31 octobre 2015
30 octobre 2015
Réflexions sur la défense. Le point de vue de Diogène
Les attentats du mois
de janvier ont le mérite d'obliger nombre de groupes qui, jusqu'alors
dédaignaient ces questions, à s'intéresser aux thèmes de la défense
nationale. Il est rare que des sites ou des blogs de gauche traitent de
ces questions. La gauche a longtemps entretenu l’ambiguïté sur ses
positions. Antimilitariste depuis les guerres coloniales, elle a ensuite
milité pour la suppression du service militaire. Arrivée aux affaires
en 1981, elle a, depuis, fait le chemin inverse en mettant en avant des
difficultés techniques pour la réduction du temps de conscription puis,
en s'en réclamant au moment où la droite a fait ce que personne
n'attendait d'elle : sa suppression pure et simple. Le parcours d'un
Jean-Pierre Chevènement est à ce titre significatif. Partisan du
désarmement unilatéral lorsqu'il était chef du Cérès (qui regroupait les
jeunes socialistes) au début des années 1970, il est resté spécialiste
des questions de défense au PS avant de devenir Ministre en charge. Il
est vrai que ce qui gênait la gauche, c'était l'alliance atlantique et
une stratégie dirigée exclusivement vers la riposte à une attaque de
l'URSS. À partir du moment où l'Union Soviétique est tombée, il reste
encore cette alliance qui, pour beaucoup, ressemble à un alignement de
la politique étrangère de la France sur les intérêts des États-Unis. La
réintégration de la France dans tous les dispositifs de l'OTAN n'est pas
faite pour réconcilier la gauche avec la Défense. Pendant les années de
la guerre froide, l'équilibre de la terreur favorisait un certain
confort intellectuel puisque le danger d'un conflit impliquant la France
était essentiellement rhétorique. La guerre sur le terrain se déroulait
sur des champs de bataille éloignés tandis qu'on manifestait
sincèrement ici. Régis Debray demeure une figure exceptionnelle
d'engagement, au péril de sa vie, pour la défense de ses convictions,
sur les théâtres d'opération
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29 octobre 2015
Où en est le débat sur la pertinence de la dissuasion nucléaire ?
Les douze derniers mois ont vu le débat français sur la pertinence de la dissuasion nucléaire s'ouvrir un peu plus.
Plusieurs colloques ont été organisés qui ont tenté en général de
justifier le maintien du statu quo actuel. On peut citer le colloque du
CEA en novembre 2014 : « 50 ans de dissuasion nucléaire : exigences et pertinence au 21e siècle » ainsi que celui de la Fondation pour la Recherche stratégique « La dissuasion nucléaire française en débat » en juin.
Le président Hollande a rappelé en février dernier la volonté gouvernementale de ne rien changer : "le temps de la dissuasion nucléaire n’est pas dépassé. Il ne saurait être question, y compris dans ce domaine, de baisser la garde".
Pour autant, la presse française s'est fait l'écho, ce qui est un phénomène relativement nouveau, des voix critiques comme celle du général Norlain ou de l'ancien ministre de la défense Paul Quilès.
>> LIRE LA SUITE >>
Le président Hollande a rappelé en février dernier la volonté gouvernementale de ne rien changer : "le temps de la dissuasion nucléaire n’est pas dépassé. Il ne saurait être question, y compris dans ce domaine, de baisser la garde".
Pour autant, la presse française s'est fait l'écho, ce qui est un phénomène relativement nouveau, des voix critiques comme celle du général Norlain ou de l'ancien ministre de la défense Paul Quilès.
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28 octobre 2015
Deux mois avant Noêl, préparons nous à accueillir un migrant exilé politique, Jésus de Nazareth
La philosophie politique nous permet de réaliser une herméneutique [1]
philosophique des narrations contenues dans des textes religieux. Ce
qu'on appelle Noël est une festivité des cultures méditerranéennes et
d'autres peuples qui célébraient le 21 décembre, le jour le plus court
de l'année, parce qu'à partir de cette date, le soleil irait en
«croissant». C'était le natale solis.
A partir du troisième siècle, le christianisme a
adopté cette fête, qui n'était ni juive ni chrétienne, pour y célébrer
la naissance de Joshua de Nazareth. Les circonstances de cette naissance
passent souvent inaperçues, et sont fétichisées sous des sens
totalement superficiels.
