08 septembre 2014

Modernité et Islam


Réflexion sur une Modernité Islamique qui pourrait suppléer à la Modernité occidentale en déclin

Je compte partager avec vous la réflexion sur le contenu de cette importante conférence sur «Modernité et Islam» du Pr. ROGER GARAUDY [séminaire de janvier 1995 sur "L'islam, la modernité et l'islamisme" à Bruxelles,  NDLR]et que j’ai pris le soin de transcrire intégralement. La pertinence des arguments et la teneur de haute facture des idées développées trouvent encore aujourd’hui toute leur actualité.


En résumé, ROGER GARAUDY y explique comment l’Islam, en retrouvant ses lettres de noblesse qui lui avaient valu de servir de référence et de lanterne du monde au plus profond de l’époque médiévale, peut offrir au monde une modernité à la place de celle d’un Occident en déclin. Il y revient sur la controverse en Occident et sur la mauvaise compréhension de certains musulmans, autour de la notion de Chari’a, et la tendance à la confondre avec le Fiqh. Beaucoup d’autres aspects philosophiques, économiques, meublent cette belle conférence où GARAUDY étale avec élégance, sa dimension universelle et sa grande foi de musulman engagé.

I-Modernité Occidentale
«La modernité dans la perception de la culture universelle et plurielle, et pas seulement dans la perception européenne et linéaire, est à la fois une forme de culture et une forme de vie. La culture n’est rien d’autre que l’ensemble des rapports qu’une société ou un individu entretient avec la Nature, les autres hommes et avec Dieu. De ce point de vue, il serait historiquement utile d’examiner ce qui est considéré comme modernité et civilisation par rapport à la barbarie.
Nous nous en tiendrons à l’analyse de la modernité à l’occidentale et la possibilité pour le monde musulman de créer une véritable et réelle modernité. Nous retiendrons pour cette analyse trois postulats. Un, le postulat de DESCARTES qui exhorte l’homme à se rendre maître et possesseur de la Nature. Deux, le postulat du philosophe anglais HOBBES qui disait que l’homme est un loup pour l’homme. Trois, le postulat de FAUST qui soutient que l’homme peut devenir tout puissant pour régir le monde à la place de Dieu.
Après cinq siècles d’hégémonie sans partage, cette culture occidentale a atteint des résultats opposés à ceux que ces postulats avaient fixés. Au lieu d’être possesseur de la Nature, comme le soutenait DESCARTES, l’homme est devenu le pollueur par excellence de la Nature, avec même la possibilité technique de la détruire.
Du point de vue HOBBESIEN des rapports entre les hommes, on est arrivé aux déchaînements des violences humaines, la logique du marché avec ses concurrences se révélant une véritable logique de guerre, créant des déséquilibres croissants entre le Nord et le Sud de la planète et des inégalités croissantes à l’intérieur de chaque peuple par l’accumulation des richesses dans un pôle et la misère dans l’autre.
Enfin, la prétention FAUSTIENNE de régir le monde à la place de Dieu en excluant la foi en des valeurs absolues, en faisant soit de l’individu soit de la Nation le centre de la mesure de toute chose, cette civilisation occidentale a créée une jungle où s’affrontent les volontés de puissance, de jouissance et de croissance des individus et des groupes, engendrant ainsi des violences dans les villes et des déséquilibres de la terreur entre les Nations.
Si bien que la prétendue modernité qu’on nous propose est en réalité une religion qui n’ose pas dire son nom, mais que j’appellerai le «Monothéisme du Marché» propre à l’Occident depuis la Renaissance et qui après l’effondrement de l’URSS, la destruction de l’Irak et la domination des Etats-Unis d’Amérique, non pas seulement du Tiers-monde, mais de l’Europe aussi, considéré désormais comme Vassale. Cette religion du monde est considérée par les hommes de la direction américaine, le Pentagone et le libéralisme, comme la fin de l’histoire selon le titre du livre de FUKUYAMA, l’idéologue du Pentagone.
