30 juillet 2017

L’héritage iranien

L'apport de la Perse après le renversement de la
dynastie sassanide et la renaissance islamique du pays
est capital pour la culture islamique.
Sur le plan religieux, l'islam iranien, dominé par
le schisme « chiite », né d'un problème de succession
du Prophète, mais qui, au-delà, est une véritable
synthèse de l'islam et de la très ancienne religion
mazdéenne de Zarathoustra, a inspiré des oeuvres,
qui comptent parmi les sommets de la poésie, de la
philosophie et de la mystique.
Firdousi (940-1020), un siècle environ avant les
premières chansons de geste de l'Occident, écrit dans
son Livre des Rois l’ épopée des héros de son peuple. Il y
établit la continuité culturelle avec l'Iran préislamique,
et surtout l'Iran de la religion mazdéenne de
Zarathoustra, dont les rois sassanides avaient fait la
religion officielle. Les luttes millénaires du peuple iranien
sont une lutte contre le mal selon le dualisme
mazdéen. Il ne s'agit pas pour Firdousi de raconter
seulement une histoire, mais de donner des modèles de
grandeur humaine. Il le fait dans une langue si belle
que les conteurs d'aujourd'hui chantent encore ses
récits à leur peuple.
Sohravardi (1155-1191) accomplit, en philosophie,
une tâche semblable à celle de Firdousi dans son
poème. Il se voue à la « résurrection des sages de
l'ancienne Perse » (celle de Zarathoustra), et crée une
philosophie « orientale », au sens premier du mot :
une philosophie de la lumière. Le symbolisme zoroastrien
de la lumière, appliqué à la méditation de l'acte
« prophétique », central dans l'islam, le conduit à
transposer l'épopée héroïque de l'ancien Iran en
épopée mystique.



Mystique et poésie iraniennes. Le cheminement de
l'âme vers le Dieu caché, le poète persan Attar (v. 1150-
v. 1220) l'exprime dans le symbole de son Colloque des
oiseaux : trente oiseaux partent à la recherche de leur
roi, le légendaire Symorgh, et, après une course
épuisante à travers déserts et vallées, brûlés de corps et
d'âme, ayant tout donné, tout leur est rendu ; ils
parviennent à un lac et, y découvrant leur propre
visage, découvrent en même temps que leur roi c'est
eux-mêmes, ayant renoncé à leur « moi » pour devenir
un « nous ».
« Le soleil de ma majesté est un miroir, leur
dit le Symorgh ,  celui qui vient s'y voit tout entier,
son âme et son corps . . . Lorsque vous avez franchi
les vallées du chemin redoutable, lorsque vous avez
souffert et combattu pour vous dépouiller de vous -
mêmes et atteindre la plénitude, vous n'avez agi
que par mon action. . . Anéantissez-vous donc en
moi afin que vous vous retrouviez vous-mêmes en
moi.»
Pour Ruzbehan de Chiraz (fin du XIIe  siècle), dans
son Jasmin des fidèles d'amour , qui inspirera Dante,
« c'est dans le livre de l'amour humain qu'il faut
déchiffrer la règle de l'amour divin ».
« L'amour de l'amant et de l'aimée est habité
par la même force qui attire l'homme vers la réalité
divine et qui est le réel par excellence. . . Aimer la
beauté, c'est voir l'existence éternelle avec l'oeil
même de Dieu.»
Pour Roumi (XIIIe siècle),l'un des plus grands
mystiques et des plus grands poètes de tous les temps, i l
n'est pire douleur que d'être arraché au tout, et le
mystique vit de cette nostalgie.
« Ecoutez le roseau qui conte son histoire. Il
gémit d'être seul, coupé de sa racine. Depuis qu'on
m'arracha, les amants déchirés ont emprunté mes
cris pour épancher leurs plaintes. Car j'ai besoin
d'un coeur déchiré par l'absence, pour dire la
douleur de cette nostalgie.»
C'est le thème repris par Hafiz au XIVe siècle et
que Goethe lui emprunta. Hafiz chante :
« Comme le cierge brûle l'âme, lumineuse
dans la flamme d'amour, d'un coeur pur j'ai
sacrifié mon corps. Tant que tu ne seras pas comme
les papillons, consumé par la nostalgie du Tout, tu
ne pourras jamais t'affranchir de la souffrance
d'amour.»
Et Goethe, qui écrivait : « Hafiz, se comparer à toi,
quelle folie ! », reprendra :
« Toi, l'amant de la lumière, tu t'y brûles
comme un papillon . Tu n'es qu'une ombre dans la
nuit de la terre, aussi longtemps que tu n'as pas
compris cette loi : meurs et deviens.»
Saadi, au XIII1 siècle, l'exprime dans son Jardin des
roses :
« C'est l'implacable loi d'amour, ô mon
enfant! En voilà le secret si tu veux le connaître :
de sa flamme nul n'est sauvé que par la mort.»
Résumant toute la vision islamique du flux de
Dieu vers l'homme et du reflux vers Dieu dans la
sainteté, Saadi écrit encore :
« Tout souffle qu'on aspire prolonge la vie, et
tout souffle qu'on expire la fait rayonner. Chaque
souffle est un double bienfait de Dieu et nous
devons pour chacun l'en remercier.»