On sait que l'empereur romain de l'époque a ordonné un
recensement afin de pouvoir encaisser les impôts de ses sujets
coloniaux. La Palestine était une colonie romaine. La famille de Joshua,
descendante de la dynastie de David, roi du petit royaume coincé entre
celui de l'Egypte et ceux de la Mésopotamie, ont dû se rendre à
Bethléem, lieu de naissance et de résidence de ce roitelet. N'ayant pas
de ressources, ils étaient comme des immigrés pauvres, Marie a dû
accoucher dans des conditions d'indigence: «elle l'emmaillota, et le coucha dans une crèche, parce qu'ils ne trouvèrent pas de place dans l'auberge.» (Luc 1.7). Pauvres immigrants, les équivalents des Latinos ou des Mexicains dans l'Empire états-unien! Et bientôt la situation ne ferait qu'empirer.
Lorsque le monarque colonial collaborationniste de
l'Empire romain – Hérode étant un usurpateur sans ascendance royale – a
appris qu'un descendant de David était peut-être né, et craignant qu'un
jour il lui contesterait le pouvoir, il donna l'ordre de«tuer tous les enfants de deux ans et au-dessous qui étaient à Bethlehem et dans tout son territoire» (Matthieu 2.16). Joseph apprit que «Hérode cherchait l'enfant pour le tuer. [Pour cette raison] Joseph se leva, prit de nuit le petit enfant et sa mère [comme un persécuté qui a peur], (et) partit en Egypte, où il resta jusqu'à la mort d'Hérode.» (ibid. 13-14).
Nous voyons donc Joshua a commencé sa vie sous la
menace de la pauvreté, de l'humiliation, de l'oppression (il est né dans
une crèche), et à peine né, il a failli être assassiné (ce sort n'a pu
être évité que grâce aux bons informateurs de Joseph). Il était donc un
réfugié politique! Et je dis bien politique et non pas religieux. En effet, s'ils ont tenté de l'assassiner, c'est parce que dans la «généalogie de Joshua, l'Oint, [figurait le fait qu'il était] descendant de David» (ibid, 1.1.).
Au cours d'un de mes voyages au Caire, en Egypte dans
les années 1980, j'ai eu l'occasion au cours de mon passage dans
l'ancien quartier copte [2],
de visiter une petite église où la communauté byzantine célèbre le
séjour de Joshua en Egypte. Ce jour-là, j'ai pris conscience du fait que
ce Joshua avait été un exilé politique en Egypte, donc un immigrant
sans défense. Il faut noter que le séjour en Egypte n'a pas été inutile
à Joshua. Il a dû apprendre beaucoup de choses pendant son séjour dans
cette grande civilisation - immensément plus développée que sa petite
patrie palestinienne. Entre autres il s'est familiarisé avec les
critères éthiques universaux qu'il énumère comme des principes dans le
Jugement final - évènement fêté dans les traditions égyptiennes. Selon
ces traditions, la Grande déesse Maât [3],
juge suprême, demandait au mort qui réclamait la résurrection ce qu'il
avait fait de bien dans son existence, et le mort répondait: J'ai donné du pain à l'affamé, de l'eau à celui qui a soif, j'ai habillé celui qui était nu et donné une barque au pèlerin» (chapitre 125 du Livre des morts
en Egypte). Les propos de Joshua au sujet de ces principes sont
rapportés dans Matthieu 25, dans un énoncé beaucoup plus complet que
celui d'Isaïe.
Ce qui est certain, c'est que lorsque cette famille d'immigrants exilés politiques et sans défense a appris que «Hérode était mort [Joseph] se leva, prit l'enfant et sa mère et rentra dans le pays d'Israël» (ibid. 2.21). Mais, comme toute famille d'exilés politiques, «ayant appris qu'Archélaüs régnait sur la Judée à la place d'Hérode, son père, il craignit de s'y rendre».
