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entièrement de l'image de Lénine
qui a été donnée
par Staline et cristallisée dans
ses Principes du léninisme
: un matérialisme sous-développé,
une conception
de la dialectique qui n'est plus
méthode de
recherche et de découverte, mais
instrument de
justification d'une politique,
dialectique revenant à
l'évolutionnisme vulgaire que
Lénine avait si fortement
critiqué chez Kautsky et chez
Plekhanov, une
dogmatisation du matérialisme
historique transformé
en une philosophie de l'histoire
en cinq stades,
une dictature du prolétariat
ramenée de fait à la
dictature du Parti et finalement
à celle de son chef,
une conception du Parti sans
rapport avec les masses
bloquant la dialectique vivante
entre les initiatives
venues d'en bas et leur
élaboration scientifique
au profit d'une conception
mécaniste, mortifiante,
des « leviers » et des «
courroies de transmission ».
Ce qui caractérise, au contraire,
fondamentalement
l'oeuvre de Lénine, qui est
indivisiblement politique
et philosophique, c'est d'avoir
débloqué la dialectique
vivante de l'histoire proprement
humaine, enrayée
par les régimes d'oppression qui
font de millions
de travailleurs non les sujets
actifs, mais les
objets passifs de l'histoire.
Lénine a réalisé le rêve de la
jeunesse de Marx :
obliger les rapports sociaux
pétrifiés à entrer dans
la danse en leur jouant leur
propre mélodie dialectique.
Pour esquisser la trajectoire de
cette oeuvre,
depuis son projet initial jusqu'à
son accomplissement
révolutionnaire, nous avons
souligné que le
développement de cette
philosophie ne s'effectue pas
seulement par la seule logique
interne du concept,
mais par l'enrichissement que lui
apportent les successives
initiatives historiques des
masses.
Cette caractéristique majeure de
la philosophie de
Lénine est également celle de sa
politique militante :
l'on ne peut libérer la
dialectique proprement humaine
de l'histoire (celle qui
s'affirme par une rupture
révolutionnaire avec la force
d'inertie des mécanismes
du capital) qu'en débloquant la
dialectique entre
la pensée scientifique et
l'initiative spontanée d'en
bas.
Le « moment subjectif » de
l'activité révolutionnaire,
c'est indissolublement le moment
de la théorie
et le moment de l'initiative des
masses.
Toute sous-estimation théorique
de l'un ou l'autre
moment stérilise la pratique :
mettre l'accent exclusivement
sur l'initiative des masses nous
ramène au
culte proudhonien de la
spontanéité en attribuant
mystiquement à ces masses le
privilège hégélien
d'être porteur de « l'esprit du
monde » ; mettre l'accent
exclusivement sur le
développement théorique
abstrait, c'est revenir à une
conception contemplative,
où l'histoire est déjà écrite et
où les hommes ne
sont plus que des marionnettes
mises en scène par
les structures.
En établissant ce rapport
d'implication réciproque
unissant intimement les deux
formules complémentaires
: celle de Marx, selon laquelle
les idées révolutionnaires
ne peuvent naître que s'il existe
un mouvement
révolutionnaire, et celle de
Lénine selon laquelle
sans théorie révolutionnaire il
n'y a pas de
mouvement révolutionnaire, l'on
retrouve l'âme
vivante de la philosophie de Marx
et de Lénine.
Cette dialectique seule
permettant de passer constamment
de la logique du développement
des structures
à la création par l'homme de sa
propre histoire, de
réaliser les conditions
permettant de faire de chaque
travailleur un sujet conscient de
l'histoire, de passer,
selon l'expression de Marx, de
l'ordre des choses à
l'ordre des hommes libres.
Source : Roger Garaudy, Lénine, PUF, 1968
(Lire aussi: http://rogergaraudy.blogspot.fr/2012/03/le-socialisme-selon-lenine-par-roger.html)
(Lire aussi: http://rogergaraudy.blogspot.fr/2012/03/le-socialisme-selon-lenine-par-roger.html)
A suivre: Althusser, une "interprétation" de Marx