Dans un temple de Kajuharo- XIe sècle |
L’Inde à son apogée. Les Guptas (IVe-Ve
siècles)
L’art indien
Sous les Guptas le temple hindou prit sa forme définitive. L'architecture
hindoue, comme toutes les formes de la création artistique, est une expression
de l'harmonie universelle dans sa signification religieuse. Le temple est
d'abord un «modèle réduit » de l'univers entier. Sa forme évoque le
mythique « Mont Meru » sur lequel vivent les dieux. L'image du dieu est enfermée
dans une niche intérieure et le soubassement est l'autel du sacrifice.
Ce schéma primitif devint plus complexe par l'addition de
plates-formes, de terrasses et d'escaliers ; d'étages, comportant des galeries
couvertes et des chapelles subsidiaires ; d'un décor sculpté et peint ; et d'une
grande flèche dominant l'édifice. Mais l'intention générale du plan n'en est
pas modifiée pour autant. Au VIe
siècle, une véritable encyclopédie de l'architecture
hindoue, le Brihatsamhita, de
Varahamihira, donne un exposé systématique des significations, des structures et des méthodes.
Varahamihira, donne un exposé systématique des significations, des structures et des méthodes.
L'architecture bouddhique de la période Gupta adopta de plus en
plus le modèle du temple hindou, car, comme nous le verrons, le bouddhisme se
résorba progressivement dans l'hindouisme au cours de cette période.
Parallèlement à cette architecture se multiplièrent les
monastères et les temples creusés dans le roc, comme à Ajanta ou à Elephanta.
La sculpture Gupta est d'abord religieuse.
Après des siècles de représentation purement allusive de
Bouddha (par l'empreinte de ses pas, un trône vide, la fleur du lotus, l'arbre
de l'Eveil, les deux gazelles du premier sermon), c'est seulement à partir du début
de l'ère chrétienne que Bouddha fut représenté avec un visage humain, soit sous
l'influence de la figuration des dieux par les Grecs (art du Gandhara où les
premiers bouddhas ressemblent à l'Apollon hellénique), soit par une élaboration
autochtone, dont le centre fut Mathura, à l'époque des Kouchans, et qui ne doit
rien à l'étranger.
A partir du IVe siècle s'élabore l'esthétique classique de
l'Inde Gupta. Dans la sculpture religieuse, voici que l'image de Bouddha, telle
qu'elle apparaît à Mathura ou à Sarnath, au Ve siècle,
reproduit les gestes rituels des mains, codifiés par les mudras. La draperie
s'efface pour laisser apparaître le corps nu sous le mouvement rythmique des plis; le visage, géométrisé, exprime la sérénité
de celui qui a atteint le Nirvana.
Cet art religieux est profondément pénétré par la vie. Pour
exprimer la vitalité
harmonieuse et sensuelle du corps, l'esthétique hindoue ne s'inspire
pas, comme celle de la Grèce, de la géométrie, mais des courbes florales ou
animales de la nature pour le dessin d'un sourcil, d'un bras, ou des seins de
la femme. Cet art, profondément sensuel, fait une grande place à l'érotisme. La
danse indienne a inspiré la sculpture religieuse comme la sculpture profane.
Les positions du corps, du cou, de la tête, des bras, des mains, des hanches,
leur rythme et leur harmonie, ont été élaborés par les danseuses et les
actrices courtisanes avant de passer dans les arts plastiques, par exemple avec
ce mouvement voluptueux des hanches et de la tête vers la droite, du buste et
des jambes vers la gauche. Ainsi naquirent les oeuvres les plus belles de l'histoire de l'art à la gloire de la féminité, dont les
attributs : l'opulence des seins, la finesse de la taille, l'ondulation
rythmique du corps, sont sans cesse exaltés.
Cette forme de stylisation à partir du végétal, du félin ou de la
danse, permit à l'art Gupta d'échapper au naturalisme sans tomber pour autant dans
l'abstraction. Ce n'est qu'avec la décadence Gupta que s'introduit une manière
baroque.
La même transposition des gestes et des rythmes de la danse et
de la volupté s'effectue dans la peinture Gupta telle qu'elle apparaît dans les
fresques de certaines grottes d'Ajanta.
Les thèmes religieux, illustration de la prédication des
moines, sont intimement liés aux thèmes profanes de l'amour et de l'érotisme.
L'artiste procède en général par larges aplats de couleurs
chaudes d'un brun rouge qui fait chanter les bleus profonds du lapis-lazuli et
qu'allègent des verts turquoise et des blancs. Les sujets sont reliés les uns aux
autres doit par des volutes abstraites en arabesque, soit par des décorations
végétales qui expriment une sensibilité
extrême aux grâces de la nature.
Roger Garaudy
Comment l’homme
devint humain
pages 130 à 136
pages 130 à 136