Il a donc préféré s'établir loin de Jérusalem, dans une région où les
services de renseignements de l'époque étaient moins actifs, et pour
cette raison «il se retira dans le territoire de la Galilée.» (Ibid. 22-23)
Mais ce n'est pas tout. A la fin de sa vie, ce laïque (Joshua n'a jamais été prêtre, il a célébré des cultes comme tout père de famille, comme le hagada, qu'on a appelé «la dernière cène»)
a dirigé sa critique en premier lieu contre la corruption de la
religion de son peuple («toute critique commence par la critique de la
religion» dira un descendant juif allemand des siècles plus tard, Marx).
C'est ainsi qu'il est entré dans le temple de Jérusalem et «il
renversa les tables des changeurs et les échoppes des vendeurs de
pigeons, en disant "Ma maison sera appelée une maison de prière, mais
vous en faites une caverne de voleurs.» Matthieu 21.13). Nous pouvons dire que Joshua était anticlérical, dans un contexte où le sacerdoce se bureaucratisait et devenait un complice politique du pouvoir, lui-même également fétichisé.
Ce messie (dans le sens de Walter Benjamin [4])
prophétique (et non pas davidique ou politique) a vécu toute sa vie,
depuis l'expérience «du temps qui reste» (dans le sens de Giorgio
Agamben [5]), comme
quelqu'un ayant une telle responsabilité envers les pauvres et les
victimes qu'il accordait peu de valeur au fait de sauver sa propre vie,
qu'il avait engagée dans la lutte contre l'injustice et la domination
des puissants (du temple, de la patrie coloniale et de l'Empire).
C'est la raison pour laquelle, à la fin, il a été accusé de «soulever le peuple en enseignant»
(Luc 23.5) contre le roi palestinien Hérode, son fils, et l'Empire
romain lui-même. A la fin il a été crucifié (la croix étant l'équivalent
de la chaise électrique de l'époque). La croix était une condamnation politique contre les terroristes qui s'insurgeaient contre la loi sacrée de l'Empire. Et il s'agit encore d'une accusation politique,
et non religieuse (car Pilate ne l'aurait pas acceptée – ou ne lui
aurait pas accordé la même importance – s'il ne s'était agi que d'une
accusation religieuse.
C'est pour cela que l'exilé politique en Egypte a fini assassiné sous l'inculpation de rébellion politique. D'ailleurs, le panneau sur sa croix indiquait: «Joshua de Nazareth, roi des Juifs» (Mathieu 27.38), titre politique et non religieux, que Joshua lui-même a accepté(«-Es-tu le roi des Juifs? [...] - Tu le dis» répondit Joshua (ibid.11).
Ce qui a le plus dérangé les traîtres politiques et
religieux coloniaux juifs et les soldats de l'Empire, c'était la
prédication prophétique politique de Joshua qui, en donnant aux
pauvres et aux humiliés un fondement à leurs luttes contre la
domination, permettait à ces pauvres et humiliés de devenir acteurs de
l'histoire en partant du postulat d'un Royaume de justice fraternelle.
Ce qui est certain, c'est que ce postulat finira par transformer depuis en bas tout l'Empire romain, et par la suite d'autres.
Noël est une étrange festivité, totalement fétichisée
et dont le sens fort, politique, prophétique, critique, a été inversé.
Le marché et les complicités des politiques, des chrétiens et de leurs
hiérarchies l'ont dénaturée!
2. En référence à l’Eglise chrétienne
orthodoxe d’Egypte qui s’opposait aux décisions christologique du
concile de Chalccédoine en l’an 451 ; cette comunauté défendait l’unité
de l’humain et du divin dans le Christ. (réd)
4. Walter Benjamin, né à Berlin en
1892, fuyant la France où il s’était réfugié en 1933, il cherche à
passer en Espagne et se suicidera à Porbou en 1940. On peut lire, entre
autres, les 3 volumes publiés cher Folio, Gallimard, intitulés Œuvres.
5. Giorgio Agamben, philosophe italien
qui a été, entre autres, le traducteurs des œuvres complètes de Walter
benjamin en Italie. Auteurs de très nombreux ouvrages, dont Le Temps qui reste. Un commentaire de l'Epitre au Romains, Payot 2000.
* Enrique Dussel est
l’une des figures les plus marquantes de la théologie de la libération
en Amérique latine. Il est l’auteur de très nombreux ouvrages publiés en
espagnol, anglais, allemand. En français, on ne trouve que Histoire et Théologie de la libération, Ed. de l’Atelier, 1989.
