Suite de "Qui peut continuer la France ?"
IL y a plus d'un siècle
Saint-Simon avait entrevu
la nécessité future de ce choix
de la nation.
Dessinant de main de maître la
perspective de
l'avenir français, il écrivait:
«
Dans le parti national... se trouvent compris
tous
ceux qui cultivent la terre, tous les artisans,
manufacturiers,
ainsi que tous ceux dont les travaux
servent
directement ou indirectement la production...
tous
les citoyens qui emploient franchement
leurs
talents et leurs moyens à débarrasser les producteurs
de
l'injuste suprématie
exercée sur eux par
les...
oisifs. Dans
le parti antinational figurent les
nobles...
les propriétaires
vivant à ne rien faire... les
juges
qui soutiennent l'arbitraire... tous ceux qui
s'opposent
à l'établissement
du régime le plus favorable
Bernard Buffet. La révolution française. Détail |
à
l'économie et à la liberté. »
Saint-Simon voyait déjà
apparaître, au début du
XIXe siècle, les premières manifestations de
ce qui
s'est ensuite révélé comme une
loi historique constante
que l'on pourrait formuler ainsi
:
Toute classe décadente, en
s'efforçant de défendre
à tout prix ses privilèges contre
l'ensemble du
peuple, devient un obstacle au
développement de
la nation, s'oppose à elle et la
trahit, alors qu'une
classe montante identifie ses
intérêts à ceux de la
nation.
Ce contraste apparaît dans la
solution de tous
les problèmes viraux qui- se
posent aujourd'hui à
la France.
Dans chaque cas la grande
bourgeoisie capitaliste
défend ses intérêts de classe et
baptise « national »
tout ce qui sert ses visées
égoïstes ; dans chaque
cas elle engage notre pays dans
la voie de la défaite,
de la ruine et de l'humiliation.
L'exemple le plus typique de
cette tentative de
couvrir du drapeau national les
entreprises les plus
sordides du capital est celui du
colonialisme.
Lorsque les capitaux et les
entreprises sont concentrés
dans un petit nombre de mains,
lorsque
quelques banques contrôlent
l'économie et la politique
d'un pays, lorsque, par ailleurs,
par la concurrence
d'autre monopoles internationaux,
les débouchés
métropolitains sont de plus en
plus limités
pour les marchandises puis pour
les capitaux, ces
banques lancent leur pays dans
les conquêtes coloniales.
[…]
L'entreprise coloniale, en
procurant aux grandes
entreprises capitalistes des
matières premières et de
la main-d'oeuvre à bon marché
grâce aux bas salaires
imposés aux travailleurs
autochtones,, en ouvrant
un vaste débouché aux
capitalistes métropolitains
avec des prix imposés par la
métropole et l'interdiction
douanière d'acheter à d'autres
pays, permet aux
capitalistes de réaliser de «
superprofits » considérables.
C'est une affaire merveilleuse
pour le grand
capital.
Mais la nation n'y gagne rien.
Elle y perd.
Les profits de l'exploitation
coloniale vont au
patronat. Mais les dépenses sont
réglées par le
trésor public : les constructions
de ports, de routes,
de voies ferrées, les grandes
installations nécessaires
à une exploitation rationnelle sont
financées et subventionnées
par les deniers publics alors que
les
profits reviennent aux
entreprises privées.
[…]
Depuis dix ans ces phénomènes sont plus apparents
Depuis dix ans ces phénomènes sont plus apparents
encore du fait de la
décomposition du régime
colonial : les plus grands pays colonisateurs,
l'Angleterre,
et surtout la France, sont
précisément ceux
dont l'importance, sur le plan
économique et sur
le plan international, a le plus
rapidement régressé.
Le mouvement de libération des
peuples jusque là
colonisés est devenu l'un des phénomènes
majeurs
de notre époque. Or, le drame de
la France
c'est que, comme l'écrivait
Maurice Thorez le
21 juin 1958 «
les couches dirigeantes de la bourgeoisie
française
n'ont su aborder dans l'esprit de
notre
temps aucune des questions qui se sont trouvées
posées.
Elles n'ont su établir de liens nouveaux
avec
aucun des peuples qui aspiraient à l'indépendance.
