12 novembre 2014

De la "supériorité" de l'Occident...



L'Occident a l'assurance d'être "la race supérieure", non plus par "élection divine", mais par primauté rationnelle, scientifique et technique, de "l'entrée dans l'âge positif" suivant l'expression de R.Garaudy dans "Intégrismes" p 21. 

" Ce n'est point par hasard, mais au contraire par cohérence intellectuelle que le plus éminent porteur de cette idéologie (positiviste), fondateur de l'école laïque, Jules Ferry, fut en même temps le promoteur de l'expansion colonialiste, à Madagascar, en Tunisie, au Viêt-nam, où les expéditions de conquête et ses déboires militaires lui valurent d'être appelé le « Tonkinois ». 
 Ce penseur lucide fut en France le théoricien le plus rigoureux du colonialisme, comme Stuart Mill, autre disciple du positivisme d'Auguste Comte, le fut en Angleterre. Dans son discours du 28 juillet 1885 à la Chambre des députés, il déclare: « Oui, nous avons une politique d'expansion coloniale fondée sur un système. Cette politique coloniale repose sur une triple base : économique, humanitaire et politique." (Journal officiel, page 1062). 
L'argument économique : « Les colonies sont pour les pays riches un placement de capitaux avantageux ; l'illustre Stuart Mill en a fait la démonstration. » Jules Ferry ajoute : « La fondation d'une colonie, c'est la création d'un débouché. » L'argument politique : posséder des bases dans le monde entier: « C'est pour cela qu'il nous fallait la Tunisie, c'est pour cela qu'il nous fallait Saïgon et la Cochinchine, c'est pour cela qu'il nous faut Madagascar et que nous sommes à Diégo-Suarez, et que nous ne les quitterons jamais. » (Journal officiel, page 1068). 
L'argument humanitaire : nous apportons la civilisation. Cette justification idéologique du colonialisme donna lieu, ce jour-là, à la Chambre, à une profession de foi implacable de Jules Ferry qu'il convient de rappeler avec quelques détails (Journal officiel, pages 1065 et 1066) : 
- Jules Ferry : « M. Camille Pelletan dit :
"Qu'est-ce que c'est que cette civilisation qu'on impose à coups de canon ?..." Voilà, Messieurs, la thèse; je n'hésite pas à dire que ce n'est pas de la politique, cela, ni de l'histoire ; c'est de la métaphysique politique. Messieurs, il faut parler plus haut et plus vrai. Il faut dire ouvertement qu'en effet les races supérieures ont un droit vis-à-vis des races inférieures... »
Remous sur plusieurs bancs à l'extrême gauche.
- M. Jules Maigne : « Vous osez dire cela dans le pays où ont été proclamés les Droits de l'homme ! »
- M. de Guilloutet: « C'est la justification de l'esclavage et de la traite des nègres ! »
- Jules Ferry : « Si l'honorable M. Maigne a raison, si la Déclaration des droits de l'homme a été écrite pour les Noirs de l'Afrique équatoriale, alors de quel droit allez-vous leur imposer des échanges, le trafic ? Ils ne vous appellent pas. »
Jules Ferry définit là le postulat de tout colonialisme : la supériorité de l'Occident sur des peuples «arriérés » pour lesquels ne peuvent être invoqués «les Droits de l'homme».
Cet intégrisme occidental inconscient et meurtrier qui, depuis cinq siècles, sert de justification idéologique à toutes les exactions du colonialisme, joue une fois de plus son rôle maléfique dans la dernière en date des aventures coloniales : celle des Américains dans le Golfe. "

(d'après "Intégrismes" de Roger Garaudy,  Belfond, 1990, pages 21-23)