(6 janvier 2008)
[Le titre de cet article, comme pratiquement celui de tous les articles ici publiés, est de l'administrateur du blog]
[Le titre de cet article, comme pratiquement celui de tous les articles ici publiés, est de l'administrateur du blog]
27 octobre 2015
26 octobre 2015
De la capitulation de Rethondes à la forfaiture de Lisbonne...
Hitler a gagné la guerre d'abord en
France et avec facilité par
la ruée de ses politiciens vers la
servitude. La déchéance
actuelle de la Vème République
ressemble étrangement à la
décomposition de la III éme.
La parallélisme est saisissant entre
le passage des abandons de Munich à la capitulation de
Rethondes, et le chemin qui mène des abandons de Maastricht aux
capitulations
d'Amsterdam et de l'Euro [j'ajoute du Traité de Lisbonne, faisant entrer par la fenêtre une "Constitution rejetée par le peuple - NDLR], qui
marquent l'abdication de toute
indépendance de l'économie et de la
politique françaises
devant le diktat des Banques et des
multinationales enlevant
à la France le signe le plus évident
de la souveraineté : le droit
de battre monnaie afin de rester
maître de sa législation sociale
comme de sa politique extérieure
d'exportation.
Le parallélisme est saisissant entre
le reniement de de Gaulle
et de la Résistance française en une
seule phrase prononcée
par le chef de l'État sous la
pression du lobby américano-sioniste
(et sous la Présidence du Grand
Rabbin Sitruk, celui qui
assurait à Shamir, le 12 juillet 1990
: « Chaque juif français est un
représentant d'Israël ») Le chef actuel de l'État français [Jacques CHIRAC, NDLR],
se
réclamant du gaullisme, déclare : « La
folie criminelle de l'occupant
a été secondée par les français
et par l'État français. »
Le contraire exact de ce que disait
de GAULLE de notre
peuple : « Fût-ce aux pires
moments, notre peuple n'a jamais
renoncé à lui-même » (Mémoires III, 194) et de ce qu'il
disait de
Vichy « écume ignoble à la surface
d'un corps sain. » (III, p.142) :
« j'ai proclamé l'illégalité d'un
régime qui était à la discrétion de
l'ennemi » (1,167), « Hitler a créé Vichy. »
(I, 389)
Le lobby organisateur de la
manifestation salue avec enthousiasme
ce reniement par lequel était
reconnue : « la continuité
de l'État français entre 1940 et
1944. »
Même retournement en ce qu'il est
convenu d'appeler la
gauche, dont les dirigeants socialistes,
tournent le dos à Jaurès
et au socialisme (comme d'autres à De
Gaulle et à la
Résistance française), par leur
ralliement à l'Europe des banquiers,
sans souci (sauf en paroles) du
chômage et des inégalités
qui découlent de ce ralliement, et de
la perte de toute
indépendance en matière de politique
sociale et de politique
tout court.
La similitude entre les deux
décadences de la République ne
s'arrête pas là : alors que des
journaux fascistes, comme
Gringoire, ne cessaient de vilipender la France,
sa culture, son
peuple, sa morale, jusqu'à voir dans
Hitler un élément de
régénération et écrire : « Plutôt
Hitler que le Front Populaire ! »
et qu'un autre considérait la défaite
comme une divine surprise,
aujourd'hui Bernard-Henri Levy
considère que le régime
de Vichy est la résultante nécessaire
de l'histoire et de la culture
de la France dans sa totalité. Selon
lui, de Voltaire à la
Révolution française, de toute la
tradition chrétienne à Péguy,
sans épargner même Bernard Lazare,
l'analyste juif de l'antisémitisme
et en l'égratignant au passage, tout
notre passé fait
de la France « la patrie du
national-socialisme. » (L'idéologie française
p. 125). Il insiste : « la culture
française ... témoigne de notre
ancienneté dans l'abjection. » (ibidem p. 61). De cette France « Je
sais son visage d'ordure, la
ménagerie de monstres qui y habitent. »
(p. 293) comme si la France était
avant tout la patrie de Pierre
Laval, de Philippe Henriot et de la
milice.