L’exploitation du mot libéralisme repose sur une manipulation historique, car au 18ème siècle et début du 19ème, les libéraux au sens politique du terme étaient ceux qui combattaient le pouvoir des noblesses. Aujourd’hui, ceux qui s’appellent libéraux, au sens économique cette fois, sont ceux qui défendent le pouvoir de la richesse. L’Economie politique, cette science lugubre, comme l’appelait CARLYLE, n’a rien d’une science. Cette idéologie de justification du statu quo, son pionnier ADAM SMITH, en a formulé le principe de base : si chacun poursuit son intérêt personnel, l’intérêt général sera satisfait. Comme si une main invisible allait réaliser cette harmonie.
De ce point de vue, toute intervention de l’Etat est nuisible, le marché s’autorégulerait et deviendrait le régulateur de toutes les relations sociales. L’Etat devenait gendarme ou gardien de nuit.
Mais deux siècles d’application de ces principes que continuent de préconiser les libéraux d’aujourd’hui, ont montré leurs malfaisances. Enfin, cette conception selon laquelle l’intérêt général pourrait se réaliser par l’individualisme a produit exactement le contraire, avec l’accumulation des richesses et du pouvoir chez les détenteurs des moyens de production, la dépendance, le chômage et l’exclusion de l’autre pôle de la société, ceux qui ne possèdent pas de moyens. Après cinq siècles de colonisation qui ont détruit les cultures vivrières dans les pays colonisés au profit des monocultures destinés à servir d’appendice à l’économie de la métropole, on a maintenu la dépendance, même après l’indépendance politique formelle. Sous le double masque de l’aide et de la gestion de la dette par le FMI entre 1960 et 1989, la part du Revenu mondial des 20% des plus riches de la planète est passée de 70 à 83% de la part des 20% des pays les plus pauvres, qui se retrouvent avec seulement 1,5% de ce revenu mondial. Cette polarisation s’est traduite par la forte croissance des économies dans les pays riches.
Aux USA, c’est CLINTON lui-même qui avouait que 1% des plus fortunés contrôle les 40% des richesses nationales. Ce monothéisme du marché baptisé modernité s’exprime par une dissolution du tissu social au profit du Darwinisme social comme le concevait SPENCER, c’est-à-dire la liberté laissée aux plus forts de dévorer les plus faibles. L’exemple de cette liberté du marché entre les Etats Unis, le Canada et le Mexique a démontré ce que cela donnait : l’explosion du chiapas mexicain. Au Canada, le salaire moyen est de 23 dollars U.S. Il est de 21 dollars aux USA et de 1 dollar au Mexique. Résultat de ce marché triangulaire, on a exporté des entreprises au Mexique, créant un esclavage de la main d’œuvre mexicaine et provoquant le chômage des ouvriers américains. Georges Bush préconisait une zone de libre-échange qui irait de l’Alaska à la terre de Feu, son Secrétaire adjoint Baker, lui voyait cette zone étendue de Bratislava à Vancouver, crucifiant l’humanité sur cette croix d’or ».
Le problème qui se pose ainsi aujourd’hui, selon Roger Garaudy, est à la fois politique, économique, social et religieux, car il s’agirait selon lui, des fins dernières de l’Homme. La question serait de savoir si le développement économique et technique doit servir à l’écrasement ou à l’épanouissement de l’homme. Or, dira en substance Garaudy, «on ne voit que les conséquences du monothéisme du marché qui est l’aboutissement suprême de la modernité occidentale. D’abord, la dissolution du lien social dans un système où Hobbes disait dès la naissance du régime de l’individualisme et de la compétitivité, que l’homme est un loup pour l’homme.
Cela s’inscrit dans les chiffres, lorsqu’on nous dit que c’est la croissance qui résoudra le chômage. Un mensonge selon Garaudy qui donne l’exemple de la Belgique qui produisait en 1980, 1.000 tonnes d’acier et employait 40.000 ouvriers. En 1990, elle en produisait 11.000 tonnes, mais avec seulement 22.000 ouvriers. D’après Roger Garaudy, ce n’est pas la croissance qui résoudra ainsi le chômage à moins qu’on indexe le temps de travail sur la productivité. Tout le monde en profitera, trouve-t-il en substance. Et de constater que dans «tous les pays où le type de monothéisme du marché s’introduit, il en serait ainsi. En URSS depuis l’instauration du Capital avec la prostitution d’Eltsine, persifle Roger Garaudy, la croissance de la drogue a rattrapé les USA. En Ouzbékistan, les surfaces cultivées en pavot ont ainsi augmenté six fois, passant de150 hectares en 1992 à 1.000 hectares en 1995. Selon Roger Garaudy, pendant cette période, le Maroc détenait le record du monde de production de cannabis. Aux USA, l’industrie de la drogue dégagerait un chiffre d’affaires égal à celui de l’industrie automobile et celui de l’acier. Les USA détiendraient également, selon Garaudy un autre triste palmarès, celui du plus fort taux de suicide d’adolescents au monde. La raison serait selon lui due à l’absence de repères, les inégalités sociales, la corruption et la spéculation.