Toute
l'histoire des
douze dernières années
est
l'histoire de la faillite où ont sombré les tentatives
de
maintenir entre la France et les peuples
coloniaux
des rapports de force qui sont périmés. »
C'est pour n'avoir pas su
repenser la grandeur
française en des termes neufs que
la grande bourgeoisie
française a vu, au lendemain de
la Libération,
alors que de Gaulle avait tous
pouvoirs, la
Syrie et le Liban rompre tout
lien avec la France.
Puis ce furent après le
bombardement de Haïphong,
la guerre ruineuse du Viet-Nam,
les massacres de
Madagascar, les ratissages du Cap
Bon en Tunisie,
la folle aventure de Ben Arafa au
Maroc, et finalement
la guerre d'Algérie, de plus en
plus « imbécile
et sans issue».
« La grandeur de la France, proclamait
Maurice
Thorez dans l'étude déjà citée,
n'est pas liée
à l'exploitation
et à la domination des peuples
coloniaux.
La France possède d'immenses
ressources, elle a un
peuple laborieux et ingénieux,
une jeunesse ardente,
une
élite intellectuelle fidèle à sa haute mission.
C'est
là que réside la grandeur de la France. »
Ce sont précisément ces vraies
richesses de la
France qui sont peu à peu taries
par d'interminables
guerres coloniales.
Ces guerres coloniales détruisent
d'abord les
bases matérielles de la culture :
depuis dix ans,
notre pays n'est pas parvenu à
réaliser une véritable
réforme démocratique de
l'enseignement, à construire
et à équiper ses écoles et ses
universités, à
doter la recherche scientifique
et technique des
moyens nécessaires pour remplir
leur mission, à investir
les crédits indispensables pour
renouveler
notre outillage et assurer
l'expansion de notre industrie,
parce que l'essentiel des ressources
de la France
est consacré au budget de la
guerre.
C'est une loi de l'histoire: une
classe et un
régime qui meurent hypertrophient
les moyens de
répression de la nation et
atrophient ses moyens
d'expression, c'est-à-dire qu'ils
sacrifient le budget
de l'école et de la culture à
celui de la police et
de l'armée.
Mais ces guerres coloniales
détruisent aussi les
bases morales et intellectuelles
de la culture. Elles
exaltent le chauvinisme et le
racisme, elles pervertissent
le sens moral de la jeunesse par
le dressage
de jeunes hommes à la pratique
d'une guerre sauvage
où l'opération de basse police
est exaltée comme une
épopée militaire, où la
militarisation de la nation
tout entière et I'étouffement de
l'esprit critique par
les méthodes dites « d'action
psychologique », ressuscitant
les plus sombres souvenirs de
l'hitlérisme,
sont présentées comme une
exigence nationale, où la
destruction des libertés
individuelles et des libertés
publiques est travestie en
victoire du «salut public ».
Avant même que Karl Marx ne
proclame : « Un
peuple
qui en opprime un autre ne saurait être un
peuple
libre »,
Condorcet déclarait fermement dans
son Tableau historique des
progrès de l'esprit
humain : « Les peuples sauront qu'ils ne peuvent
devenir conquérants sans
perdre leur liberté.
»
Tout cela est impliqué dans la
nature même de
la politique de la grande
bourgeoisie capitaliste parvenue
à l'heure de sa décadence: une
classe qui
meurt a besoin de mentir pour
régner.
Et c'est précisément parce que
les intérêts de
la classe ouvrière, classe
aujourd'hui montante, coïncident
avec l'intérêt de la nation,
parce que cette
classe n'a rien à craindre de la
réalité ni de son
développement, qu'elle peut
regarder cette réalité
en face et ne rien craindre
d'elle : le cours objectif
de l'histoire ne la condamne pas
mais révèle, au
contraire, la nécessité de son
ascension.
Jaurès proclamait : « Il n'y a plus désormais
qu'une
classe qui puisse donner à la pensée une
force
sociale : c'est le prolétariat. Lui, qui, selon le
mot
de Marx, n'a à perdre que ses chaînes, il n'a
peur
d'aucune vérité, parce que toute vérité le sert,
toute
libre critique qui désagrège les conceptions
surannées
et fausses prépare son avènement... La
classe
intellectuelle... c'est la classe ouvrière, car
elle
n'a besoin d'aucun
mensonge. »
L'expression la plus claire de
cette vérité, c'est
la position prise par la classe
ouvrière devant le
problème colonial. Cette position
a toujours été
radicalement opposée à celle du
grand capital :
« Nous réprouvons la politique coloniale, disait
Jaurès,
parce qu'elle
est la conséquence la plus déplorable
du
régime capitaliste qui resserre sur place
la
consommation
en ne rémunérant pas tout le travail
des
travailleurs et qui se crée au loin, par la
conquête
et la violence, des débouchés nouveaux.