Dans la décomposition de l'oligarchie
politique, au lieu du
« ni à gauche, ni à droite : la
France »,
qui fut l'appel de de Gaulle
à la Résistance et à la Résurrection,
l'on voit aujourd'hui,
comme hier à l'Assemblée de Bordeaux,
se mêler les voix de
tous ceux qui se ruent à la
servitude. Ce fut autrefois l'honneur
du Parti Communiste de pouvoir dire
qu'il n'était pas
« un Parti comme les autres » ; aujourd'hui, avec les contorsions
politiciennes traditionnelles, il se
rallie, avec le Parti
Socialiste, à l'Europe, c'est à dire
à la trahison des espérances
de tout ce qui, en France, travaille
au lieu de spéculer.
Le même phénomène se produit à droite
[…]
La réaction de rejet du système, dans
le peuple français, est
significative : il commence à
percevoir l'imposture de la
démocratie déléguée, aliénée, et le
front du refus des équipes
politiciennes se renforce chaque jour.
Roger Garaudy, L’avenir
mode d’emploi, 1998
25 octobre 2015
Spiritualité et question du sens
Par Camille Loty Malebranche
Pour l'Homme, le seul sens qui soit, est transcendant spirituel, car toute signification de l'action humaine dans le réel, si elle peut dépasser l'individu pour la collectivité voire l'humanité à travers le temps et l'espace, ne peut être pour l'individu matériel et mortel, que distraction éphémère dans l'insignifiance.
>> LIRE LA SUITE>>
Pour l'Homme, le seul sens qui soit, est transcendant spirituel, car toute signification de l'action humaine dans le réel, si elle peut dépasser l'individu pour la collectivité voire l'humanité à travers le temps et l'espace, ne peut être pour l'individu matériel et mortel, que distraction éphémère dans l'insignifiance.
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23 octobre 2015
L'athéisme, opium d'une certaine gauche ?
Faut-il avoir "la haine" de la religion ?
Interview de Pierre Tevanian
Quentin Vanbaelen
"Solidaire" le 1 octobre 2013.
« La religion, c’est l’opium du peuple. » Pour beaucoup, la
question des liens entre le marxisme et la religion se résume à cette
citation de Marx. Pierre Tevanian, professeur de philosophie et animateur du site “Les mots sont importants”, nuance.
Dans son ouvrage « La haine de la religion », il bat en brèche les idées reçues sur les liens entre marxisme et religion. Sa source ? Marx himself.
21 octobre 2015
Non à la "tolérance", oui au dialogue
Une longue continuité dans la
domination n'a-t-elle
pas créé une continuité perverse ?
Autrefois : une
Église, un Dieu, un roi. Aujourd'hui
: une culture,
une technique un ordre mondial.
Hors de l'Église pas de salut. Hors
de l'Occident
pas de civilisation. Et toujours :
hors de ma vérité,
l'erreur. Toujours un peuple élu :
hébreu, chrétien,
occidental.
Dans cette perspective, aucun
dialogue n'est possible.
Aucun dialogue entre les religions,
car la religion
est l'expression de la foi dans le
langage d'une
culture.
Il n'y a de dialogue véritable qu'à
l'intérieur de la
foi. Un dialogue interreligieux,
bien souvent, est un
dialogue de sourds, puisque chaque
religion institutionnelle,
par exemple le christianisme ou
l'Islam,
s'estime dépositaire de la vérité
absolue. Il n'y a plus
dès lors dialogue, mais controverse,
désir de prosélytisme
et de conversion, pour réduire
l'autre à sa
propre et unique vérité. La «
tolérance » reconnaît
seulement à l'autre le droit à
l'erreur, comme condescendance
ou pitié à l'égard d'un infirme ou
d'un
malade.
Il n'y a de dialogue véritable que
lorsque chacun,
au départ, admet qu'il a quelque
chose à apprendre
de l'autre, qu'il est donc prêt à
remettre en cause telle
ou telle de ses certitudes. C'est
pourquoi celui qui
s'engage dans cet authentique
dialogue apparaît parfois
comme un dissident en puissance à
l'égard de sa propre
communauté.
Il n'y a de dialogue qu'à partir de
la conscience de ce
qui manque dans notre foi, lorsque
le dialogue devient
un échange et un partage dans
l'expérience de la
recherche commune de Dieu, et donc
du sens.
