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Parler
de la vie ce n'est pas seulement dire ce
qu'on a
tenté d'en faire, mais aussi ce qu'elle a
fait de
nous.
Voici
donc la trame, l'histoire de tous, dans
laquelle
mon aventure personnelle s'est inscrite,
telle
que je la retraçais, en 1968, dans Peut-on être
communiste
aujourd'hui? L'éclairage de ma vie n'a
pas
changé. J'écris toujours à la même lumière,
depuis
l'âge de vingt ans, et c'est ma fierté et ma
joie :
être resté fidèle, après soixante ans, aux rêves
de mes
vingt ans.
Les
hommes de ma génération sont nés dans un
climat
de mobilisation générale.
Au sens
strict du mot.
A
l'aube du 2 août 1914 (j'avais alors treize mois),
nos
pères, avant de « partir », sont venus nous
embrasser
dans nos berceaux.
Vingt-cinq
ans après nous faisions le même geste.
Ce
qu'il est convenu d'appeler notre jeunesse est
cerné
par ces deux matins rouges.
Jeunesse
grandie dans l'orage, nous avons tout
connu,
sauf la paix. Mon plus lointain souvenir est
celui
de mes cinq ans, lorsque mon père est revenu
au
front avec des béquilles parce qu'on avait brisé
ses os,
avec de la haine, parce qu'on lui avait menti,
et, je
l'appris plus tard, avec Le Feu de Barbusse
dans le
coeur, qui n'était pas seulement colère, mais
espérance
et, en tout cas, refus de renoncer.
Ce
retour n'était même pas une joie, parce que
mon
père était nerveux et farouche après trop de
douleurs
auxquelles il ne pouvait donner un sens, et
parce
que ma mère menait sa lutte quotidienne
pour
nous empêcher d'avoir faim. Cette misère
rongeait
notre table, et celle de milliers d'autres,
dans
nos foyers ouvriers. Les journaux l'appelaient
l'inflation,
un nom de maladie ou de cauchemar,
que
nous ne comprenions pas et qui nous faisait
peur.
Derrière
les murs de la maison nous entendions
les
échos d'autres batailles : d'un côté il y avait des
cris et
de la détresse, de l'autre des uniformes et des
coups
de feu. Dans les livres d'histoire cela s'appelle
les
grèves de 1920, et les révolutions avortées de
l'Europe,
en Allemagne et en Hongrie surtout.
J'avais
dix ans quand, après la « Grande Guerre »,
commença
la petite, celle du Maroc.
J'avais
quinze ans quand, à l'une et l'autre,
succédait
la grande crise : on égorgeait en Hollande
200000
vaches laitières quand les enfants de 20 millions
de
chômeurs, dans le monde, manquaient de
lait.
Les Hongrois crevaient de misère sur leurs tas
de blé
quand les dockers se battaient, sur les quais
de
Gênes, pour un morceau de pain.
Dans
cette paix à couleur d'Apocalypse se sont
levés
d'étranges messies : l'un habillait ses chiens de
chemises
noires, comme les corbeaux; l'autre de
chemises
brunes, comme les vautours. Ils lâchaient
d'abord
leurs meutes sur les plus faibles : l'Ethiopie,
l'Autriche,
la Tchécoslovaquie, l'Espagne, la crucifixion
de tous
les peuples.
1939.
Après les abandons de Munich, puis la
non-intervention
en Espagne, la France est exposée
sur ses
trois frontières à l'invasion hitlérienne et
fasciste.
La droite française, dans la tradition versaillaise,
mise
sur l'inertie, certains même sur la défaite,
par
haine et par peur du peuple qui a, trois ans plus
tôt,
fait le Front populaire. Le Front populaire,
n'ayant
aucune structure à la base, s'est effondré à
chaque
trahison de l'un de ses chefs : Daladier
abandonnant
la Tchécoslovaquie à Hitler, à
Munich;
Léon Blum, par la non-intervention de la
France
en Espagne, qui a permis l'intervention
ouverte
d'Hitler et de Mussolini aux côtés de
Franco,
a abandonné la République espagnole au
fascisme.