Roger Garaudy
Comment l’homme devint humain
Pages  190 à 195

28 juillet 2017

Le bouddhisme Tch'an

[Suite de la publication de courts extraits du livre de Roger Garaudy "Comment l'homme devint humain", Ed J.A., 1979. Ces publications se poursuivront pendant le mois d'août]

Chine : Le bouddhisme Tch’an

Le rayonnement de l'Inde Gupta avait amené des missionnaires bouddhistes en Chine dès le VIe siècle.
Mais ce fut seulement avec Houeï-neng (638-713), au VIIIe siècle, que le bouddhisme s'enracina dans la
culture chinoise : dépasser les limites du moi pour découvrir notre vraie nature, et ceci en faisant le vide en
nous, par le non-attachement au moi et à ses désirs, telle était l'essence du bouddhisme.
Mais, avec Houeï-neng, la métaphysique hindoue de l'accès à un autre monde est remplacée par un
enracinement dans la vie quotidienne, caractéristique de la tradition chinoise. « L'illumination » (c'est-à-dire
la découverte de la réalité ultime, de notre vraie nature, qui n'est pas individuelle) n'est plus acquise
par une initiation graduelle de l'esprit ; elle peut survenir soudainement en dehors de la logique et des
mots. Tel est le bouddhisme Tch'an (Zen en japonais) qui triomphera en Chine à l'époque Song.


Roger Garaudy
Comment l’homme devint humain

Pages 152 à 154

26 juillet 2017

L'art indien des Guptas

Dans un temple de Kajuharo- XIe sècle
L’Inde à son apogée. Les Guptas (IVe-Ve siècles)
L’art indien

Sous les Guptas le temple hindou prit sa forme définitive. L'architecture hindoue, comme toutes les formes de la création artistique, est une expression de l'harmonie universelle dans sa signification religieuse. Le temple est d'abord un «modèle réduit » de l'univers entier. Sa forme évoque le mythique « Mont Meru » sur lequel vivent les dieux. L'image du dieu est enfermée dans une niche intérieure et le soubassement est l'autel du sacrifice.
Ce schéma primitif devint plus complexe par l'addition de plates-formes, de terrasses et d'escaliers ; d'étages, comportant des galeries couvertes et des chapelles subsidiaires ; d'un décor sculpté et peint ; et d'une grande flèche dominant l'édifice. Mais l'intention générale du plan n'en est pas modifiée pour autant. Au VIe siècle, une véritable encyclopédie de l'architecture hindoue, le Brihatsamhita, de
Varahamihira, donne un exposé systématique des significations, des structures et des méthodes.
L'architecture bouddhique de la période Gupta adopta de plus en plus le modèle du temple hindou, car, comme nous le verrons, le bouddhisme se résorba progressivement dans l'hindouisme au cours de cette période.
Parallèlement à cette architecture se multiplièrent les monastères et les temples creusés dans le roc, comme à Ajanta ou à Elephanta.