Nous
la réprouvons parce que, dans toutes les expéditions
coloniales,
l'injustice
capitaliste s'aggrave
d'une exceptionnelle corruption. » Et le
Parti ouvrier
français de Jules Guesde
proclamait avec force, au
Congrès de Romilly : « Considérant que la politique
coloniale
est une des pires formes de l'exploitation
capitaliste, qu'elle tend exclusivement à élargir
le champ des profits
de la classe possédante en
épuisant de sang et d'argent le prolétariat
producteur...
le XVIIIe Congrès
national du Parti ouvrier
français
s'élève de
toutes ses forces contre les
flibusteries coloniales pour lesquelles aucun socia4
liste
conscient ne votera jamais ni un homme, ni
un
sou. »
Telle est la position constante
de la classe ouvrière
française malgré toutes les
tentatives de la
classe dirigeante, de sa presse
et de ses manuels scolaires,
pour travestir les entreprises
colonialistes du
capital en entreprises d'intérêt
national.
Cette
position se révèle avec plus d'éclat encore
comme
la seule conforme à l'intérêt national
au
moment où la désagrégation du système colonial
prouve
la nécessité impérieuse et urgente d'établir
avec
tous les peuples jusqu'ici colonisés des rapports
nouveaux
excluant totalement les anciens rapports
colonialistes
d'exploitation et de domination
et
se fondant exclusivement sur le libre consentement,
l'égalité
des droits et le respect des intérêts
réciproques
des deux peuples.
L'exemple récent de la Guinée
vient de montrer
que cette possibilité est réelle.
Alors que l'article
86 de la
Constitution stipule que lorsqu'un Etat
devient indépendant « il cesse de
ce fait d'appartenir
à la communauté », imposant ainsi
le dilemme :
pas d'indépendance ou bien
rupture avec la France,
le président Sekou Touré a
souligné dans sa conférence
de presse du 29 septembre,
que c'était là
montrer peu de souci « ni de
l'intérêt supérieur de
la Guinée, ni de celui de la
France». Il ajoutait:
« Notre volonté d'indépendance
ne doit pas être
interprétée
comme une volonté de rupture avec la
France...
Notre ardent désir est de demeurer dans
la zone
franc et ceci dans le cadre d'une association
de
peuples libres
ayant des intérêts communs... Il
n'est pas question de rejeter, par un chauvinisme
sans
fondement, l'enseignement dans la langue française
tel
qu'il est pratiqué actuellement... Dans les
rapports de
la Guinée avec le
monde extérieur, il
n'y a pas
de doute que la France gardera toujours
la première place. Nous entendons négocier avec elle
des
accords particuliers dans les domaines qui nous
intéressent
en commun. »
La preuve est ainsi faite que,
par des moyens
pacifiques, sans guerre et sans
répression, des rapports
nouveaux et fructueux peuvent
être établis
entre la France et les pays
autrefois asservis.
Il n'en est que plus regrettable
que dès la proclamation
des résultats du référendum en
Guinée,
le représentant du gouvernement
de Gaulle à Conakry
ait annoncé une série de mesures
financières et
économiques allant en sens
contraire. Les colonialistes
français poussent à aggraver de
telles sanctions
pour montrer, disent-ils, qu'il
n'y aura pas de
« prime à la sécession » (c'est le langage de
L'Aurore)
et pour donner un avertissement
aux autres
Etats africains afin qu'ils
sachent que, s'ils ne restent
pas dans l'obéissance, la vie
leur sera rendue
impossible.
Pour montrer combien une telle
attitude est
contraire à l'intérêt national il
suffit de rappeler
que le langage aujourd'hui tenu
par M . Sekou Touré
était celui du Président Ho Chi
Minh au moment
où l'amiral Thierry d'Argenlieu,
en accord avec
Georges Bidault, bombarda
Haïphong.
C'est pour n'avoir pas engagé la
négociation sur
les bases qui étaient offertes
que notre pays a connu
huit ans de guerre au Viet-Nam,
la défaite de Dien
Bien Phu et l'élimination de la
France de l'ensemble
de l’Indochine.