Le Parti communiste, isolé et bientôt mis
hors la
loi, ne peut pas encore, en 1939, galvaniser
les
masses dans la lutte antihitlérienne. Militairement
l'incapacité,
la trahison même, rongent l'état-major.
Je
terminais mon service militaire (prolongé d'un
an
après Munich) lorsque la guerre éclata. Je me
souviens
du jour où, à Toulouse, au groupe de
subdivision
de la rue Duranti, je fus couvert de
crachats
et abreuvé d'injures et de coups pour avoir
refusé
de désavouer le pacte germano-soviétique.
Pour
être franc les faits, alors, ne m'étaient pas très
clairs,
mais je tenais bon parce que la presse faisait
alors
sur ce pacte un tapage assourdissant comme
alibi
aux trahisons de la grande bourgeoisie française.
La
mobilisation se fit dans un climat de découragement
et de
résignation qui préfigurait la défaite.
J'avais
l'impression de livrer un « baroud d'honneur»,
et je le livrai du mieux que je pus, car c'était
et je le livrai du mieux que je pus, car c'était
contre
l'hitlérisme. A la fin août, avant ma démobilisation
je
recevais la Croix de guerre; le 14 septembre
40
ayant, dans le Tarn, commencé à réorganiser
le
Parti, j'étais arrêté comme « individu
dangereux
pour la défense nationale et la sécurité
publique
».
Je ferai
dès lors trente-trois mois de prison et de
camp de
concentration.
Je ne
sais plus quel intellectuel a écrit : « Naître
pauvre,
c'est gagner trente ans. » D'après mon
expérience
personnelle il est vrai qu'être né dans
une
famille ouvrière et vivant de la vie de la classe
ouvrière,
tout en ayant le privilège d'accéder à
l'héritage
de la culture, m'a fait gagner une bonne
dizaine
d'années dans la prise de conscience d'une
contradiction
fondamentale qui me fit adhérer à
vingt
ans, en 1933, au Parti communiste.
L'existence
de deux mondes qui se contredisent :
celui
de la vie quotidienne et celui de la culture,
écrit
Hegel au début de son Esthétique, donne
naissance
au besoin de la philosophie. Cette expérience
vécue d'une contradiction qui a valeur
vécue d'une contradiction qui a valeur
universelle,
m'a personnellement conduit au marxisme
par le
besoin de donner un sens à ma vie, à
cette
vie qui, sans cela, eût été irrémédiablement
double
et déchirée, mutilée de la moitié d'elle-même.
Je me
sentais sujet de deux royaumes aux lois
strictes
et opposées.
Dans la
réalité quotidienne où j'étais né et où je
n'avais
pas encore connu de vies militantes, je
voyais,
par milliers, des vies broyées et des vies
perdues,
des vies écrasées par le travail et le besoin.
Si
incroyable que cela puisse paraître à ceux qui
n'ont
pas vécu cette expérience, le sens de la vie
s'imposait
ici du dehors, avec cette fatalité que
décrit
Marx dans Le Capital : « La peur de perdre
son
pain et celui de ses enfants enchaîne plus
fortement
l'ouvrier au char du capital que le
marteau
d'Héphaïstos ne rivait Prométhée aux
rochers
du Caucase. » Ce royaume réapparaissait
comme
celui de la nécessité. Nécessité si implacable
que mes
parents ne cherchaient pas l'issue
dans la
révolte. Le sens de leur vie ils ne le trouvaient
pas en eux,
mais en leur fils, en moi, avec
l'héroïsme
quotidien et obstiné de gens qui consacrent
vingt-cinq
années, toutes celles de leur jeunesse
et de
leur âge mûr, toutes leurs privations et
tout
leur labeur, à une tâche unique : élever leur
enfant
de telle manière qu'il n'ait pas la même vie
que la
leur. Le sens de leur vie était dans cette
négation
et dans cet amour.
Des
années plus tard, lorsque j'étais président de
la
commission de l'Éducation nationale, c'est ce que
je
rappelai avec colère, à la tribune de la Chambre
des
députés, lors d'une discussion sur la démocratisation
de
l'enseignement, à un député de la droite
m'interrompant
pour dire : « Vous êtes vous-même
la
preuve que, dans notre régime que vous combattez,
un fils
d'ouvrier peut accéder à la plus haute
culture!