Alain Cotta, un économiste du Capital avait écrit : «la montée de la corruption est indissociable de la poussée des activités financières et médiatiques». Lorsque l’informatique permet de bâtir en quelques minutes une fortune impossible à constituer fusse au prix du travail de toute une vie, la tentation de l’acheter et de la vendre devient, selon Alain Cotta, irrésistible. Ainsi, l’économie marchande ne saurait qu’être favorisée par le développement de cet extraordinaire marché. Et il conclut : «la corruption joue un rôle comparable à celui du plan».
Le développement de la spéculation, qui est une opération financière qui permet de profiter des fluctuations du marché pour réaliser des bénéfices, fera ainsi dire à Maurice Allais, Prix Nobel d’Economie, se basant sur les données de la banque des règlements internationaux, que «les flux financiers de la spéculation dans le monde s’élèvent en moyenne à 1100 milliards de dollars par jour, soit quarante fois les flux financiers correspondant à des règlements commerciaux. En d’autres termes, on s’enrichit quarante fois plus vite par le «Riba» (l’usure) que par le travail ou la science. La fonction primitive des banques se trouve ainsi transformée. Au lieu d’être des lieux où l’épargne se collecte pour alimenter l’investissement dans le domaine de la production, le rôle des banques tend aujourd’hui à s’orienter vers la spéculation sur les devises, devenant ainsi des sortes de casinos, au risque des aléas des prix et des cotations en bourse, jouant avec les risques comme dans une roulette russe.

II-Modernité musulmane
Cette modernité occidentale décrite ci-dessus, le monde musulman la refuse, comme tous ceux qui croient que la vie a un sens. L’Islam, selon Roger Garaudy, peut jouer un rôle prépondérant dans la définition d’un nouveau modernisme, nonobstant la velléité de ceux qui cherchent à le définir comme l’Empire du Mal, à la place de l’URSS. L’Islam a joué dans le passé un rôle imminent qu’il peut jouer aujourd’hui, affirme Garaudy, qui cite le rôle de transmetteur des cultures antérieures qu’il fut, celles de l’Orient et des Grecs. L’Islam avait ainsi crée une civilisation nouvelle, basée sur la conception de l’Unité divine (Tawhid) qui n’est pas seulement une unité de l’Etre mais l’acte d’unification dans tous les domaines de la création et qui permet de renouveler toutes les cultures antérieures. Comme exemple, Roger Garaudy rappelle que les sciences modernes ont eu leurs origines dans la culture islamique, citant le rôle de l’Université de Cordoue en Espagne et son rayonnement dans l’Occident médiéval. Ainsi, celui qui est considéré à juste titre comme le pionnier de la Méthode expérimentale en Europe, le moine ROGER BACON, a indiqué lui-même ses sources dans la 5ème partie de son ouvrage consacré à la Perspective, où il avoue n’avoir pas hésité à recopier des pages entières du «Traité d’optique» d’Ibn Haifa que les Occidentaux appelaient Arazen qui vécut entre 965 et 1030 après J.C.
Ce savant musulman de Cordoue avait inauguré dans ses recherches sur la propagation de la lumière, les méthodes de la science moderne. Il part d’une hypothèse mathématique et crée un instrument expérimental pour vérifier ses hypothèses. ROGER BACON reconnaît lui-même ses emprunts et il cite : «la philosophie est tirée de l’Arabe et aucun latin ne pourrait comprendre comme il convient la sagesse et la philosophie s’il ne connaît pas la langue dans laquelle elle a été traduite». A l’époque, l’Arabe était la langue de la culture. Cet esprit d’unité a ainsi, selon Garaudy, régné dans toutes les sciences. Les savants arabes, de la physique à l’astronomie, de la biologie à la médecine, représentaient la clé de voute de la culture islamique dans tous les domaines de la théologie, de la philosophie des sciences et des arts. Dans toutes leurs œuvres, souligne Garaudy, c’est l’idée d’unité qui domine. Le Tawhid selon lui, n’est pas de l’ordre du faites, mais du faire, il ne fonde pas une philosophie de l’être, comme celle des Grecs, mais au contraire une philosophie de l’acte. Elle permet de donner un essor nouveau aux sciences dans tous les domaines. L’essentiel de l’apport de la science islamique, ce n’est pas seulement la méthode expérimentale, ni les qualités importantes des découvertes, par exemple dans le domaine de la médecine.
