Reprise d'un article de CAMILLE LOTY MALEBRANCHE
Le
mythe est essentiellement le fondement paralogique et paradoxal que
dispensent les chefs hiératiques et laïques des sociétés en crédo à la
collectivité pour la conduire selon leurs propres intérêts de classe ou
de caste. D’où, la vie « rationnelle » des hommes en société, est menée
par suggestion selon des principes échappant à toute critique parce que
présupposés comme axiomatique nécessairement et naturellement surlogique
transcendant la raison.
Le
mythe fondateur du capitalisme, la mobilité sociale par le travail et
la propriété que tous peuvent acquérir s’ils travaillent, quoique
copieusement démenti depuis les débuts du capitalisme moderne, subit
donc son plus terrible revers avec la récente crise. Car la précarité
des classes moyennes s’y est cuisamment avérée à travers la
paupérisation en masse des professionnels et employés. La face de crise
permanente du système capitaliste notamment anglo-saxon imposé au monde
où l’investissement des petits et moyens entrepreneurs est gravement
précarisé par les normes du crédit imposé sauvagement au monde
contemporain par l’explosion de la finance et le règne féroce des
grandes banques privées, menace de ruine tous les rudes travailleurs
crédules qui voient encore dans le travail, un moyen d’affirmation
sociale et de transfert de classe. La finance étaie une quasi
immuabilité de la classe bourgeoise rendue oligarchie extrêmement
restreinte appelée à posséder tout et tous par la loi de l’économie
virtuelle. Si « le mythe, disait Mircea Eliade, n’est pas l’histoire réelle mais vraie des peuples »,
dans le cas d’une institution idéologique qui englobe toutes les
structures sociales et étatiques, cette définition du mythe ne tient
guère. Alors, pour nous autres qui questionnons un système devenu
seconde nature de la réalité quotidienne des hommes, imposée par l’État
ploutocratique, force est de remarquer que le mythe n’est autre que
prétexte de justification, argutie de manipulation que tissent comme une
pré-idéologie, les tenants de l’institution sociale qui argüe de vérité
en se targuant de droit divin sans vraiment le dire. Car tout le
discours social et le jugement, cette finalité idéelle du discours, y
tient et en découle. Là, le logos censé rationnel à l’inverse du
« mythos » relevant de l’imaginaire rêveur, dérive de ce dernier et
n’est plus que multiplicité rythmique d’une même rengaine vouée à créer
l’illusion d’une polyphonie moqueuse. Un sordide mode de variations
ironiques de pluralisme sociétal factice et trompeur. La modalité même
du foin discursif capitaliste est séquestration de l’État et
abêtissement de la nation rendue prétexte parce que avortée sans cesse
dans l’élimination de la citoyenneté effective pour l’opulence de
quelques-uns. Le mythe capitaliste ne demeure que par la force et la
monopolisation de toutes les ressources communes à l’humanité par
quelques prédateurs qui, ainsi, gardent sous leur coupe, retiennent par
le ventre, la grande majorité qu’ils réduisent à être de simples
travailleurs esclaves de leur ordre pour la subsistance. La récusation
de l’ordre capitaliste mondial n’est pas une adoption automatique du
marxisme combien pluriel dans les courants qui s’en réclament, mais une
exigence de la dignité fonctionnelle de l’homme dans la société. Pas de
dignité sans l’équité économico-sociale et l’espace de liberté globale
qu’elle suppose. Liberté ! flamme si fascinante, si intuitive à la
nature humaine que tous les désaliénés des générations vont s’y brûler
malgré le fer et le feu des tyrans !
Fascisme subtil du capitalisme contemporain…
De fait, le fascisme est la fausse sensibilité de classe que suggère le pouvoir capitaliste à des strates des dites classes moyennes afin de mieux les porter à la haine raciale, ethnique et groupusculaire pour les dévier de la question systémique essentielle du dysfonctionnement tout court ou du fonctionnement arbitraire et despotique du capitalisme. C’est l’art du bourgeois de se maintenir au pouvoir en générant des imbécillités d’extrême droite voire de gauchisme populiste chez des frustrés désorientés.
Le fascisme, « cette idéologie de l’homme moyen frustré » selon Wilhelm Reich, surgit à notre regard, comme avant tout, conséquence du complexe du bouc émissaire porté au délire nationaliste et érigé en idéologie d’État. Dans les états nantis fragilisés et endettés par le financiarisme qui frappe essentiellement le plus grand nombre constitué des classes moyennes décadentes d’aujourd’hui, le fascisme prend des formes de protection du national à travers des politiques de haine et d’ostracisme fignolées subrepticement par des establishments qui vont pourtant piller le monde via des multinationales et organismes financiers internationaux. L’on sait déjà que le fascisme, de par son amalgame idéel, est un protée dans ses procédés politiques où il se permet d’être tout comme en jeu de rôle pour défendre ses principes inhumains, antidémocratiques et discriminatoires de tendance plus ou moins essentialiste, populiste, raciste et xénophobe. Aujourd’hui, le capitalisme par l’empan étouffant de la finance, s’arroge le droit d’être de tous les partis, tous soumis par allégeance sourde aux tenants des institutions financières et du crédit. Une omnicratie financière qui consacre l’ubiquité planétaire de l’économie oppressive des grands consortiums bancaires privés.