» Je me souvenais des mains déformées de
ma
grand-mère faisant, à la journée, des ménages et
des
lessives, et des jambes bleuies de ma mère,
colportant
de maison en maison du café pour que je
puisse
continuer mes études. N'est-ce pas au
contraire
la preuve de la monstruosité d'un système
que le
gâchage de plusieurs vies, dans une famille
ouvrière,
soit nécessaire pour permettre à un seul
enfant
d'accéder à ce privilège?
C'était
là l'autre pôle de mon expérience. Juché
sur ces
sacrifices et ces mutilations, oui, c'était bien
un
privilège dont je jouissais : émerger dans un
autre
monde qui avait toutes les apparences de la
liberté.
L'on y avait le loisir de donner soi-même un
sens à
sa vie. Ce sens ne lui était pas donné du
dehors
: il semblait naître de notre choix. Cette trop
éblouissante
lumière, au sortir d'un monde où elle
filtre
si peu, me donna très tôt l'impression d'un
arbitraire
vertigineux, d'une liberté sans contenu.
La
contradiction de ces deux mondes, celui de la
vie
quotidienne des miens, et celui de la culture, me
donnait
le sentiment de l'irréel, du fantastique, et
les
vieilles antithèses et les vieux concepts de la
nécessité
et de la liberté, de la matière et de l'esprit,
me
paraissaient bien mornes, bien abstraits et bien
gris
pour traduire mon angoisse et mon vertige.
J'avais
besoin d'une réponse plus vivante pour
m'arracher
à ce dilemme vécu.
Je
cherchais une parole de vie qui rendît compte
à la
fois de la loi de mes deux mondes, c'est-à-dire,
dans le
langage de mes vingt ans, qui montrât
comment
le sens de la vie pouvait être à la fois subi
comme
une nécessité contraignante et assumé dans
la
responsabilité d'un choix libre et solitaire. Cette
parole
je la trouvai d'abord dans la pensée chrétienne.
J'avais
eu la chance, à Aix, comme étudiant,
d'écouter
les dernières conférences de Maurice
Blondel,
et nous nous passions en cachette sa thèse
condamnée,
L'Action, dont je conserve encore,
comme
un tison, un exemplaire original dactylographié.
Chacun
de ses thèmes majeurs m'interpellait
directement
: l'homme est trop grand pour se suffire
à
lui-même; il ne peut se réaliser qu'en se dépassant;
agir
c'est ajouter au monde quelque chose de
soi; il
y a toujours contradiction entre l'infinité du
vouloir
et la finitude, l'inachèvement des objectifs
atteints
; « les idées qui nous aimantent en haut ne
sont
pas toutes de nous ; elles mettent en nous une
force
qui est celle d'une présence réellement transcendante»;
«l'action a sa sève propre. Elle est
«l'action a sa sève propre. Elle est
toujours
au-delà ». Ce livre m'emportait dans son
mouvement.
Il n'a cessé de le faire. Et je le tiens
encore
pour l'un des plus grands ouvrages que j'ai
lus :
l'un de ceux qui peuvent changer une vie.
Ce fut
ensuite la théologie de Karl Barth, et la
méditation,
à Strasbourg en 1935-1936, où je
préparais
mon agrégation de philosophie, de
l'oeuvre
entière de Kierkegaard. Une transcendance
aussi
exigeante me parut sauver toutes mes contradictions
intimes.
Elle n'arrêtait pas la recherche par
quelque
synthèse abstraite et maintenait toutes les
tensions
intérieures. Elle interdisait le contentement
de soi
et la suffisance : « Tout ce que je dis de Dieu,
c'est
un homme qui le dit », écrivait Karl Barth. Je
dois au
Commentaire de l'épître aux Romains, à
Parole
de Dieu, parole humaine de Barth, d'avoir
compris,
pour la première fois, ce qu'est une
réflexion
qui porte en elle son propre dépassement.