Pendant cinq siècles, c’est le traité de médecine d’Aboul Kassi de Cordoue qui était enseigné dans toutes les universités européennes, de Londres à Paris, en passant par Montpellier, la Pologne, etc. Le plus remarquable, reconnaît Roger Garaudy, ce n’est pas cette contribution à la Science, qui remonte de cause en cause, mais l’enseignement de la Sagesse, qui remonte de fin en fin, afin que la Science ne serve pas à l’écrasement de l’homme, à sa mutilation, mais au contraire à son épanouissement, en lui fixant des fins humaines, car la Science expérimentale et mathématique ne donne que des moyens mais pas les fins. Or, la Sagesse comme réflexion sur les fins, est un autre usage de la raison, celui que l’Occident a laissé s’atrophier, car la philosophie et la théologie n’y jouent pas ce rôle complémentaire de la Science qui donne les moyens et de la Sagesse qui donne les fins. De ce fait, la raison occidentale, selon Garaudy est devenue une raison mutilée, confinée dans la recherche des moyens ; et parce qu’on n’a pas assigné à cette science des fins, sans les limiter, elle risque de conduire vers la destruction de l’homme ;
Cet enseignement de l’univers califal à Cordoue, selon Garaudy, ne liait pas seulement la Science et la Sagesse, mais il les liait avec la Foi. La Foi était la troisième dimension d’une raison plénière, car ni la Science dans ses recherches des causes premières, ni la Sagesse dans ses recherches des fins dernières, n’arrivent à leur terme. La Foi commence avec une prise de conscience des limites et des postulats de la Science et de la Sagesse. Elle devient le postulat nécessaire à leur cohérence et à leur union. La Foi n’est pas une limite ou une rivale de la raison. Elle est une raison sans frontière.

III-De la perception de la Chari’a
Il y a une maladie qui atteint pas mal de musulmans, selon Roger Garaudy. Sous prétexte d’appliquer la Chari’a (la Voie), on utilise, dira-t-il, «une lecture littérale du Coran en confondant ce qui dans le Coran est clairement défini comme la Chari’a avec les applications historiques qui ont pu en être faites avec des juridictions différentes, le Fiqh, à telle ou telle époque, par tel ou tel juriste ou commentateur. Nous sommes à l’antipode des grands juristes musulmans, comme Abou Hanifa, Châfi, qui ont au contraire montré comment on pouvait appliquer les principes éternels et immuables de la Chari’a dans des conditions historiques nouvelles et créatrices de juridictions nouvelles correspondant à ces conditions. Il ne s’agit pas de répéter leurs formules mais d’appliquer leurs méthodes. Le mot Chari’a apparaît 1 fois dans le Coran (Sourate 45 Verset 18). «Nous t’avons placé sur la Voie de l’Ordre, suis-la donc et ne suit pas la passion de ceux qui ne savent pas». DIEU rappelait la révélation, ceux de MOISE, de JESUS, des Evangiles. «Les uns et les autres contiennent Guidance et Lumière » (Sourate 5 Verset 44).