Cet abandon si rare est pourtant la
seule forme
possible de dialogue sur l'essentiel
: comment accepter
la suffisance à l'égard de la
transcendance ? Quelle foi
peut prétendre, comme le font les
religions, posséder la
vérité exclusive et totale d'une
réalité qui, par son
principe même, déborde, transcende
toutes nos expériences
partielles, relatives, des «
dimensions » de Dieu,
de celles de l'homme, « fait à son
image » comme disent
les chrétiens, « en qui Dieu a
insufflé de son esprit » est-il
écrit dans le Coran ?
L'Esprit est en l'homme et en tout
être, non comme
leur propriété ou leur intériorité,
mais comme le
mouvement qui, à travers la
multiplicité et la dispersion
des êtres, les oriente vers le Père
en un cycle sans fin :
« Tout vient de Dieu et tout revient
à Lui », indique
aussi le Coran.
Cette relation d'intériorité
réciproque, ce mouvement
circulaire par lequel passent
incessamment l'un dans
l'autre, et s'impliquent
mutuellement les trois aspects
de la Trinité, les théologiens
chrétiens l'appellent la
« périchorèse ».
Cette prise de conscience de la
relativité, de la « non-suffisance»
des perspectives, n'implique
nullement un
relativisme ou un éclectisme
démobilisateurs. Elle rappelle
seulement la diversité et les
richesses inépuisables
des relations à Dieu. Elle permet
seulement d'échapper
à l'ethnocentrisme colonialiste qui
appelle trop facilement
universelle sa propre culture et sa
propre religion.
Elle permet de comprendre qu'une
même foi a pu,
s'exprimant à travers diverses
cultures, donner naissance
à de multiples religions, et que
cette multiplicité
même est une richesse car elle permet,
par la fécondation
réciproque d'expériences «
religieuses » différentes,
d'approfondir notre propre foi, de
prendre conscience
de sa spécificité : de perdre
seulement l'illusion que
notre religion est la seule vraie
parce que nous ignorons
toutes les autres.
La réalité totale que nous vivons ne
peut être saisie à
partir d'une perspective seulement.
Nous ne pouvons la
saisir pleinement que si nous savons
vivre du dedans
l'expérience des autres.
Plusieurs peintres peuvent
s'efforcer de dessiner le
même modèle, placé entre eux, mais
aucun tableau ne
sera identique à l'autre. L'un aura
reproduit le sujet de
face, un autre de dos ou de profil.
Je ne puis juger de la
fidélité de l'image à partir d'une
perspective unique,
mais seulement à partir de la
perspective propre à
chaque participant.
Il en est de même pour les sagesses
et les religions :
chacune a essayé de traduire son
expérience du sens de
la vie ou de l'Un, en fonction d'une
culture particulière,
d'une histoire et d'une
civilisation. Cette multiplicité et
cette relativité des « prises de vue
» sur le divin n'exclut
nullement la valeur absolue et
unique de ce qui est visé
et dont l'inépuisable totalité ne
peut être saisie par
personne.
Il ne s'agit pas de « tolérance »,
ce qui implique un
certain mépris à l'égard des «
déviants » par rapport à
un modèle unique de culture, de
sagesse ou de foi, mais
de respect envers des expériences,
différentes des nôtres,
d'une présence qui nous dépasse. Un
dialogue ne peut
conduire à une fécondation
réciproque que si chacun
accepte loyalement de « se mettre à
la place » de
l'autre, donc à retrouver son angle
de vue, la perspective
propre à partir de laquelle il a
essayé d'exprimer
son irremplaçable expérience.
Ceci exclut le parti pris de
conversion : ne pas
demander au chrétien de devenir
bouddhiste, ni au
musulman de devenir chrétien. Mais
aider le bouddhiste
à devenir un meilleur bouddhiste, le
chrétien un
meilleur chrétien, le musulman un
meilleur musulman.
« Meilleur » signifiant : capable
d'approfondir sa propre
foi, sa propre saisie de Dieu, en
l'enrichissant de
l'expérience des autres hommes de foi.
Roger Garaudy, extrait
de « Les fossoyeurs. Un nouvel appel aux vivants »
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