Yacob Mahi |
Serge Van Cutsem se présente
comme un fils de résistant et de déporté. C'est notamment à ce titre
qu'il dépose plainte contre le controversé professeur de religion
islamique Yacob Mahi. L'enseignant a récemment défrayé la chronique à
l'occasion du passage à tabac d'un élève de l'athénée Léonardo Da Vinci à
Anderlecht. Une agression liée à l'attentat contre Charlie Hebdo selon
l'adolescent, qui affirme avoir refusé de signer une pétition contre son
professeur d'histoire après que celui-ci a défendu la liberté
d'expression et condamné l'attentat contre le journal satirique
français. Une pétition qui aurait été initiée ou suggérée par le
professeur de religion islamique Yacob Mahi, selon certaines sources, ce
que l'enseignant conteste farouchement. Pour se défendre, Yacob Mahi a adressé aux médias une lettre ouverte [a lire aussi ci-dessous, NDLR] dans laquelle il se réfère à Roger
Garaudy, qu'il qualifie de "maître à penser". Philosophe français, mort
en 2012, ancien communiste, Roger Garaudy a été condamné par la justice
de son pays pour avoir nié la réalité de la Shoah pendant la seconde
guerre mondiale dans un ouvrage intitulé "Les mythes fondateurs de la
politique israélienne", paru en 1995.
Pour Serge Van Cutsem, en se référant explicitement à un auteur condamné pour négationnisme, Yacob Mahi se rendrait lui aussi coupable du délit de négation des crimes nazis sur le peuple juif pendant la seconde guerre mondiale. Plainte juridiquement fondée ou amalgame destiné à jeter un peu plus d'huile sur le feu? La justice tranchera. Peut-être.
P. Carlot
RTBF
Pour Serge Van Cutsem, en se référant explicitement à un auteur condamné pour négationnisme, Yacob Mahi se rendrait lui aussi coupable du délit de négation des crimes nazis sur le peuple juif pendant la seconde guerre mondiale. Plainte juridiquement fondée ou amalgame destiné à jeter un peu plus d'huile sur le feu? La justice tranchera. Peut-être.
P. Carlot
RTBF
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Lettre ouverte de Yacob MAHI face aux accusations
mensongères d’adultes ingrats, irresponsables et utilitaristes, relayés dans
les médias
Bruxelles, le 4 février 2014 –
le 14 rabie II, 1436
Les média, l’antichambre
qui pénalise et marginalise
Assailli d’appels téléphoniques
de la part de journalistes, depuis 2 jours, me demandant de réagir face aux
mensonges colportés et aux manipulations engagées par des adultes
irresponsables qui, malheureusement sont amenés à façonnés l’avenir
intellectuels de nos jeunes concitoyens belges, et qui le pervertissent plus
qu’autre chose, je prends la peine de répondre aux accusations de ces êtres
malhonnêtes.
Les média ne disposent que
d’arguments relatés par des rumeurs entretenues et des interprétations erronées
et orientées idéologiquement, qui sont de la désinformation nourrie par des
préjugés. Je les invite à s’interroger sur les fondements de certaines des
analyses et sur leur capacité à interpréter les faits et à prendre le recul
nécessaire.
Par les déclarations
populistes, électoralistes, politiciennes de certains acteurs et politiciens,
l’on surfe sur un scénario où l’on donne l’impression de vouloir épargner la
société d’un islamisme grimpant, et on entretient ainsi la logique de la peur,
pour stigmatiser une communauté de foi. J’ose espérer que les média ne
souhaitent pas accroître l’exaspération et la radicalisation des jeunes
citoyens belges musulmans. Toute forme de marginalisation, sur la base
d’informations mensongères et d’analyses inadéquates, dessert les devenir d’un
islam enraciné en Belgique.
Enseignant depuis de nombreuses
années, n’ayant aucun reproche de la part des responsables, de parents ou de
collègues, sur la qualité de mon travail, j’ai bénéficié durant tout ce temps
de la considération de leur part face à ma disposition à dialoguer avec autrui,
en ne manquant jamais de faire mon autocritique. Mon souci de voir respecter
des valeurs que l’enseignant a pour mission de défendre et de transmettre est
toujours exprimé dans l’autocritique de ma personne et jamais comme une pensée
unique s’érigeant en vérité absolue à être vénérée par tous.
