03 mai 2017

Recréer un tissu social



RECREER UN TISSU SOCIAL. CONTRE LES PARTIS,
LA PARTICIPATION ET LE « RÉSEAU »

Recréer un tissu social exige des communautés de
base et la participation de chacun.
Il est urgent de remplacer la notion périmée de
« partis » par celle de « réseaux » contre la nouvelle
« occupation étrangère » des esprits comme de la
société.
La bataille pour une économie à visage humain se
perdra ou se gagnera sur le terrain des mentalités et de
l'opinion. Au niveau de ce qui est le premier pouvoir :
les « médias ».
Aujourd'hui, nous subissons une « occupation » plus
insidieuse encore : l'occupation étrangère à l'homme
par l’aliénation des esprits.
L'occupant est partout, dans les cerveaux et dans les
coeurs, comme il le fut autrefois dans nos villes. Est-ce à
dire que cette « occupation » écrasante ne puisse être
vaincue, son pouvoir fissuré, lézardé, comme autrefois
par une « résistance » qui semblait espérer contre toute
espérance ?
[…]
Contre les monstres de l'information, des médias, de
la télévision, faire pousser des milliers de feuilles sur
l'arbre de la vie. Des feuilles […] , ayant un double objet :
 tout d'abord, informer sur ce qui nous est caché […]
Second objet : réfléchir sur le sens de ces informations
pour faire naître des prises de position communes
à partir du rappel des finalités sur les problèmes d'un
peuple ou du monde.
Cette action première de dévoilement du non-sens, à
partir de communautés de base, a besoin d'être coordonnée
pour multiplier sa force par l'échange et
l'action réciproque.

Pourquoi substituer la notion de réseau à la notion de
parti ? La démocratie ne se fonde pas sur le pluralisme
des partis mais sur la participation de la base à toutes
les décisions dont dépend son destin.
Le réseau est fondé non sur une direction, comme
les partis, mais sur une coordination où aucun groupe
n'a d'autre prééminence sur les autres que son pouvoir
de proposition, d'initiative, dans la contribution au
projet commun.
Ainsi, le réseau est l'inverse du parti. L e but commun
étant fixé : se libérer des tyrannies de l'argent et du
monothéisme du marché, chacun peut apporter sa
pierre à la prise de conscience, à la « conscientisation »,
selon l'expression, en Amérique latine, des « communautés
de base » et des théologiens de la libération.
Le rappel de finalités humaines contre la logique
aveugle et mortelle du marché et du profit, permet la
mise en oeuvre de nouvelles formes d'action.
Les initiatives de la base ont un rôle moteur. Mais il
ne suffit pas de dénoncer et de refuser. De même que
l'éclairage du quotidien à partir de finalités prépare des
alternatives, de même l'action ne saurait être seulement
négative mais orientée par les fins dernières, et traçant
des perspectives d'avenir.
Telle pourrait être l'esquisse des formes d'organisation
— le réseau et non plus le parti — et des formes
d'action — non l a seule négation des excès du système
mais la reconversion, en fonction de finalités humaines, de
l'ensemble des activités.
Il existe, en France et dans le monde, suffisamment
de gens qui mettent en question les fins et le sens de
l'ordre actuel et qui prennent conscience de sa perversité
fondamentale et de ses périls, pour qu'une entreprise
de « renaissance » devienne possible.
Ces réseaux peuvent naître dès demain, et partout,
pour créer le tissu social nouveau, faire jaillir la petite
étincelle qui deviendra brasier, comme autrefois une
résistance longtemps obscure est devenue libération.
Cela exige un énorme effort, et d'abord sur soi-même,
pour que chacun chasse les prétentions à la vérité
absolue et à l'hégémonie de sa propre communauté, de
son parti ou de sa chapelle.

Roger Garaudy
Les fossoyeurs. Un nouvel appel aux vivants.

Pages 396 à 398 (extraits)