Selon Garaudy, la définition qui nous donne la meilleure explication du mot Chari’a se trouve dans la Sourate 42 Verset 13 : «En matière de religion, il vous a ouvert un chemin, celui qu’il avait recommandé à NOE, celui que nous t’avons révélé, celui que nous avons recommandé à ABRAHAM, à MOISE, à JESUS ; acquittez-vous du culte à rendre à DIEU et n’en faites pas un objet de division». Pourquoi ce texte est important, se demande en substance Roger Garaudy. Selon lui, ce texte montre que c’est le chemin qui mène l’homme vers DIEU et qu’il ne peut être un code juridique, puisqu’il a été donné à tous les autres prophètes. Garaudy explique ainsi que DIEU a donné à chacun des prophètes une loi et une voie et que le texte de référence montre non seulement qu’il s’agit d’une voie qui mène vers DIEU, mais qu’elle ne peut être un code juridique, puisque la législation est différente aussi bien dans la Thora, les Evangiles que dans le Coran, alors que le message divin est une continuité. Les deux conceptions sont différentes. D’un côté, la voie morale, universelle et éternelle et de l’autre, la loi historique, la fin qui est éternelle et les moyens qui sont historiques. D’où cette confusion entre Chari’a et Fiqh, cette loi éternelle valable pour l’éternité, en toute époque en tout lieu, et les applications historiques confinées dans le temps et dans l’espace.
Ainsi, les défenseurs hypocrites en Occident des droits de l’homme, depuis les USA qui financent et éduquent les dictatures et les escadrons de la mort en Amérique Latine, jusqu’à ceux comme les Français qui ont financé, armé et éduqué les tortionnaires du Rwanda, tous utilisent selon Roger Garaudy, cette déformation de la Chari’a, celle qui préconise par exemple l’amputation des membres, la discrimination à l’égard des femmes, puis discréditent l’Islam.
Comme aujourd’hui, et ce n’est pas un hasard, les Talibans d’Afghanistan, financés et équipés par les USA, qui donnent cet exemple caricatural de l’Islam en interdisant la scolarité des jeunes filles ou le travail des femmes. Ces défenseurs de l’Occident font croire qu’appliquer la Chari’a, et c’est ça l’astuce, c’est appliquer une législation archaïque, en faisant semblant d’oublier les principes fondamentaux de l’Islam, ceux de la véritable Chari’a coranique qui stipule que DIEU SEUL POSSEDE.
Cette vérité coranique, premier principe de la Chari’a, fut à son époque une véritable révolution sociale, remarque Garaudy. Un siècle avant la prédication du Prophète Mohamed (PSL), dans le code du droit romain, le Code justinien, la propriété était définie comme le droit d’user et d’abuser. Or, lorsque le Coran nous enseigne que seul DIEU possède et que par conséquent l’homme n’est qu’un gérant, responsable de cette propriété et qu’on peut le lui reprendre s’il ne l’a pas fait servir dans le sentier de DIEU et de la communauté, c’est une véritable révolution sociale. Pourquoi l’Islam s’est répandu si vite en Espagne chrétienne ? Ce n’était pas une conquête militaire. Tarek ibn Ziyad n’avait pas débarqué en Espagne à la tête d’une forte armée, mais avec seulement 7.000 cavaliers. Et cette armée a traversé en 3 ans un pays de plus de 10 millions d’habitants. Les musulmans n’ont pas ainsi conquis l’Espagne militairement, et ne sont pas rentrés dans le pays en conquérants ou en envahisseurs. Ils ont été accueillis partout comme des libérateurs, parce que conformément aux principes coraniques, ils ont donné la terre aux paysans, à ceux qui la travaillaient, en retirant la terre des seigneurs féodaux qui les exploitaient. Pour des paysans, longtemps soumis au sevrage, c’était une véritable délivrance.
Deuxième principe, DIEU SEUL COMMANDE, non pas au sens de la théocratie occidentale où le clergé parle à la place de DIEU, mais d’une communauté dans laquelle il y a la CHOURA, une concertation entre tous les hommes qui croient aux mêmes valeurs absolues et qui ne croient pas que l’homme est au centre des décisions de toute chose.
Troisième principe, DIEU SEUL SAIT. C’est le contraire du dogmatisme. «Tout ce que je dis, c’est un homme qui le dit, c’est-à-dire quelque chose de provisoire, de révisable et de limité, et non pas d’absolu» illustre Roger Garaudy. «Si on se prend pour un fonctionnaire de l’Absolu, poursuit-il, et si on prétend parler au nom de DIEU, comme le Clergé l’a fait, alors on détruit l’essentiel de la foi». Pour lui, c’est le principe islamique de la transcendance (aucun rapport d’une commune mesure entre l’homme et DIEU).