Ma
contradiction était transposée. Elle n'était
pas
surmontée. Au contraire : elle devint pour moi
plus
insupportable encore lorsque j'essayai de
témoigner,
dans ma famille et dans mon parti, de ce
que je
venais d'entrevoir. Je dus me rendre à cette
évidence
brutale : la vision chrétienne du monde
m'excluait
des miens, de la classe ouvrière. J'en ai
pris
conscience il y a plus d'un tiers de siècle.
Depuis
lors d'autres ont fait la même expérience.
D'une
manière exemplaire, les prêtres-ouvriers.
Mon
erreur avait été la leur : s'il était vrai que la
classe
ouvrière est seulement la classe qui souffre,
peut-être
le christianisme correspondrait-il à son
attente,
car il a su exprimer et transfigurer la
souffrance
en lui donnant une signification qui la
magnifie
au delà de toute nature, de façon « surnaturelle».
Mais la
classe ouvrière n'est pas seulement ceux
qui
souffrent. Elle n'est pas seulement laminée par
les
lois de fer du capital : elle en porte en elle, par
ses
combats, la négation vivante. Elle porte en elle
ses
propres valeurs de pensée et d'action, et les plus
hautes
valeurs naissent de son combat lui-même. Si
je n'ai
connu, enfant, que les misères de la classe
ouvrière,
et si ces misères ne m'avaient posé que des
problèmes,
j'ai eu ensuite l'expérience des luttes
ouvrières;
ce sont elles qui m'ont orienté vers les
réponses
et les solutions.
C'est
ce qui me conduisit, en 1933, à adhérer au
Parti communiste.
Cette adhésion portait tout le
poids
de ma vie, son sens total. J'étais encore, à
Marseille,
un militant chrétien, et j'entendais le
rester
lorsque je me suis présenté au siège du Parti
communiste.
Celui qui m'y reçut, un dirigeant des
Jeunesses
communistes, Guidicelli (qui devait tomber
sous
les balles des miliciens, à Lyon, en 1944)
me
montra pour la première fois le texte de Lénine :
un pope
même peut entrer dans le Parti bolchevique
s'il y
accomplit honnêtement ses tâches de militant.
Tous,
alors, n'avaient pas la même ouverture, et,
lorsque
je fus affecté à une cellule, à Saint-Barnabe,
un
vieux communiste, Tarnat, m'expliqua longuement
que
l'étudiant que j'étais, comme tout intellectuel
d'ailleurs,
était nécessairement un traître, et
qu'il
saurait bien me dégoûter au plus vite de cette
«
aventure » que je cherchais dans le Parti! Il me fit
affecter
aux tâches les plus ingrates : les affichages
de nuit
(sans timbre! ce qui exigeait bien des
cavalcades
pour échapper à la police quand on
terminait,
vers 2 heures du matin, au centre de
Marseille!),
puis le service d'ordre (qui consistait
surtout
en des bagarres avec les Croix-de-Feu du
colonel
de La Rocque). Six mois après, le père
Tarnat,
voulant vérifier le résultat de ce régime, me
demandait,
goguenard :
— Tu
restes?
— Je
reste, et je suis heureux de rester.
Le
vieux Tarnat, ce militant exemplaire, me prit
dès
lors affectueusement sous sa protection, et
j'appris
de sa veuve, à mon retour des camps, qu'à
sa mort
il avait demandé que l'on mette dans son
cercueil
ma dernière lettre, où je lui expliquais
d'une
manière romantique—qui n'était pas dans son
caractère
— qu'ayant perdu la foi chrétienne, je ne
renonçais
pourtant pas à penser que le communisme
doit
intégrer ce qu'il y a de meilleur dans les
valeurs
chrétiennes.
Ce
souci de « tenir les deux bouts de la chaîne »
— qui
ne m'a pas quitté tout au long de ma vie —
me fit,
en 1937, ébaucher un roman : Le premier
jour
de m a vie, dont j'envoyai le manuscrit à
Romain
Rolland. La lettre de sept pages par
laquelle
il me répondit de sa fine et nerveuse
écriture
est restée, comme L'Action de Blondel,
l'un
des « tisons » qui n'ont jamais perdu leur
chaleur
:
« J'ai
lu votre lettre avec émotion, avec affection,
écrivait-il.