Vivant
de crises successives, le capitalisme contemporain bascule dans la
xénophobie officielle des états et la haine des groupes considérés non
productifs, haine que des secteurs bourgeois entretiennent chez les
couches défavorisées des classes moyennes et les masses contre lesdits
groupes coupables... La seule vertu dans cette société étant de générer
des profits aux dieux maudits du crédit et du commerce, gare donc à qui
ose refuser la prostitution généralisée. L’homme est rendu l’objet
premier par la production et ultime par la consommation de l’infamie
collective qui fait de l’économie malsaine du système, le commencement
et l’aboutissement de l’existence des esclaves modernes inavoués. Ainsi
pleins et hantés des misérables rudiments de cette idéologie, les
humains se partagent les saletés comme des colifichets sacrés et
veillent répressivement que leur prochains en soient imbus ! Car dans la
horde infernale des esclaves décorés ou en haillons, épris de l’ordre
qu’ils idolâtrent, il n’y a pas de place pour la différence qui refuse
de consommer pour consommer. Une telle altérité contestataire est
marginalisée soupçonnée soit de folie soit de crime contre l’ordre
nécessairement moral, sain et transcendant inscrit dans la mécanique
cosmique... Car en fait, le crime, dans sa factualité, peut se définir
comme toute désobéissance constituant de la lèse-autorité. Et quelle
pire lèse-autorité, que la non insertion coupable de l’individu ou du
groupe dans l’ordre social accepté du grand nombre ! L’autre non
insertion et lèse-autorité par inaptitude, elle, c’est de la pathologie
mentale ! Toutes deux seront impitoyablement proscrites par les geôliers
et bourreaux d’asile que sont nos bons citoyens mollement complices de
leurs profiteurs dans nos sociétés policières et fascistes sans en avoir
l’air.
Il
n’y a pas de justice quand la justice sociale est bafouée par les lois
et le droit dans un système juridico-légal voué à garantir et pérenniser
par toutes sortes d’artifices, les privilèges des oligarques
autoproclamés maîtres de tous biens et ressources planétaires, ce qui
les fait également maîtres des vies et du temps des hommes.
La
chute du capitalisme, malgré ses ostentations et triomphalismes
médiatisés, est prévisible à moyen et à long terme vu que même le mythe
de la propriété se dément dans la fragilité du statut de propriétaire à
l’échelle des classes dominées vite dépossédées à la moindre crise
façonnée par des banquiers pour se faire renflouer ou grossir leurs
caisses par les politiciens. Toutefois, tout est à créer pour mettre en
place un ordre plus juste car les révolutions rouges et tyranniques du
passé avec leur nomenklatura, leur goulag et gabegie de gestion, elles
non plus ne tiennent la route dans l’itinéraire des vrais amis de la
liberté militant pour la vraie libération sociale des peuples.
Le
mythe est souvent d’essence religieuse sinon de portée sacrée, alors
que la fable et le conte relèvent de l’imaginaire laïc et profane qui se
contente de décrire les tempéraments et les mœurs avec un dessein
moralisateur. Quand vient l’immoralisme économique des oligarchies et
que sévit la chute du mythe fondateur de leur système, les fables
s’imposent alors en oracle pseudo-scientifique par les spécialistes
soudoyés et la propagande éhontée de la presse. Une suprême ironie des
intelligences et un dédain extrême du droit des peuples à comprendre et
savoir ce qui les regarde dans leur vie quotidienne !
Nous
disons que si le sens suprême, l’ontologique, le divin, le
transcendant, reste à l’échelle de la conscience spirituelle des
individus pour la félicité ou la perdition, le sens social consiste à
démythifier le vol autorisé qu’est le capitalisme. Le sens et son
appropriation demeure donc le combat du sens terrestre contre l’absurde
dans ce qui est chose humano-sociale et non transcendance cosmique
inatteignable.
En
attendant, les maîtres de l’économie capitaliste bricolent une société
d’ersatz où le substitut, le postiche, par la surenchère de la ruse
médiatique et autre, s’impose comme réalité dans la lourdeur et la
démesure du mensonge systémique au cœur d’une population décivilisée qui
s’offre le luxe de vivre des bobards officiels et se permet volontiers
de se passer de la vérité.
« Le capitalisme n’est ni une institution ni une personne (…) mais une logique »
déclare Michel Beaud, nous, nous disons qu’il est une méga-institution
plurale qui englobe toutes les institutions et méta-institutions de
rection et de "correction" humaine, et prédétermine ainsi jusqu’aux
réflexes sociaux des individus.
Démythifié,
le capitalisme actuel n’en garde pas moins ses airs de mystère, non
démystifié qu’il est grâce à l’essentialisme de classe qu’il ancre dans
le crâne des individus.
La
démystification et le démantèlement des statuts de classe, constituent
le seul horizon possible de libération des hommes pour l’avènement d’une
société sans classes, non d’égalité ontologique - car les hommes s’ils
sont identiques en attributs, ne sont même pas naturellement égaux par
leurs facultés - mais d’égalité effective des chances et donc d’équité
véritable et de mérite, où la justice sociale n’est pas qu’un mot, où
l’exploitation sera abolie grâce à la disparition des classes et la
dignité du moins doué des humains, du plus petit d’entre ses semblables,
respectée parce qu’au cœur des préoccupations et des politiques
adoptées et menées au nom de l’humanité de tous.