IV-UMA et Nation
Le principe de la communauté, l’UMA, est ainsi tout à fait différent de celui de Nation. L’idée du Nationalisme est selon Roger Garaudy, une exportation occidentale, tellement l’idée serait étrangère en Islam qui préfère le terme de UMA, qui est non pas une communauté de sang ou de propriété, mais une communauté de foi. Ce principe, au niveau actuel de développement des sciences et de la technologie, permettrait de donner à chaque être humain dans le monde entier, tous les moyens de développer pleinement les possibilités créatrices que DIEU a mis en lui. Et si les musulmans d’aujourd’hui savaient faire siens ces principes qui ont fait la grandeur de l’Islam dans le passé, ceux qui ont permis à un petit peuple, à côté de grandes puissances comme la Perse et Byzance, d’aller de la Mer de Chine à l’Océan Atlantique, «je crois aujourd’hui, reconnaît Roger Garaudy, nous avons des conditions semblables, avec des empires immenses mais décadents, comme les USA mais aussi ses vassaux européens, colonisateurs d’hier». Garaudy trouve que «si nous ne confondons pas cette Chari’a fondamental avec la législation qui a valu pendant les siècles passés, si nous ne prétendons pas poser au 21ème siècle une législation du 7ème siècle, et si nous assumons notre devenir comme le disait Mahmoud Abou Saoud, de faire un Fiqgh du 21ème siècle, alors nous ferons revivre l’Islam dans sa grandeur, en rappelant toutes ses dimensions».
Et Garaudy de citer ses dimensions universelles, en n’ayant pas la prétention d’avoir la vérité dans ses poches, comme l’a fait l’islam matinal, en apportant les richesses de toutes les autres cultures, ce qui finalement a fait l’originalité de l’Islam.
L’Islam n’est pas une religion nouvelle qui se révèle avec les prédications du Prophète Mohamed (PSL). Au contraire, DIEU dit à Mohamed (PSL) ; «tu n’es pas un innovateur en matière de prophète ; j’ai envoyé des prophètes avant toi ». Un Hadith de Boukhary rapporte à ce propos «tous les prophètes sont fils du même père mais ont des mères différentes, et le plus proche, c’est ISSA (JESUS)»

V-ROLE DU MONDE MUSULMAN
Les musulmans doivent jeter un pont entre l’Orient et l’Occident pour réaliser l’unité de la FOI entre ceux qui croient que la vie a un sens et qu’il nous appartient de le réaliser. Alors que dans un régime où tout s’achète et se vend, y compris les consciences des hommes, un tel régime détruit notre raison de vivre. C’est pourquoi aujourd’hui, selon Roger Garaudy, «nous sommes en pleine guerre de religion, notamment cette religion qui n’ose pas dire son nom, le Monothéisme du marché ».
L’Islam, d’après Garaudy, a cette originalité de pouvoir réunir tous les hommes de foi. Et c’est ça, sa véritable spécificité. Et Roger Garaudy de faire remarquer qu’il «n’y a qu’une seule foi, unique, comme le rappelle le Coran. Depuis que DIEU a insufflé à l’homme son esprit, il n’y a qu’une seule Voie. DIEU appelle ABRAHAM «muslim» alors qu’ABRAHAM est Araméen et n’a pas entendu la prédication du Prophète Mohamed (PSL). Et Garaudy de préciser : «cela ne veut pas dire que nous voulons mélanger les religions» mais nous rapprocher de tous ceux qui se sont rapprochés de DIEU. L’une des vérités de l’Islam est qu’il accepte tous les prophètes, au contraire des JUIFS qui ont rejeté JESUS ou des CHRETIENS qui réfutent MOHAMED (PSL) qui a pourtant été envoyé pour compléter le Message divin des autres prophètes. Et c’est en cela, dira GARAUDY, que nous Musulmans pouvons devenir aujourd’hui le ferment d’une unité.
Après sa dimension universelle, l’Islam doit retrouver, dira en substance GARAUDY, sa dimension sociale, en excluant cette polarisation de la richesse d’un côté. Un des plus grands maux dans les pays musulmans, ajoute-t-il, «c’est l’existence d’une richesse extrême d’un côté et la pauvreté extrême de l’autre ».
