L'Occident a l'assurance d'être "la
race supérieure", non plus par "élection divine", mais par
primauté rationnelle, scientifique et technique, de "l'entrée dans l'âge
positif" suivant l'expression de R.Garaudy dans "Intégrismes" p
21.
" Ce n'est point par hasard, mais au contraire par cohérence
intellectuelle que le plus éminent porteur de cette idéologie (positiviste),
fondateur de l'école laïque, Jules Ferry, fut en même temps le promoteur de
l'expansion colonialiste, à Madagascar, en Tunisie, au Viêt-nam, où les
expéditions de conquête et ses déboires militaires lui valurent d'être appelé
le « Tonkinois ».
Ce penseur lucide fut en France le théoricien le plus
rigoureux du colonialisme, comme Stuart Mill, autre disciple du positivisme
d'Auguste Comte, le fut en Angleterre. Dans son discours du 28 juillet 1885 à
la Chambre des députés, il déclare: « Oui, nous avons une politique d'expansion
coloniale fondée sur un système. Cette politique coloniale repose sur une
triple base : économique, humanitaire et politique." (Journal officiel,
page 1062).
L'argument économique : « Les colonies sont pour les pays riches un
placement de capitaux avantageux ; l'illustre Stuart Mill en a fait la
démonstration. » Jules Ferry ajoute : « La fondation d'une colonie, c'est la
création d'un débouché. » L'argument politique : posséder des bases dans le
monde entier: « C'est pour cela qu'il nous fallait la Tunisie, c'est pour cela
qu'il nous fallait Saïgon et la Cochinchine, c'est pour cela qu'il nous faut
Madagascar et que nous sommes à Diégo-Suarez, et que nous ne les quitterons
jamais. » (Journal officiel, page 1068).
L'argument humanitaire : nous apportons la civilisation. Cette
justification idéologique du colonialisme donna lieu, ce jour-là, à la Chambre,
à une profession de foi implacable de Jules Ferry qu'il convient de rappeler
avec quelques détails (Journal officiel, pages 1065 et 1066) :
- Jules Ferry : « M. Camille Pelletan dit :
"Qu'est-ce que c'est que cette civilisation qu'on impose à
coups de canon ?..." Voilà, Messieurs, la thèse; je n'hésite pas à dire
que ce n'est pas de la politique, cela, ni de l'histoire ; c'est de la
métaphysique politique. Messieurs, il faut parler plus haut et plus vrai. Il
faut dire ouvertement qu'en effet les races supérieures ont un droit vis-à-vis
des races inférieures... »
Remous sur plusieurs bancs à l'extrême gauche.
- M. Jules Maigne : « Vous osez dire cela dans le pays où ont été
proclamés les Droits de l'homme ! »
- M. de Guilloutet: « C'est la justification de l'esclavage et de la
traite des nègres ! »
- Jules Ferry : « Si l'honorable M. Maigne a raison, si la
Déclaration des droits de l'homme a été écrite pour les Noirs de l'Afrique
équatoriale, alors de quel droit allez-vous leur imposer des échanges, le trafic
? Ils ne vous appellent pas. »
Jules Ferry définit là le postulat de tout colonialisme : la
supériorité de l'Occident sur des peuples «arriérés » pour lesquels ne peuvent
être invoqués «les Droits de l'homme».
Cet intégrisme occidental inconscient et meurtrier qui, depuis cinq
siècles, sert de justification idéologique à toutes les exactions du
colonialisme, joue une fois de plus son rôle maléfique dans la dernière en date
des aventures coloniales : celle des Américains dans le Golfe. "
(d'après "Intégrismes"
de Roger Garaudy, Belfond, 1990, pages 21-23)