- Dans un pays démocratique, il ne peut y avoir de vérité historique officielle.
- Le prestigieux collectif d'historiens, qui refuse toute définition de l'Histoire par la loi, par les "politiques", et par l'Etat, dénonce le texte voté par l'Assemblée Nationale sur le génocide arménien, et la responsabilité de la Turquie. - Comme il avait refusé, auparavant, le principe même de la "loi Gayssot", et tous les textes de la même eau.
L'association "Liberté pour l'Histoire" proteste contre le vote d'une proposition de loi qui vise à réprimer la négation du génocide arménien, en accusant l'Assemblée nationale de vouloir "soumettre la recherche et les enseignants" aux "vérités officielles qu'elle édicte".
"Si profond que soit le sentiment de solidarité que nous éprouvons pour les victimes de l'histoire", souligne l'association, "nous élevons une protestation solennelle: cette nouvelle loi s'inscrit dans un mouvement rapide d'appropriation de l'histoire par des mémoires particulières et de recul des libertés démocratiques".
"Si le Sénat devait confirmer le vote de l'Assemblée, nous demanderions au président de la République de saisir le Conseil constitutionnel (...) pour qu'il annule la loi du 29 janvier 2001, modifiée par la loi adoptée le 12 octobre 2006 par l'Assemblée nationale".
"La France est engagée dans un processus accéléré de lois établissant des vérités d'Etat sur le passé", déplore l'association. "Alors même que le président de la République a déclaré que "ce n'est pas au Parlement d'écrire l'histoire", le vote d'une nouvelle loi sur le génocide arménien constitue une véritable provocation".
"En repoussant un amendement qui visait au moins à préserver de la censure et de la répression la recherche universitaire et scientifique, l'Assemblée nationale vient d'ôter le masque: ce ne sont pas d'éventuels "troubles à l'ordre public" qu'elle entend empêcher par ces lois, c'est bien la recherche universitaire et tous les enseignants qu'elle veut (...) soumettre aux vérités officielles qu'elle édicte", affirment les signataires.
L'association regroupe quelque 600 historiens et enseignants, dont les plus réputés, les plus intègres: Mona Ozouf, Pierre Nora ou Jean-Pierre Azéma, par exemple. Elle est née d'une pétition, "Liberté pour l'histoire!", lancée en décembre 2005, par de très nombreux universitaires se rebellant contre "les interventions politiques de plus en plus fréquentes dans l'appréciation des événements du passé "
Liberté pour l'histoire" : libertepourlhistoire@wanadoo.fr
Rappel de LA NAISSANCE DE "LIBERTE POUR L'HISTOIRE"
" C'est dans une atmosphère surréaliste que l'appel "Liberté pour l'histoire ", publié hier mardi 13 décembre, a été mis en page à Libération. Dans des locaux... en grande partie occupés par les salariés en lutte, Serge July, traînant en soufflant sa volumineuse carcasse et ses rictus d'orgueil bouffi à la Daumier pour arracher les affichettes de la colère, a dû se résoudre à trôner au Comité de rédaction... sous une banderole du Comité d'Entreprise demandant ouvertement sa tête! : " Externalisons...La direction! "Libération n'en a pas moins publié " Liberté pour l'histoire ".
Cet appel des historiens, qui est un grand texte, fera date aussi sur le fond.
Il met fin, de façon radicale, à la douteuse " Opération Repentance ", visant à asservir l'histoire aux objectifs à court terme des réseaux d'influence pro-Israéliens dans l'intelligentsia française. Ou ce qu'il en reste...
Mais lisons le document lui-même:
" Emus par les interventions politiques de plus en plus fréquentes dans l'appréciation des événements du passé et par les procédures judiciaires touchant des historiens et des penseurs, nous tenons à rappeler les principes suivants :
- L'histoire n'est pas une religion. L'historien n'accepte aucun dogme, ne respecte aucun interdit, ne connaît pas de tabous. Il peut être dérangeant.
- L'histoire n'est pas la morale. L'historien n'a pas pour rôle d'exalter ou de condamner, il explique.
- L'histoire n'est pas l'esclave de l'actualité. L'historien ne plaque pas sur le passé des schémas idéologiques contemporains et n'introduit pas dans les événements d'autrefois la sensibilité d'aujourd'hui
- L'histoire n'est pas la mémoire. L'historien, dans une démarche scientifique, recueille les souvenirs des hommes, les compare entre eux, les confronte aux documents, aux objets, aux traces, et établit les faits. L'histoire tient compte de la mémoire, elle ne s'y réduit pas.
-L'histoire n'est pas un objet juridique. Dans un Etat libre, il n'appartient ni au Parlement ni à l'autorité judiciaire de définir la vérité historique. La politique de l'Etat, même animée des meilleures intentions, n'est pas la politique de l'histoire.