L’islam doit également retrouver sa dimension critique contre les efforts des juristes vétilleux qui se croient gardiens de l’orthodoxie, des fonctionnaires de l’Absolu. C’est Ahmed Iqbal qui disait, cite GARAUDY, qu’il faut reconstruire la pensée religieuse de l’Islam, démontrant que seul cet esprit critique peut préserver l’islam de sa maladie majeure qui consiste à lire le Coran avec les yeux des morts, c’est-à-dire avec la perception des gens qui ont eu le mérite il y a des siècles de résoudre leurs problèmes, mais qui n’ont pas eu la chance de pouvoir résoudre les nôtres. GARAUDY d’illustrer : « on n’aurait pas l’idée de demander à Abou Hanifa ce qu’il pense de l’énergie nucléaire ou ce qu’il pense des multinationales, etc. » Pour lui, «c’est notre responsabilité ».
Roger GARAUDY raconte : «dans le Coran, me disait mon ami ABDOU SALAM, Prix Nobel de Physique, qu’il y a 835 fois le mot «Réfléchis». C’est donc notre responsabilité aujourd’hui dira en substance GARAUDY, de reconsidérer le Fiqh à partir des lois universelles et éternelles de la Chari’a, pour résoudre les problèmes d’aujourd’hui. C’est ça l’apport que pourrait donner l’Islam, trouve-t-il, à l’authentique et universelle modernité, c’est-à-dire une modernité qui sans renoncer à la conquête des sciences et des techniques, contribuera au contraire à les développer tout en ne les considérant pas comme une fin en soi. La fin de l’homme, poursuivra GARAUDY, n’est pas la puissance de détruire la Nature ou l’homme. C’est au contraire à réaliser l’Unité de ce monde qui peut être UN comme le DIEU qui l’a créé, combattre l’individualisme et le Nationalisme qui font de chaque individu ou de chaque nation le centre de la mesure de toute chose. Il faut au contraire rappeler les valeurs de transcendance et de communauté pour échapper au déterminisme du marché et de l’argent, et nous rendre responsable du destin de tous. Cela suppose, ajoutera en substance GARAUDY que «nous ne nous enfermions pas dans un faux dilemme par imitation de l’Occident, comme le font hélas certains dirigeants politiques, ou par imitation du passé comme certaines oppositions qui utilisent des formules archaïques pour effacer à juste titre des siècles de colonialisme et de négation de leur identité. La véritable modernité que l’Islam peut construire, trouve GARAUDY, doit échapper à ces deux gouffres.
Il trouve que c’est un terrible appauvrissement que de refuser le dialogue, car il n’y aurait selon lui, qu’un dialogue véritable avec les autres, ceux qui sont différents de nous, que lorsque chacun a conscience qu’il a quelque chose à apprendre de l’autre. L’enjeu de la modernité est aujourd’hui déterminant pour l’avenir du monde, selon GARAUDY. Pour lui, réduire la modernité à sa version occidentale (Travail et Intérêt personnel) serait conduire l’humanité à l’abîme. C’est ce que serait entrain de faire, selon lui l’Occident, avec cette fausse prétention de vouloir imposer un Monothéisme du marché, cette religion qui d’après GARAUDY n’ose pas dire son nom, mais qui a ses dogmes (la compétitivité), ses théologiens (les économistes), ses grands prêtres (le G7), mais aussi ses prédicateurs (les politiciens et les journalistes). Il s’agit en gros de tous ces sectarismes de tout genre, révoltés mais impuissants parce qu’ils veulent entrer dans l’avenir à reculons et qui ne proposent pas un projet créateur. GARAUDY trouve que «nous avons besoin de cette réflexion à laquelle nous appelle le Coran, ce que chez les Chrétiens, on appelle la théologie de la libération qui comme par hasard, est née dans le Tiers Monde, en Amérique Latine et qui se propage en Afrique et en Asie.
L’Islam, selon GARAUDY, a besoin de cet effort auquel nous ont appelés depuis, MOHAMED ABDOU, HASSANE EL BANA, CHEIKH BEN BADIS, MALECK BEN NABIL…Ce sont ceux qui nous ont donné, dira-t-il en substance, ce chemin vers la vraie modernité et c’est avec eux que tous ensemble, et avec la culture de tout le monde, nous pouvons créer non pas cette unité impériale que les USA appellent Mondialisation, mais créer une véritable modernité symphonique dans laquelle chaque peuple apportera la richesse de son histoire, de sa culture, de sa foi, c’est-à-dire, une véritable et universelle modernité.