La sculpture Gupta est d'abord religieuse.
Après des siècles de représentation purement allusive de Bouddha (par l'empreinte de ses pas, un trône vide, la fleur du lotus, l'arbre de l'Eveil, les deux gazelles du premier sermon), c'est seulement à partir du début de l'ère chrétienne que Bouddha fut représenté avec un visage humain, soit sous l'influence de la figuration des dieux par les Grecs (art du Gandhara où les premiers bouddhas ressemblent à l'Apollon hellénique), soit par une élaboration autochtone, dont le centre fut Mathura, à l'époque des Kouchans, et qui ne doit rien à l'étranger.
A partir du IVe siècle s'élabore l'esthétique classique de l'Inde Gupta. Dans la sculpture religieuse, voici que l'image de Bouddha, telle qu'elle apparaît à Mathura ou à Sarnath, au Ve siècle, reproduit les gestes rituels des mains, codifiés par les mudras. La draperie s'efface pour laisser apparaître le corps nu sous le mouvement rythmique des plis; le visage, géométrisé, exprime la sérénité de celui qui a atteint le Nirvana.
Cet art religieux est profondément pénétré par la vie. Pour exprimer la vitalité
harmonieuse et sensuelle du corps, l'esthétique hindoue ne s'inspire pas, comme celle de la Grèce, de la géométrie, mais des courbes florales ou animales de la nature pour le dessin d'un sourcil, d'un bras, ou des seins de la femme. Cet art, profondément sensuel, fait une grande place à l'érotisme. La danse indienne a inspiré la sculpture religieuse comme la sculpture profane. Les positions du corps, du cou, de la tête, des bras, des mains, des hanches, leur rythme et leur harmonie, ont été élaborés par les danseuses et les actrices courtisanes avant de passer dans les arts plastiques, par exemple avec ce mouvement voluptueux des hanches et de la tête vers la droite, du buste et des jambes vers la gauche. Ainsi naquirent les oeuvres les plus belles de l'histoire de l'art à la gloire de la féminité, dont les attributs : l'opulence des seins, la finesse de la taille, l'ondulation rythmique du corps, sont sans cesse exaltés.
Cette forme de stylisation à partir du végétal, du félin ou de la danse, permit à l'art Gupta d'échapper au naturalisme sans tomber pour autant dans l'abstraction. Ce n'est qu'avec la décadence Gupta que s'introduit une manière baroque.

La même transposition des gestes et des rythmes de la danse et de la volupté s'effectue dans la peinture Gupta telle qu'elle apparaît dans les fresques de certaines grottes d'Ajanta.
Les thèmes religieux, illustration de la prédication des moines, sont intimement liés aux thèmes profanes de l'amour et de l'érotisme.
L'artiste procède en général par larges aplats de couleurs chaudes d'un brun rouge qui fait chanter les bleus profonds du lapis-lazuli et qu'allègent des verts turquoise et des blancs. Les sujets sont reliés les uns aux autres doit par des volutes abstraites en arabesque, soit par des décorations végétales qui expriment une  sensibilité extrême aux grâces de la nature.

Roger Garaudy

Comment l’homme devint humain
pages 130 à 136

25 juillet 2017

Bienheureux, vous les pauvres! … Malheur à vous, les riches ! (Luc 6, 24)

Riches et pauvres dans l'Église ancienne

Bienheureux, vous les pauvres! … Malheur à vous, les riches! (Lc 6, 24).
Il est plus facile à un chameau de passer par un trou daiguille qu’à un riche d’entrer dans le royaume des cieux (Mt 19, 24).
L’Évangile condamne-t-il la richesse? Canonise-t-il la pauvreté? Un riche peut-il être sauvé? Le christianisme a-t-il quelque chose à dire sur l’économie et la société ?
Ces questions, les chrétiens des premiers siècles se les sont posées. Le monde dans lequel ils vivaient offrait beaucoup de points communs avec le nôtre: de très grandes fortunes côtoyant une terrible misère, l’écrasement des classes moyennes, la plaie de l’endettement. Les Pères de l’Église auraient pu se décourager en pensant que les exigences évangéliques étaient incompatibles avec les réalités économiques et sociales. Ils ont pris le problème à bras le corps. C’est leur réflexion que nous livre ce recueil où l’on trouve les thèmes de la propriété et du partage des biens, du prêt à intérêt et du surendettement, de l’exploitation des salariés et de la spéculation, de la dignité des pauvres et de celle des riches. Il vaut la peine de s’arrêter pour les écouter

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24 juillet 2017

Naissance du christianisme (du Ier au IVe siècle)