C'est en violation de ces principes que des articles de lois successives - notamment lois du 13 juillet 1990, du 29 janvier 2001, du 21 mai 2001, du 23 février 2005 - ont restreint la liberté de l'historien, lui ont dit, sous peine de sanctions, ce qu'il doit chercher et ce qu'il doit trouver, lui ont prescrit des méthodes et posé des limites.
Nous demandons l'abrogation de ces dispositions législatives indignes d'un régime démocratique."
Jean-Pierre Azéma, Elisabeth Badinter, Jean-Jacques Becker, Françoise Chandernagor, Alain Decaux, Marc Ferro, Jacques Julliard, Jean Leclant, Pierre Milza, Pierre Nora, Mona Ozouf, Jean-Claude Perrot, Antoine Prost, René Rémond, Maurice Vaïsse, Jean-Pierre Vernant, Paul Veyne, Pierre Vidal-Naquet et Michel Winock. " (Plus de 700 historiens professionnels se sont joints, depuis, à cet appel.
- Rappelons que, parmi les grands esprits injustement voués aux gémonies, et condamnés en justice, auquel fait pudiquement allusion ce texte, se trouve l' intellectuel français Roger Garaudy, chrétien communiste converti à l'Islam...Au cours de son procès - indigne...- Maître Jacques Vergès, l'avocat qu'il avait désigné pour moucher Goldnadel l'extrémiste franco-israélien, son adversaire, avait dénoncé, avec une juste violence, le caractère "raciste" de la loi Gayssot, qui sanctionnait le travail d'investigation critique sur la Shoah -mais ne sanctionnait que la négation de ce génocide-là, et pas celle des autres, sur d'autres continents que l'Europe (Arméniens, Afrique, etc).
Votée dans l'atmosphère d'hystérie créée par la classe mediatico-politique toute entière après l'obscure profanation antisémite du cimetière de Carpentras - on sait aujourd'hui que les skin-heads décatis, auteurs de cet acte immonde, étaient en fait très proches des RG de François Mitterrand, connu, depuis l'affaire de l'Observatoire (au moins), pour sa propension aux opérations douteuses...-, la loi Gayssot allait avoir des effets en chaîne. Tous aussi pervers les uns que les autres...Elle offrait un terrain de jeu merveilleux aux révisionnistes" et aux " négationnistes " de tout poil, aux faussaires de l'histoire, manipulés par les sectes néo-nazies, elles-mêmes sous le contrôle étroit des divers services de renseignement intéressés à l'affaire. Elle mettait en difficulté, au passage, ceux qui, tout en se situant résolument dans la tradition démocratique de la Résistance française anti-nazie, de la France Libre, et tout en voyant parfaitement clair dans le jeu de ces gens-là, de leurs inspirateurs, financiers et complices, refusaient d'avaliser une loi contre l'histoire, contre la liberté de pensée, contre la culture. Contre tout ce qui a fait la France...Et s'indignaient de la condamnation d'un penseur aussi intègre et prestigieux que Garaudy...
Autre effet pervers, mais qui à la toute-fin des fins, se retourne contre l' " Opération Repentance", et contre la loi elle-même, l'indéfendable "loi Gayssot" allait susciter l'émulation, puis l'escalade, dans le "Repentir", et la " guerre des mémoires ". Chacun se battant alors, évidemment, pour exiger " sa loi ", tout en s'inscrivant, sans s'en apercevoir, ou sans rien y pouvoir, dans la mortifère confusion entre Mémoire et Histoire, et tout en rentrant, avant l'heure, (" auto-punir la France"), dans un schema de flagellation masochiste du pays par lui-même. Dans une spirale sans fin de démoralisation de la nation. Dernier exemple marquant: l'anniversaire de la mort de Ben Barka, où tous les coups de fouet des esclaves débiles du "politiquement correct" ont été distribués à la France de l'époque, la France tiers-mondiste, indépendante et amie des peuples arabes du général De Gaulle - le tout, exactement dans la lignée de ce qu'avaient voulu et programmé, à l'époque, les véritables inspirateurs de la liquidation de Ben Barka, les maîtres d'Oufkir, les Israéliens du Mossad, dirigés par le fameux Tordjman, qui visaient autant à compromettre la France gaulliste, devenue leur adversaire et leur cible prioritaire, qu'à liquider un adversaire dangereux...
Une page se tourne donc. Fin de la flagellation... Fin des coups de fouet...Fin du délire maso. Merci, tout particulièrement, à Azema, Elisabeth Badinter, et Vidal-Naquet, sans lesquels ce coup de tonnerre n'aurait pas eu, dans le ciel de nos idées, le retentissement qu'il mérite...Signons, signons et re-signons. Qu'on en finisse!"
(Article publié sur le "blog" Imbongi, 14 décembre 2005)
«il n'y a pas une communauté dans laquelle ne soit pas apparu un prophète pour la mettre en garde et la guider »