Cela est vrai aussi de l'Algérie.
Depuis quatre ans, nous
y faisons la guerre à tout
un peuple. Une guerre qui tue des
milliers de jeunes
soldats français, une guerre qui
nous coûte deux
milliards par jour, ruine nos finances,
limite les
investissements rentables de
l'école et de la technique,
abaisse le niveau de vie de notre
peuple,
détruit nos libertés en créant
les cadres et l'esprit
de la dictature militaire, isole
notre pays et le déshonore
sur le plan international et,
finalement,
aliène notre indépendance
nationale en nous contraignant
à emprunter à des conditions
humiliantes
en Amérique et chez Adenauer.
Où est, en tout cela l'intérêt
français?
Cette politique ne recouvre que
des intérêts de
classe: ceux des hommes de la
grande colonisation
qui entendent, par la force
armée, maintenir intégralement
leurs privilèges désuets et
continuer à
« faire suer le burnous », ceux,
un peu différents,
de la haute banque française et
du grand capital
qui visent essentiellement le
pétrole du Sahara.
Mais quelles que soient les
divergences de ces
deux groupes capitalistes, le
dénominateur commun
de leur politique algérienne
c'est la domination
coloniale, même si les formes
qu'ils envisagent sont
différentes. Ce qu'il faut, c'est
mettre fin à cette
domination. Alors, et alors
seulement, pourra s'instaurer
une négociation établissant entre
l'Algérie et
la France des rapports nouveaux,
conformes à l’intérêt
des deux peuples.
*
LE deuxième problème sur lequel
s'opposent les
solutions conformes à l'intérêt
de classe des
hommes du capital et l'intérêt
national français soutenu
par la classe ouvrière, est celui
de la politique
extérieure.
La grande bourgeoisie française, nous l'avons vu,
n'a pas hésité, avec les
Versaillais en 1871, avec les
Vichyssois pendant la dernière
guerre, à pactiser avec
l'occupant pour faire protéger
ses intérêts de classe
contre le peuple.
Après la défaite d'Hitler, les
mêmes forces sociales
ont cherché un autre protecteur.
Elles l'ont
trouvé auprès des affairistes
américains contre la
classe ouvrière française.
Pendant les luttes de la
Résistance, le Parti communiste
français avait acquis un immense
prestige
parce qu'il avait exprimé avec
force, et seul en tant
que parti, l'esprit national de
la classe ouvrière en
donnant à la cause de la
Libération de la patrie
le plus lourd tribut d'héroïsme
et de sacrifices.
Voilà pourquoi l'anticommunisme a
exprimé la
volonté de la grande bourgeoisie
capitaliste de refuser
à tout prix à la classe ouvrière
française sa place
dans la vie politique de la
nation.
Cet anticommunisme a conduit la
bourgeoisie
française à se subordonner
entièrement à la politique
d'hégémonie mondiale du grand
capitalisme
américain en échange de sa protection
contre la
classe ouvrière française et son
Parti communiste.
Ce fut la politique du plan
Marshall et du Pacte
Atlantique.
Dès 1947, une
feuille américaine, le Journal du
Commerce, déclare tout net : « Le
plan Marshall
n'a pas simplement pour but de venir en
aide à
l'Europe... C'est une barrière
contre le communisme.
» Le Monde est aussi franc : «
L'aide américaine,
dira-t-on, deviendrait une machine de guerre
anticommuniste. Sans aucun doute c'est là un de
ses aspects. Nul ne l'ignore, et
il n'y a aucune raison
de le cacher. » (Le Monde, 11 octobre
1947-)
La veille des élections
françaises, les journaux
ont publié les déclarations du
sénateur Bridges, président
de la commission d'enquête en
Europe :
« J'ai dit aux ministres français — c'est M .
Bridges
qui parle — que nous espérions fermement que le
prochain gouvernement français ne serait pas sous
le contrôle des communistes. Nous avons
reçu l'assurance
que, grâce à une collaboration
raisonnable,
on pourrait certainement empêcher les communistes
de l'emporter. »
Dans l'accord bilatéral signé par
Georges Bidault
le 28 juin 1948, le
gouvernement français déclarait
se soumettre aux stipulations de
la « loi de coopération
économique de 1948 ».
économique de 1948 ».
