Dans « Le Milieu Divin », écrit en 1926 et publié 30 ans plus tard, Teilhard s’intéresse uniquement à la foi, c’est-à-dire à la nature, à la forme et à l’étendue du lien que chaque homme tisse, ou en tout cas a la possibilité s’il le décide de tisser, avec Dieu.
Une certaine théologie et la métaphysique avaient fait de Dieu un « objet de la raison » et l’avaient fait disparaître comme « objet d’amour » (Marie-Frédérique Bredin, Universitaire lyonnaise). Teilhard lui restitue cette qualité, et plus encore : Dieu est pour lui non seulement « objet d’amour » mais centre producteur d’amour rayonnant sur et en toutes choses.
Un des fondateurs de la sociologie, Emile Durkheim, avait montré que toutes les religions cherchent à délimiter aussi précisément que possible la sphère du sacré et celle du profane. Pour Teilhard, ces sphères se confondent : « rien n’est profane ici-bas » (p 47), le « Milieu Divin » c’est « Dieu présent en toutes choses » (Jean Onimus, « Teilhard et le mystère de la Terre ») : les bonnes mais aussi les mauvaises, les choses du Monde comme celles de l’esprit, les choses initiées par les hommes (les « activités ») aussi bien que les choses subies par eux (les « passivités »). Ces dernières bien plus nombreuses et variées que les premières : nous sommes « agis » bien plus que nous agissons, « je me reçois bien plus que je ne me fais »(p 66).
Les choses ne sont pas divines en elles-mêmes, mais Dieu agit à l’intérieur et à travers elles. Il les fait évoluer, il les transforme. Il agit aussi en l’homme et à travers lui, car l’homme transforme les choses et se transforme lui-même. Le panthéisme de Teilhard, si panthéisme il y a, est un panthéisme d’action, de mouvement, d’évolution, de transformation.
Le milieu divin, c’est-à-dire l’espace de ma vie où je peux, si je le veux, sentir « le béni contact des mains divines, la bénie influence de la Volonté Divine » (p 74) ce n’est donc pas un ciel inatteignable, un futur aléatoire, c’est ici et maintenant. Ce n’est pas non plus le désespoir d’une fausse résignation, c’est « la résistance au mal » (p 87), car la souffrance ne conduit pas nécessairement à Dieu. Comme chez St Paul, « la Croix mais pas le chemin de Croix » (Alain Badiou. « Saint Paul, la fondation de l’universalisme ») ! Et lorsque la résistance devient impossible, sublimation !, sublimation que Teilhard nomme étrangement « communion de résignation » (p 89).
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Alain Raynaud
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