06 novembre 2014

A propos d'une biographie "à charge"...



Michaël Prazan et Adrien Minard sont deux gentils garçons, bardés de diplômes. Docteur és lettres, pour le premier. Diplômé de Sciences-Po et agrégé d’histoire pour le second.
http://calmann-levy.fr/livres/roger-garaudy-itineraire-dune-negation/

Ils se sont mis à deux pour écrire un bouquin très intéressant : Roger Garaudy. Itinéraire d’une négation.
Notez bien que, dans un premier temps, j’avais feuilleté le livre un peu au hasard et j’étais tombé sur je ne sais plus quelles perles. J’avais renoncé à le lire. À Serge Thion, qui m’interrogeait, j’avais répondu : « Laisse tomber. Rien de neuf. Le qualitatif n’est pas leur force de frappe ».
Je n’ai pas changé d’avis sur le dernier point. Mais j’avais tort de n’avoir pas poursuivi ma lecture. Car s’il n’y a rien de neuf et si je n’y apprends rien, on y apprend beaucoup sur les procédés par lesquels Michaël et Adrien confortent leurs certitudes, et réflexion faite, c’est un livre tout à la gloire de laVieille Taupe. Elle n’est pas répertoriée dans l’index, mais elle est omni-présente dans le livre, et  votre serviteur y est répertorié 45 fois !
Finalement ce livre contient beaucoup d’informations exactes, puisées aux meilleures sources ; dans les deux camps : l’AAARGH, et les bulletins de la VT, pour le camp révisionniste. Ils sont manifestement lus attentivement et épluchés, quasiment en temps réel.
Il est bon que toutes les informations vraies circulent. Bien sûr elles sont, dans ce livre, polarisées par les préjugés.
Justement, les préjugés de Michaël et d’Adrien sont bien connus et identifiables. Au surplus ce livre permet assez aisément de pénétrer dans leur psyché. Tout ce qu’il contient peut donc aisément être retourné. Et je pense que plusieurs des lecteurs de ce livre, a priori hostile à Garaudy et à la « négation » de ce qui est arrivé aux Juifs pendant la guerre (évidemment !) n’ont certes pas changé d’avis à la lecture de ce livre, mais se sont plusieurs fois gratté l’occiput. Ils possèdent maintenant une foule d’informations que nous n’aurions pas eu les moyens de diffuser nous-mêmes, et qui ne demandent qu’à s’organiser maintenant dans leur esprit d’une manière qui ne le gratouillerait plus.
Donc la diffusion de ce livre est une bonne chose pour le révisionnisme, et pour la Vieille Taupe en particulier ! Il établit d’une manière convaincante que la conférence révisionniste de Téhéran (sur laquelle il s’ouvre, pour la dénoncer) résulte en définitive d’initiatives de la VT, et en particuliers de la publication des Mythes fondateurs de la politique israélienne de Roger Garaudy, et de l’écho que ce livre a eu, en particulier dans les pays arabes.
Pour le reste, c’est simple. Puisque les chambres à gaz ont existé (point de départ obligé pour un universitaire, sinon il cesse de l’être) ceux qui les nient, et par conséquent Garaudy, sont nécessairement des crétins ou des antisémites, ou plus probablement, les deux à la fois. Et la vie de Garaudy est un naufrage. Et sa philosophie itou…
En dehors de quelques récits totalement mensongers, visant à présenter des révisionnistes comme ridicules, agressifs et violents, où l’on peut penser que nos duettistes ont été induits en erreur par leurs informateurs ou leurs sources, et quelques entourloupes grossières, classiques du genre[1][19], la documentation est dans l’ensemble remarquable et véridique !
Si bien que s’il venait à un lecteur l’idée que le postulat de départ pourrait n’être pas aussi évidemment assuré, le livre se transforme en  panégyrique des révisionnistes en général et de la VT [laVieille Taupe – ndlr] en particulier ! Et de toute façon il diffuse largement, jusque dans des têtes complètement inaccessibles pour moi, exactement ce que je voulais y diffuser ! Par exemple l’existence de la consigne de mettre un t à médiats jusqu’à ce qu’ils se soumettent. Ou l’image d’une Vieille Taupe pacifique, qui a « cessé le combat révisionniste », et d’un pauvre homme isolé qui fait le tour de la place de Beaune en brandissant, crosse en l’air, son fusil !
La manière dont l’affaire Abbé Pierre est racontée au début du livre, peut se retourner comme une crêpe. Surtout si on relève dans l’épilogue (p.407) que l’un des derniers déplacements de l’abbé (janvier 2006) avant sa mort, fut pour se rendre chez Garaudy. « Deux frères, deux doigts de la main, nous le sommes restés ». Et si page 251 on avait relevé cette citation d’une lettre du 15 juin 1996 envoyée au Monde (bien sûr non publiée) : « Pour moi, au monastère, j’ai pu au calme lire et annoter le livre incriminé. Je n’y ai rien trouvé de blâmable ».
L’abbé était devenu « révisionniste » !
Les voies de Dieu sont insondables.
On ne peut pas reprocher à Michaël et Adrien d’avoir foi aux chambres à gaz. Mais, dans l’épilogue, leurs commentaires sur le dentier de Garaudy, et le ton général d’ironie sur les dégradations qu’entraîne la vieillesse ne sont déshonorants que pour eux. 

Pierre Guillaume