Cette loi réglant le
fonctionnement de l'aide
américaine à l'étranger n'était
ni une loi française ni
une loi internationale mais une
loi américaine votée
par la Chambre américaine et le
Sénat américain
et modifiable seulement par eux.
En acceptant
d'obéir à une loi étrangère
spécifiant qu'elle nie
pouvait poursuivre que « des fins
conformes à l'intérêt
des Etats-Unis », le gouvernement
signataire
se plaçait juridiquement dans la
position d'un
gouvernement dépendant et
désaisissait le Parlement
et par conséquent le peuple français de ses
droits souverains.
La loi à laquelle il était fait
référence, votée par
la Chambre américaine des
représentants au mois
de décembre 1947, comportait
deux stipulations précises:
1°) « Les gouvernements français
(et italien)
s'engagent, par des accords
bilatéraux négociés avant
que l'aide intérimaire ne soit
appliquée, à ne rien
allouer de cette aide aux
communistes et à ne pas
permettre que cette aide soit distribuée par des
organisations communistes
(paragraphe adopté par
109 voix
contre 57);
20) « Le
Président des U.S.A. cessera d'aider la
France
et l'Italie
si un gouvernement dominé par
les communistes ou par la Russie
accède au pouvoir
(paragraphe adopté par 78 voix
contre 37). »
Ces deux amendements qui
constituaient une
immixtion directe dans les
affaires politiques françaises,
un diktat sans précédent dans
l'histoire d'un
gouvernement apparemment
souverain, on les retrouve
dans la loi contresignée par le
président
Truman et dans le Plan Marshall,
résumés sous
cette forme :
« Le Président des U S A. mettra rapidement fin
à
l'octroi de
l'aide dans le cadre de la présente loi,
chaque fois qu'il estimera que des changements étant
intervenus
dans la situation l'octroi de l'aide n'est
plus
souhaitable.
»
Toute la politique française
depuis douze ans,
depuis qu'ont été écartés du
gouvernement les
ministres communistes, découle de
cette option décisive,
à la fois anticommuniste et
antinationale.
Elle a ouvert à un gouvernement
étranger des
droits pratiquement illimités
d'ingérence dans les
affaires économiques, financières
et politiques de la
France.
Elle a subordonné, avec le Pacte
Atlantique et
l ' O T A N . , les budgets
militaires français a des
décisions étrangères, en
intégrant la France à un
bloc militaire à direction
germano-américaine.
Elle a finalement conduit l'armée
française sous
le commandement d'un général
hitlérien, Speidel,
organisateur de l'assassinat du
Président Barthou en
1934, assassin
d'otages français de 1940 à 1942.
Cette politique a été constamment
suivie par
tous les présidents du Conseil,
violemment anticommunistes,
depuis 1947: par
Georges Bidault
comme par Guy Mollet ou Antoine
Pînay.
[…]
[…]
Ni à l'intérieur, ni à
l'extérieur, une politique
de la grandeur française ne peut
être dirigée contre
la classe ouvrière et son Parti
communiste. La peur
du peuple conduit à la trahison
de l'intérêt national.
Une véritable politique de la
grandeur française
exige que la France cesse d'être,
par anticommunisme,
par peur de la classe ouvrière,
dans une position
de vassale à l'égard du suzerain
américain et
de son représentant européen :
Adenauer.
Cela
ne doit pas nous conduire à l'isolement de
la
France.
[…]
Le slogan réactionnaire, maurrassien, de « la
Le slogan réactionnaire, maurrassien, de « la
France, la France seule », non
seulement aboutirait
aux pires déboires, mais
contredirait à la tradition
française de l'universalisme. Ce
n'est pas en s'isolant
dans le concert des nations, mais
en restant fidèle,
dans ses actes, à ses principes
et à ses traditions,
que la France a connu son
rayonnement le plus
grand.
Cela ne doit pas nous conduire
non plus à un
prétendu « renversement des
alliances ». Il s'agit
pour la France de ne pas
contribuer à perpétuer la
politique des blocs militaires et
de la course aux
armements qui constitue, à l'âge
atomique, un danger
mortel pour l'humanité. Il ne
s'agit donc pas
de jeu de bascule et de
changement de camp. Le
peuple de France tient à l'amitié
et à l'alliance du
peuple américain. Mais il ne
confond pas l'alliance
avec la vassalité. Il entend donc
maintenir ses liens
d'amitié et d'alliance avec le
peuple américain dans
toute la mesure où ils n'excluent
pas les liens d'amitié
et d'alliance avec aucun autre
peuple. C'est là le
critère fondamental de
l'indépendance nationale.
