vingt ans, au parti communiste, qui, à l’époque est le temple d’un véritable «messianisme séculier» [Claude Obadia, http://claudeobadia.fr/?p=57].
Arrêté en 1940, déporté en Algérie, il y vit une double expérience de la transcendance: celle de la fraternité avec ses compagnons de captivité, et surtout celle de ces soldats musulmans refusant, au nom de leur foi qui transcende la loi militaire française, de tirer sur des hommes désarmés - les prisonniers condamnés à mort dont il faisait partie. De cet épisode, il dira qu’il fut pour lui «fondateur».
En 2004, Brigitte Fleury [Université du Québec à Montréal] a consacré au «cas de Roger Garaudy» sa thèse: « Etude de la conversion religieuse du point de vue communicationnel» [téléchargeable sur le site de l’université].
A la Libération, et jusque vers la fin des années 1960, Roger Garaudy trouve sans aucun doute son absolu dans l’action politique. Il devient très vite l’un des principaux dirigeants du parti communiste français, un des plus staliniens d’Europe occidentale. Paradoxalement pourtant, dans cette période il initie et anime le dialogue communistes-chrétiens et ouvre le parti en particulier et le marxisme en général à la diversité des courants intellectuels et artistiques. Bénéficiant de la bienveillance du Secrétaire général Maurice Thorez, il est notamment directeur du Centre d’Etudes et de Recherchesmarxistes, ami de l’Abbé Pierre qu’il a connu au Parlement (il fut 8 ans député puis sénateur) et de l’Archevêque brésilien Dom Helder Camara , Garaudy, surnommé «le Cardinal», est alors le philosophe «officiel» du PCF.
Son exclusion en 1970 - à la suite de la publication de ses analyses de la révolution scientifique et technique, des crises de 1968, de l’invasion de la Tchécoslovaquie et de la nature réelle des pays dits «socialistes» - va le conduire à s’émanciper totalement du stalinisme et à poursuivre son travail d’actualisation, de dépassement positif, du marxisme entrepris depuis plusieurs années notamment dans sa conception de l’esthétique. Je dis bien «dépassement» et j’ajoute «positif» car il ne s’agit pas d’une négation ou d’un retour à une position pré-marxiste. Par dépassement positif, il faut notamment entendre l’introduction de la transcendance dans le marxisme, sans affadir ou déformer l’un ou l’autre. La prise de conscience de l’aliénation et de son possible dépassement est ce point d’introduction.
De central, le dialogue chrétiens-marxistes devient alors
pour Garaudy à partir des années 1970 un
élément d’un plus vaste dialogue des cultures et des civilisations, que son
adhésion à l’islam à partir de 1982 renforce considérablement. Dans «L’avenir
mode d’emploi» [op cit, p 219] il résume ainsi sa démarche: «Venu vers
l’islam avec la Bible sous un bras et Marx sous l’autre, je m’efforce de
faire revivre dans l’islam, comme dans le marxisme, les dimensions
d’intériorité, de transcendance et d’amour».
A travers des communautés successives, différentes mais non antagonistes - le christianisme, le communisme, l’islam -, toutes baignées de transcendance, la soif d’absolu de Roger Garaudy trouve à s’étancher d’une manière de plus en plus cohérente et totalisante, unifiante dirait Teilhard de Chardin.
A travers des communautés successives, différentes mais non antagonistes - le christianisme, le communisme, l’islam -, toutes baignées de transcendance, la soif d’absolu de Roger Garaudy trouve à s’étancher d’une manière de plus en plus cohérente et totalisante, unifiante dirait Teilhard de Chardin.
«Allahou Akbar !», «Dieu est le plus grand», plus grand
que tout avoir, plus grand que tout pouvoir, plus grand que tout savoir. Un
chrétien peut-il démentir cette invocation musulmane ?
Sont ainsi énoncés en effet les trois postulats qui sont exigibles par toute foi conforme à l’humanité de l’Homme.