Il n’y a, sans aucun doute, de
la manipulation dans l’air de la part d’acteurs adultes qui ont menés à des
mensonges exprimés par un jeune agressé. Jamais il n’a été question d’une
pétition, ni même d’un renvoi d’un enseignant. Jamais il n’y a eu de bagarre
entre jeunes pour la question de Charlie Hebdo, mais il n’y a eu que de la
volonté mensongère pour lancer le discrédit sur une personne qui a le souci
d’écoute attentive et citoyenne avec des jeunes qui l’interpellent. Pour se
faire, il semble avoir eu de la manipulation des esprits via des réseaux
sociaux, et de la pression sur des victimes afin d’orienter leurs propos et de
vendre leur dignité.
J’ai dénoncé les exactions
faites au nom de l’islam contre Charlie Hebdo, j’ai dénoncé l’appel à une loi
contre le blasphème, et je dis que je ne suis « ni Charlie, ni juif, ni flic »,
je rajoutais que je ne me prononçais pas en tant que musulman pour désapprouver
les crimes mais que je suis la conscience éveillée de l’opprimée et que je suis
« la liberté ». Toute dérision qui ne prend pas en compte les sensibilités et
les règles de civilités, et qui a pour objet de froisser quiconque en le
tournant à la dérision, dans le seul souci de jouir du droit, sans construire
avec celui-ci un message éducatif et pédagogiquement accepté, fait de la
liberté d’expression un abus.
Il va de soi que les étudiants
ont le droit d’être respectés dans leur identité, et qu’ils n’ont pas à être
froissés, ou agressés par des points de vue qui porteraient atteintes à la
nécessaire neutralité dans l’enseignement. Légaliste dans mon emploi, oui je le
suis ! Quand je suis interpellé pour des propos déplacés, racistes,
islamophobes, ou encore sexistes, je mène les jeunes à agir en tant que citoyen
par le biais du dialogue avec la personne concernée, en vue de clarifiée les
choses, ensuite je les conseille en vue de recourir à une médiation entreprise
par qui de droit, pour enfin aboutir, en cas de conflit permanent à interpeler
les pouvoirs compétents au sein de l’institution scolaire. Telle est ma
démarche de citoyen belge musulman. Il va de soi que quand une personne se sent
stigmatisée et qu’elle est victime d’agression langagière ou de racisme, je ne
peux que l’orienter vers le droit le plus strict de
tout
citoyen, à savoir entreprendre une démarche légale et interpellé les services
d’aides aux victimes si nécessaire. Je tente ainsi d’offrir la possibilité
d’acquérir les outils indispensables à l’émancipation citoyenne des jeunes
générations.
La société civile n’a pas à
devenir un lieu où les identités doivent se nier afin de faire partie de la
cité. Dans mon engagement de citoyen spirituel, animée par une foi vécue qui
devient militante, et ayant le souci d’un engagement responsable façonnée par
le cheminement de ma foi, je considère que ma manière de vivre ma spiritualité
et de l’exprimer m’offre une expérience existentielle qui oeuvre dans le sens
d’une vision sociétale de respect des différences, et non pas d’un laïcisme
absolutiste, qui devrait s’ériger en nouveau credo idéologique à confesser. Je
tente de réaliser ma foi dans son esprit humaniste et universel au-delà de sa
littéralité. Cela fait partie intégrante de ma lutte incessante en vue d’un art
pluriel de vivre et du construire ensemble.
La vision impériale des médias
et des lobbys de la pensée unique plaide pour la soumission de l’esprit à une
garde prétorienne, par qui la liberté d’expression subirait de la censure.
Lancer le discrédit sur une personne, par le biais de propos « policiers »,
dans les termes de certains milieux radicaux extrémistes laïcistes et
sionistes, ainsi que par des politiciens démagogues, relayés par les médias,
n’est rien d’autres que de la stigmatisation et de la dictature intellectuelle.
La catégorisation médiatique entreprise actuellement à l’encontre de ma
personne est une sorte de justification idéologique par laquelle un populisme
s’érige en doctrine, pour tenter de me dicter une islamité juste. Chérissant le
refus de toute ingérence et étatisation du champ religieux, je refuse le culte
du tabou de pensée différemment du politiquement correct. Certes, ma voix
restera sonore et énergique.