Il fut un temps où le général de
Gaulle
même reconnaissait cette
nécessité : c'était le temps
ou nul encore n'aurait osé nier
que la libération de
la France et l'indépendance de
notre pays s'étaient
jouées d'abord à Stalingrad. Le
général de Gaulley
qui alors n'acceptait pas aussi
légèrement qu'aujourd'hui
la suzeraineté américaine et
l'hégémonie
d'Adenauer en Europe, proclamait
: « Pour la
France
et la Russie, être unies c'est être fortes.
Se
trouver séparées, c'est se trouver en danger. En
vérité
il y a là comme
un impératif catégorique de
la
géographie, de l'expérience et du bon sens . »
On ne saurait mieux dire […]
Pour que la France conserve son
indépendance,
il faut que notre politique
extérieure ne soit plus
dominée par les préoccupations de
classe et qu'elle
vise avant tout a des rapports
internationaux sans
exclusives, seuls capables de
garantir son indépendance.
C'était en ce sens que Maurice
Thorez définissait,
dés 1937, une véritable politique d’indépendance,
dés 1937, une véritable politique d’indépendance,
Lorsqu’ il proclamait que le
destin de la
France ne devait être décidé ni à
Londres, ni à
Rome, ni à Washington, ni à
Moscou, mais à Paris
et à Paris seulement. Cette
devise est demeurée
inflexiblement la nôtre.
*
C’EST seulement lorsque notre
peuple, cessant
d'être mis au service des intérêts de la
grande
bourgeoisie décadente, se
libérera, par une politique
de paix et une politique d'indépendance
nationale,
du fardeau écrasant des guerres
coloniales et de la
course aux armements imposée par
la coalition atlantique,
qu'il deviendra possible de
travailler à la vraie
grandeur de notre patrie.
Alors deviendront possibles de
grands investissements
productifs pour l'équipement
technique et
industriel de notre pays, parce
que sera détruit le
mirage de placements de rentiers
dans des peuples
asservis, et que disparaîtra pour
le capitalisme français
la perspective de faire de la
France un pays usurier.
[…]
Mais la principale des richesses françaises n'est
Mais la principale des richesses françaises n'est
pas dans le sol, mais dans les
hommes. Or, dans un
régime inspiré par des intérêts
de classe, où l'on
compte seulement 3 % de
fils d'ouvriers dans les
universités, on laisse en friche
la plus grande partie
de l'intelligence nationale. La
réalisation d'une véritable
démocratie est donc une condition
essentielle
de la grandeur française.
Elle seule permettra, comme l'a
prouvé l'expérience
du Front populaire de 1936, créant
le Centre
national de la recherche
scientifique, et l'expérience
de la Libération fondant, avec
Joliot-Curie, le
Commissariat à l'énergie
atomique, de donner à la
pensée et à la culture
françaises, à la science et à
a recherche créatrice, avec
l'appui de tout le peuple,
les moyens de recréer la grandeur
française.
Une
démocratie véritable c'est un régime qui
donne
à tous les citoyens les moyens de développer
pleinement
les richesses humaines qu'ils portent en
eux.
Le régime actuel de la France,
sous la domination
du grand capital, saccage la plus
grande des
richesses françaises.
[…]
[…]
Analysant, en mars 1955, cet
aspect de la loi de
la paupérisation, Maurice Thorez
écrivait : « Les
forces
productives sont gâchées et détruites, et
d'abord la classe ouvrière. Se battre contre l'exploitation
et la surexploitation des prolétaires, contre la
spoliation des masses laborieuses, c'est la seule
façon
d'assurer l'avenir de la France, d'abord sur le
plan
élémentaire de
la lutte contre l'épuisement et
la mortalité, pour la santé et la vie normale du
peuple.
C'est
aussi la seule façon de s'opposer à la stagnation
et
au parasitisme dans l'économie nationale,
au
malthusianisme, à l'inutilisation chronique d'une
grande
partie du potentiel productif du pays, donc
de
lutter, sur le plan économique, pour l'avenir
de
la nation. »
Roger Garaudy, Qu'est-de que la grandeur française ?, 1958