Le postulat de transcendance, la transcendance est ici religieuse et nommée «Dieu». Bien des actes sont grands et Dieu n’est pas le seul acte, mais parmi tous les grands actes il est le plus grand et il les inspire. Dieu est plus grand que ce que je fais.
Le postulat de relativité: tout ce que je dis, même de Dieu, c’est un homme qui le dit. Le postulat de relativité complète le postulat de transcendance en relativisant chaque action humaine. Dieu est plus grand que ce que je dis.
Le postulat d’espérance dont dépendent en dernière analyse les deux premiers. Il me rend apte à accueillir la transcendance et à reconnaître la relativité de toutes choses.
Sont ainsi énoncés en effet les trois postulats qui sont exigibles par toute foi conforme à l’humanité de l’Homme.
Le postulat de transcendance, la transcendance est ici religieuse et nommée «Dieu». Bien des actes sont grands et Dieu n’est pas le seul acte, mais parmi tous les grands actes il est le plus grand et il les inspire. Dieu est plus grand que ce que je fais.
Le postulat de relativité: tout ce que je dis, même de Dieu, c’est un homme qui le dit. Le postulat de relativité complète le postulat de transcendance en relativisant chaque action humaine. Dieu est plus grand que ce que je dis.
Le postulat d’espérance dont dépendent en dernière analyse les deux premiers. Il me rend apte à accueillir la transcendance et à reconnaître la relativité de toutes choses.
Ces postulats s’imbriquent les uns dans les autres, se
complètent, se déduisent réciproquement. Celui d’espérance est la base et le
liant de toute foi (et la foi n’est pas seulement religieuse),
il exige un acte de la volonté, comme l’a vu Jean-Claude Guillebaud: «Pour une
communauté comme pour un individu, écrit-il, l’espérance n’est pas seulement
reçue, elle est décidée.» [«Une autre
vie est possible», L’iconoclaste, 2012, p 214]
«Sans l’espérance on ne trouve pas l’inespéré», selon Héraclite. Mais j’ai le choix de refuser ou d’assumer l’espérance.
L’inespéré est à la frontière de l’espérance, entre possible et impossible, là où navigue la transcendance, où l’humanité de l’Homme, sa part créative, tournée vers l’Autre, vers l’Ailleurs, vers l’Avenir et finalement peut-être vers quelque forme d’éternité, résurrection ou durée, utilisant les ressources illimitées de l’Amour, finit par possibiliser un impossible, par «rendre visible l’invisible», pour reprendre la formule que Paul Klee appliqua à l’art. La route est certes plus difficile, plus pénible, plus dangereuse, mais à cause de cela aussi sans doute, assumer l’espérance me prémunit au moins contre l’acédie, cet «état spirituel de mélancolie dû à l’indifférence, au découragement ou au dégoût» (selon le Petit Larousse) dont l’Eglise catholique a fait un des sept péchés capitaux. Assumer l’espérance me mène peut-être à une forme de bonheur.
«Sans l’espérance on ne trouve pas l’inespéré», selon Héraclite. Mais j’ai le choix de refuser ou d’assumer l’espérance.
L’inespéré est à la frontière de l’espérance, entre possible et impossible, là où navigue la transcendance, où l’humanité de l’Homme, sa part créative, tournée vers l’Autre, vers l’Ailleurs, vers l’Avenir et finalement peut-être vers quelque forme d’éternité, résurrection ou durée, utilisant les ressources illimitées de l’Amour, finit par possibiliser un impossible, par «rendre visible l’invisible», pour reprendre la formule que Paul Klee appliqua à l’art. La route est certes plus difficile, plus pénible, plus dangereuse, mais à cause de cela aussi sans doute, assumer l’espérance me prémunit au moins contre l’acédie, cet «état spirituel de mélancolie dû à l’indifférence, au découragement ou au dégoût» (selon le Petit Larousse) dont l’Eglise catholique a fait un des sept péchés capitaux. Assumer l’espérance me mène peut-être à une forme de bonheur.
Alain Raynaud