Oui, j’ai dit dans les médias
que l’islam considère l’homosexualité comme contre nature, et je n’ai jamais
stigmatisé un homosexuel, ni même juger ou condamner sa personne. J’ai le
droit, au nom de la liberté d’expression de considérer que son acte me pose un
souci. Le théologien que je suis analyse les textes et par le biais d’une
lecture allégorique, je donne du sens à mon point de vue. Quand je dis que les
jeunes partis en Syrie ne posent aucun problème d’intégration dans notre pays,
c’est exact. Ils sont de bons vivants belges et surtout beaucoup sont de brillants
élèves. La vraie question est celle de savoir pourquoi nos autorités
judiciaires ont laissé aller les citoyens belges vers la mort. Ils sont
manipulés par une aspiration héroïque, alors que pour eux ils justifient leur
combat comme une résistance par laquelle ils aspirent à Dieu. Avons-nous tenté
de comprendre pour y remédier ? Ces jeunes sont embrigadés par les escadrons de
la mort soutenus par les USA, les pétromonarchies et Israël qui commettent des
exactions, en Irak, en Syrie ou encore les crimes de guerre et le génocide
commis contre le peuple Palestinien, par le procureur du terrorisme
international, le gouvernement israélien. Oui ! Il est temps de démasquer le
silence de ceux qui me critiquent et qui ne dénoncent pas le départ de citoyens
belges vers la Palestine pour servir Tsahal en commettant le crime de la
colonisation, et de l’épuration ethnique contre les civils Palestiniens. Cela
ne les gêne pas quand notre Etat s’incline devant le totalitarisme des
pétromonarchies qui tuent en Syrie, et qui ne respectent aucun des droits
élémentaires humains, et avec lesquels il traite. Oui ! j’ai soutenu la liberté
d’expression d’un orateur étranger, contre la censure de la parole, au nom du
droit garanti par la constitution. Ai-je péché quand je cite un auteur, non pas
dans ses excès éventuels, mais dans sa pensée élaborée même si je ne pense pas
comme lui ? Citer Roger Garaudy (1913-2012), irrite. Philosophe de renommée
mondiale, il n’a cessé de dénoncer des pensées uniques, et il était
constructeur du dialogue des civilisations. Citer sa philosophie et ses idées,
tout en convoquant l’esprit critique, n’est-ce pas là une des valeurs
fondamentales qui sous-tendent notre société ? Ou alors on préfère la censure
et le discrédit car on est incapable de répondre objectivement à ses idées, et
on évite ainsi le débat ? Faudrait-il interdire la lecture de tout ce qui ne va
pas dans le sens d’une idée sacralisée en pensée unique ? Honte à ceux qui
soldent ainsi leur dignité.
Vous pensez donner de la
légitimité à votre langage, par une rhétorique labellisé d’une prétention
universaliste. Sur un plan sémantique, la catégorisation dramatise la réalité
en normalisant des propos stéréotypés ainsi que des contrevérités. Notre
société n’est pas un sanctuaire fermé sur des dogmes exclusivistes, qui
imposeraient de confesser un nouveau credo idéologique. Pourquoi la parole d’un
humaniste musulman, fait-elle donc tant peur ? Etre autonome, sujet de son
histoire, acteur de la cité, capable de s’exprimer de façon audible, de prendre
une position critique et une décision circonstanciée sur les questions de
société, tel est le souci d’un citoyen qui ne met pas sa foi en veilleuse.
Toute
caricature faite à mon égard ressort d’une volonté obsessionnelle de diaboliser
l’homme en portant atteinte à mon honneur. De même que toute lecture sélective
et catégorisation insidieuse de mes propos sortis de leur contexte, viole ma
pensée. Je plains la superficialité des êtres touchés d’une double surdité et
d’une incapacité à analyser avec lucidité mes propos, pour devoir recourir à
des propos diffamatoires, ce qui plonge le dialogue dans l’impasse.
Enfin, avec mon maître
spirituel l’imam Sadek Charaf (1936-1993), sainteté sur son âme, je proclame
que « le dialogue n’est pas l’extinction de soi en l’autre, mais une
construction perpétuelle de soi avec l’autre ». Evitons alors, une société
tournée vers l’exclusion, et qui renforce un communautarisme destructeur de
l’altérité culturelle. L’espace publique est un lieu de construction d’une
raison collective, il est important de sauvegarder une pluralité de référence
identificatoire liée au contexte et à notre histoire. Là, il sera donné alors,
à notre société de vivre la diversité de ses mémoires. Je revendique à la
manière de mon maître à penser Roger Garaudy (1913-2012), paix sur son âme, « une
résistance qui serait un souffle nouveau, pour participer à un avenir qui ne
serait pas le simple prolongement du passé, mais l’action incessamment
créatrice du futur, qui a déjà commencé », Inshâ Allâh !
Yacob MAHI
Théologien, Islamologue,
Dr en Histoire et Sciences de religions