"Le beau Dieu" de la Cathédrale d'Amiens
A l'intérieur de [l’] Empire romain, mais indépendamment de lui et malgré lui, au temps des premiers empereurs est né, au Proche-Orient, le christianisme.
Ce fut un événement spirituel de dimension universelle, comme les Upanishads et la Bhagavad Gita, comme le Zend-Avesta ou le taoïsme, comme le message des grands prophètes d'Israël et de Bouddha, comme, plus tard, celui des soufis de l'islam.
A u centre de l'enseignement de Jésus était l'annonce du Royaume, non pas au sens historique du messianisme juif, mais, comme dans toutes les grandes visions de l'Orient, le monde d'un éveil de l'homme qui, se dépouillant des limites de son moi individuel,
est transformé à l'intérieur et à l'extérieur.
L'essentiel de cet enseignement, c'est qu'il donnait un visage à l'espérance des hommes : celui de Jésus-Christ, témoignant par sa vie, sa mort, et sa résurrection, qu'il était fils de Dieu. Il révélait ce qu'était pour l'homme «être avec Dieu», par la rencontre du Dieu
qui vient et de l'homme qui va vers lui par la foi. Il apportait une nouvelle manière de vivre la liberté : non  plus connaissance de la nécessité, comme chez les philosophes grecs, mais participation à l'acte continué de la création.
Il apportait une nouvelle manière de vivre l'amour : non plus l’ eros platonicien qui est amour de l'amour, mais l'amour absolu de l'autre.
Il annonçait une radicale inversion de toutes les valeurs gréco-romaines en identifiant Dieu non pas avec la toute puissance de l'empereur romain, mais avec le Crucifié.

Cette foi nouvelle se répandit d'abord à Antioche et à Alexandrie, c'est-à-dire en Asie et en Afrique. Déjà récupérée par u n messianisme juif partiellement modifié, lorsqu'elle atteignit la Grèce et Rome, c'est-à-dire l'Europe, elle fut annexée d'abord par la
philosophie grecque, de Clément d'Alexandrie à saint Augustin.
Puis, quand elle gagna, tel un incendie, les peuples courbés sous le joug romain, quand les faibles devinrent ainsi une force, Constantin, l'empereur de Rome, se servant de cette force, se proclama converti au christianisme, tout en demeurant, jusqu'à sa mort, adorateur du soleil et Pontifex maximus du paganisme.
Il transforma la foi en un Christ qui se révélait dans la misère de la Croix en l'Eglise d ' un Dieu tout puissant, garant des hiérarchies humaines. Le temps n'est pas loin où le Christ apparaîtra, dans une mosaïque, sous l'uniforme d'un général byzantin. Les
persécutions contre le christianisme n'avaient pas réussi à le détruire. Sa transformation en religion d'Etat y parvint, en le pervertissant par le rationalisme grec et l'organisation romaine. C'est la grande défaite historique de l'espérance chrétienne, intégrée pour des siècles au projet prométhéen de l'Occident et de ses maîtres.


Roger Garaudy
Comment l’homme devint humain
Pages 120 à125

22 juillet 2017

Grèce. La cité, l'individualisme et la raison

Suite des extraits de « Comment l’homme devint humain »

Le grand commerce maritime réduisant de plus en
plus l'importance de l'ancienne aristocratie foncière et
de la tradition, le régime politique de ces cités
marchandes était en général dominé pat les armateurs
et les négociants, les travaux agricoles étant accomplis
par des esclaves. A Athènes, au sommet de sa grandeur,
l ' on comptait 40 000 citoyens libres, et 110 000 esclaves
privés de tout droit.
Ces oligarchies esclavagistes s'appelaient étrangement
"démocraties".

Cette « démocratie » joue donc pour une minorité,
jalouse de son privilège héréditaire de «citoyen»
(Périclès fit voter une loi restreignant le droit de cité
aux Athéniens nés de père et de mère athéniens). A
l'intérieur de cette « élite » joue le jeu « démocratique »
dans lequel la manipulation de l'opinion par la parole
est la clé du pouvoir. De là l'importance du rôle des
professionnels de cette manipulation: les « sophistes »
inventeurs de la rhétorique, qui se font payer leurs
leçons pour préparer les orateurs politiques.