Je vous remercie de la confiance que
vous me
témoignez depuis tant d'années et que vous
m'exprimez
seulement aujourd'hui. C'est par de
telles
adhésions de l'âme, secrètes, muettes, que je
me suis
senti soutenu, aux heures les plus solitaires
de ma
vie. Je suis heureux que vous repreniez la
mission
de Jean-Christophe, qui est de relier entre
elles
les grandes forces de vie. Et cette mission n'est
nulle
part plus souhaitable qu'entre les forces
religieuses
de foi et d'amour agissant, et les forces
de foi
et d'action sociale... l'harmonie qui est la plus
belle
quand elle s'opère entre les dissonances (vous
connaissez
la parole d'Heraclite que j'aime à citer)
ne peut
être le fruit que d'une longue suite
d'épreuves
et d'efforts, sanctifiés par un loyal
amour...
»
Je
venais alors d'être nommé professeur de
philosophie
à Albi, où je recueillais avec avidité les
souvenirs
de Jaurès, demeurés vivants chez de vieux
socialistes
qui l'avaient connu et accompagné dans
ses
combats. Je m'enracinais avec joie dans ce Tarn
où se
forgeaient mes expériences de militant communiste,
parcourant
à vélo le département, ville par
ville,
village par village, avec une prédilection pour
Carmaux,
où les mineurs m'avaient si affectueusement
accueilli.
Dans le
Tarn j'ai rencontré pour la première fois
Maurice
Thorez, à Noailles, chez le père Dupont,
un
patriarche du socialisme français, qui avait seize
ans au
temps de la Commune de Paris. Maurice
Thorez
l'aimait comme s'il eût été son père.
Lorsque
le papa Dupont lui parla de cet étrange
intellectuel
venu du christianisme qui militait au
Bureau
fédéral du Tarn, Maurice m'accueillit à
Noailles
avec une compréhension qui ne s'est
jamais
démentie jusqu'à sa mort. Il me parla
longuement,
ce soir-là, de La Guerre des paysans
d'Engels,
et du prophétisme de Thomas Mùnzer au
temps
de la Réforme. C'était l'époque où, après
avoir,
le premier dans le mouvement communiste
international,
pris l'initiative de « la main tendue »
aux
catholiques, il avait évoqué — dans un discours
à la
Mutualité qui montre bien combien il s'agissait
d'autre
chose que d'une manoeuvre tactique —
l'apport
chrétien à notre culture. Pendant près de
trente
ans nous avons avec lui parlé de ces
problèmes.
Je me souviens d'un jour, en 1949, où il
me fit
appeler dans son bureau, au 44, en me
montrant,
avec un sourire indulgent, un paquet de
lettres
: « Tes articles, me dit-il, me valent une
grosse
correspondance! Tu as écrit que « le marxisme
s'appauvrirait
si saint Augustin, sainte
Thérèse
d'Avila ou Pascal lui devenaient étrangers»,
et voilà trente-sept lettres de protestations
et voilà trente-sept lettres de protestations
venant
de bons camarades. Je pense que sur le fond
tu as
raison. Il fallait le dire puisque c'est vrai. Mais
il faut
aussi tenir compte de vieilles expériences de
nos
militants en butte à la politique de l'Église, de
vieilles
traditions anticléricales chez nous, un peu
sectaires,
c'est vrai, mais nourries, et bien souvent
justifiées,
par l'attitude de l'Église. Tu as le souci
juste
de faire comprendre nos idées à nos adversaires.
C'est
bien. Mais veille aussi à avoir la même
patience
et à faire les mêmes efforts pour être
compris
de nos camarades et pour les comprendre. »
Reproche
affectueux qu'il me fit souvent : « Sur
le fond
tu as raison; cet effort d'ouverture est juste
du
point de vue théorique, et il est utile au parti.
Mais
fais attention à tes formulations : quelquefois
tu
exagères. » Et il ajoutait en riant : « Tu n'es pas
marseillais
pour rien! »
Roger Garaudy, Parole d'homme, Ed Robert laffont,
1975, Chapitre Liberté, libération ? >>A SUIVRE ICI>>
1975, Chapitre Liberté, libération ? >>A SUIVRE ICI>>