Ces cités grecques furent le creuset où s'élabora la
«culture occidentale».
Dans cette économie marchande où ne règne plus
l'aristocratie du sang et de la tradition, le nouveau riche
ou le nouveau dirigeant a le sentiment de s'être fait luimême.
De là naquit l'exaltation de l'individualisme prométhéen.
Le mythe de Prométhée est l'un des thèmes favoris
des sophistes : « Si tu es en mesure de nous démontrer
que le mérite est une chose qui s'enseigne, donne-nous
cette démonstration », dit Socrate au sophiste Protagoras.
Le sophiste répond en racontant le mythe de
Prométhée : son frère Epiméthée a donné à tous les
animaux les moyens de survivre ; aux uns la force, aux
autres l a vitesse pour leur échapper. Pour l'homme,
c'est Prométhée q u i intervient : « Seul l'homme était
nu [...] alors Prométhée déroba le feu et l'habileté
industrielle des dieux [...] et même l'art de vivre dans les
cités [...]. Par ce larcin l'homme acquit le moyen de
vivre. » (Platon, Protagoras.)
Désormais, à la différence de toutes les cultures des
autres continents, l'homme ne concevra plus d'autres
rapports avec la nature que des rapports de domination,
et ne cessera plus d'aspirer à s'approprier la toute puissance
des dieux.

Alors commence la première sécession de l'Occident:
l'homme occidental est séparé de la nature et
mutilé de sa dimension divine. De cet homme, la
destinée a été définie par les sophistes : « Avoir les désirs
les plus forts possibles et trouver les moyens de les
satisfaire. » Ce qui, aujourd'hui encore, est la l o i de
notre conception occidentale de la croissance.
Désormais la raison critique l'emporte en Occident,
depuis Socrate, sur toutes les autres dimensions
de l'homme.
La philosophie ne médite plus sur les choses
comme le faisaient encore les « physiciens » de l'Ionie,
mais sur l'opinion des hommes sur les choses. La
philosophie occidentale (à la différence de toutes les
sagesses du monde) est exclusivement affaire de
l'intelligence et non mouvement de l'homme tout
entier : tout ce qui ne peut pas se ramener au concept
n'a pas d'existence.
Chez les sophistes, pour qui l'homme, comme
individu, «est la mesure de toutes choses», l'essentiel
est la négation de tout absolu, de tout « être en soi », le
scepticisme radical.
Chez Platon subsiste encore le frémissement des
« religions à mystères » inspirées de l'Asie, celui du
« démon » de Socrate, celui de l'amour (clans les
dialogues du Banquet et du Phèdre) nous conduisant
au-delà des « idées ».
Mais, à partir d'Aristote, la plus sèche raison
prétend enclore le monde entier dans le réseau abstrait
de ses classifications hiérarchisées et de sa logique
abstraite.

L'art grec à son apogée, au Ve siècle avant Jésus-
Christ, exprime cette vision du monde, rationaliste et
anthropomorphique, en architecture comme en
sculpture.
Tout ce qui est au-delà de la raison, dans la poésie
ou l'amour, s'exprime dans la plus belle création du
génie grec : la tragédie, notamment chez Eschyle et
Sophocle.
Mais déjà, avec Euripide, apparaît l'ironie à
l'égard de l'ivresse dionysiaque et de la ferveur
religieuse.
Les dieux grecs ne sont que des hommes plus
beaux et plus forts, et c'est seulement dans les religions
à mystères, dans les religions de salut venues de
l'Orient, que subsiste une ouverture sur le divin
véritable avec: les mystères d'Eleusis et le culte de
Dionysos, proche du Shiva indien.

Roger Garaudy

Suite des extraits de « Comment l’homme devint humain »
Pages 106 à 116 

21 juillet 2017

Le 23 septembre, pour la Paix

Le texte de l’Appel national signé par 115 organisations :


Partout en France le samedi 23 septembre 2017, marchons ensemble pour un monde de solidarité, de justice, de liberté, d’égalité, de fraternité et de Paix !

En marche pour la paix – Stop la guerre – Stop les violences

L’aspiration des peuples à vivre ensemble en paix dans la solidarité, la justice et la fraternité est immense.
Nous sommes persuadés qu’aucune de nos différences de convictions, d’appartenance ou de sensibilités philosophiques, politiques, religieuses, syndicales ou autres ne doit faire obstacle à l’expression de cette aspiration commune.
Nous sommes révoltés face à l’augmentation incessante des dépenses militaires qui sont passées de 1.144 milliards de dollars en 2001 à 1773 milliards en 2015 (Sipri en USD taux de change 2014) et favorisent un commerce des armes immoral et dangereux, alors que le budget des Nations Unies pour les opérations de paix est de seulement 8,7 milliards et que la lutte contre le réchauffement climatique nécessite des moyens importants tout comme la réalisation des Objectifs du Développement Durable (ODD).

Au titre d’une association (nationale, régionale, départementale ou locale)

A titre individuel

20 juillet 2017

L'Afrique est bien entrée dans l'histoire !

La civilisation de Nok



A partir de 500 avant Jésus-Christ, et jusqu'à 200 après, se situe, en Afrique, au centre du Nigeria, une civilisation, celle de Nok, qui est contemporaine de l'Age du fer (plusieurs fourneaux de fonte y ont été découverts).
L'art de cette civilisation témoigne, chez les sculpteurs qui en ont modelé les statues en terre cuite, d'un sens aigu du traitement de l'espace : le visage (et souvent le corps) sont construits à partir de sphères, de cônes, de cylindres, de pyramides, savamment articulés.
Il semble y avoir là la souche commune de presque tous les arts ultérieurs de l'Afrique Occidentale : non seulement du naturalisme stylisé des bronzes d'Ifé (quinze siècles plus tard), mais aussi des arts de la Côte d'Ivoire, Dan en particulier, et de la Guinée.
Mais, ajoute Bernard Fagg, qui découvrit, en 1943, ces statues Nok, « il est douteux que nous ayons trouvé le millième de l'art ancien de l'Afrique, qui reste toujours caché dans les profondeurs de son sol ».


Roger GARAUDY
Comment l’homme devint humain (extrait)
Pages 94-95

19 juillet 2017

L’ Amérique: la civilisation des Olmèques et de Chavin

COMMENT L'HOMME DEVINT HUMAIN (EXTRAIT) - SUITE


Au sud du golfe du Mexique, à San Lorenzo et à la Venta, apparaissaient les vestiges d'une civilisation puissante entre l'an mille avant l'ère chrétienne et le début de cette ère :  celle que ses découvreurs ont appelée « Olmèque ».

A côté de grands ensembles architecturaux, les  vestiges les plus surprenants sont ceux de gigantesques têtes humaines, dont certaines atteignent cinq mètres de hauteur et pèsent cinquante tonnes. Elles ont été sculptées dans un basalte dont la carrière est à plus de cent kilomètres du site, ce qui suppose une organisation politique et sociale très forte et une technique avancée pour effectuer de tels transports.
La beauté de ces sculptures n'a jamais été dépassée par les civilisations ultérieures des Amériques. Ces visages massifs de guerriers casqués, à la bouche stylisée ressemblant à celle du jaguar, est caractéristique du style olmèque dont le thème favori, religieux
sans doute, est celui de l'homme-jaguar.

Contemporaine de celle des Olmèques, la civilisation de Chavin au Pérou (900 à 200 avant Jésus-Christ) a révélé une architecture massive : une citadelle — ou un temple — de soixante-quinze mètres de front, à trois étages de pierre avec des sculptures intégrées à l'ensemble, et un travail remarquable des métaux, notamment de l'or.
Des analogies saisissantes existent entre la décoration de certains de ses vases de pierre et celle des vases de la Chine des Chang, ce q u i incline à penser qu'il y eut une origine commune aux deux arts (du fait du peuplement de l'Amérique par des migrants venus de
Mongolie).
La civilisation de Chavin, fondée, comme celle des Olmèques, sur la culture du maïs (ainsi que de la pomme de terre) et ayant la maîtrise de la métallurgie, a essaimé, elle aussi, sur une aire géographique très vaste, ce qui permet d'inférer l'existence d'un grand empire.

Roger Garaudy
Comment l’homme devint humain, pages 90 à 93

Illustration : Plaque en or repoussé, figurant un félin anthropomorphe à coiffe de serpent. Entre 1000 et 700 av. J . - C . Le mystère de la décoration, en forme d'arbre stylisé, est caractéristique de l'art de Chavin. (Musée Guggenheim, New York.)