Si
cela a un intérêt de se rappeler de ce centenaire, c’est bien parce que
le capitalisme est toujours autant porteur de guerre, et de guerre
mondiale en cas de crise mondiale d’ampleur. Et comme dans les deux
guerres mondiales précédentes, le conflit guerrier a pour but, pour les
classes dirigeantes et les Etats à leur service, de dévier les risques
sociaux révolutionnaires ou de les empêcher en mettant la société dans
un état de dictature, tous les pays en état de guerre étant des
dictatures…
Il
n’y a aucun hasard si la violence dans le monde a considérablement
grandi depuis la crise de 2007-2008 et depuis la vague des révolutions
qui lui a succédé. Bien sûr, nombre de prolétaires peuvent penser que
leur classe, qui ne parvient même pas à se défendre face aux
licenciements et aux diverses attaques antisociales, n’est nullement une
menace révolutionnaire. Visiblement, les classes dirigeantes ne pensent
pas la même chose !
Les classes dirigeantes préfèrent toujours les guerres aux révolutions sociales.
C'est ce que Robert Paris met en évidence, lisons-le.
Michel Peyret
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Se souvenir du 1er août 1914 ? Mais pour en tirer quelle leçon ?
samedi 9 août 2014
Les
média, le discours des hommes politiques, les cérémonies sont pleins de
la première guerre mondiale, à l’occasion de l’anniversaire des cent
ans. Ils affirment tous qu’il ne faut pas oublier, que le nombre de
morts, leur sacrifice nécessite le souvenir. Mais de quoi veulent –ils
exactement qu’on se souvienne ? Pourquoi leur semble-t-il important de
ne pas oublier cet immense massacre, ce sacrifice de grande ampleur ?
Est-ce parce qu’ils estiment que ces morts auraient dues être évitées ?
Est-ce pour dire que la guerre est une grande saloperie et que ceux qui
nous y poussent sont des assassins ? Parle-t-on de la déclaration
d’entrée en guerre de la France pour condamner la décision du chef de
l’Etat de l’époque Poincaré ? Pour condamner tous ceux qui ont participé
à la campagne guerrière comme l’Eglise catholique qui a sonné le tocsin
pour avertir de la mobilisation générale au fin fond des campagnes, qui
a béni les armées, qui a béni les morts et fait des cérémonies
glorifiant les soldats ? Ou encore pour condamner tous les partis
politiques, jusqu’au parti socialiste et tous les syndicats, jusqu’à la
CGT qui ont participé à la campagne en faveur de la guerre quand
celle-ci a été déclarée ?
Pas
du tout ! Il s’agit, dans les média comme chez les hommes politiques, y
compris la gauche, de glorifier l’héroïsme de ces soldats « morts pour
la patrie » ! Il s’agit de développer le nationalisme. Et même si
aujourd’hui on nous bassine avec le tandem européen France-Allemagne,
cela n’empêche pas de prétendre que la guerre contre l’Allemagne était
légitime, de continuer à prétendre qu’elle a eu lieu pour récupérer
l’Alsace et la Lorraine. Mais ce prétexte est complètement fallacieux :
il n’aurait pas justifié une guerre mondiale déclarée par l’Autriche
contre l’Empire Ottoman et un conflit auquel participaient l’Angleterre
et la Russie ! C’est donc un prétexte national pour une guerre
impérialiste, une guerre pour des buts de classe de la grande
bourgeoisie capitaliste. Comme le disait Jaurès, « le capitalisme porte
la guerre comme la nuée porte l’orage » et Anatole France affirmait
qu’« on croit mourir pour la patrie et on meurt pour les banquiers ! »
Hollande,
lors de la commémoration de l’entrée en guerre de la France en 1914, se
présente comme le grand partisan de l’amitié des peuples, mais il
oublie que son entente franco-allemande actuelle est dirigée contre la
Russie ! La guerre de 1914, elle aussi, avait interrompu une haine
millénaire entre la France et l’Angleterre pour diriger l’entente
franco-anglaise contre l’Allemagne !
A
peine, le président Hollande avait-il sorti sa petite leçon de morale
selon laquelle l’union Allemagne-France, après la guerre entre eux,
devait servir de leçon de paix aux peuples du Moyen Orient qu’il
s’affirmait prêt à participer à la nouvelle guerre qu’Obama lance en
Irak…
Plus
que jamais, la France de Hollande fait des guerres aux quatre coins du
monde, du Mali au Centrafrique et elle en prône d’autres, de la Syrie à
l’Ukraine ! Belle démonstration de l’amitié entre les peuples qui arrête
les guerres ! Hollande donne l’actuelle entente franco-allemande en
exemple au Moyen Orient pour arrêter la guerre d’Israël contre les
Palestiniens mais il oublie qu’il a soutenu publiquement Nétanyahou au
début de sa guerre à Gaza…
Et,
à entendre Hollande le pacifiste lors de la commémoration de l’entrée
en guerre, on en oublierait presque les discours du même Hollande
justifiant le début de l’agression israélienne ou encore les discours
belliqueux du même affirmant qu’il fallait lancer la guerre de la France
en Syrie ou fier de mener une guerre sans fin au Mali… Alors que, selon
le mandat onusien, l’intervention française au Mali aurait dû s’arrêter
depuis des mois, Hollande-Valls viennent d’annoncer une nouvelle
opération militaire française d’ampleur au Mali, sous prétexte de lutte
contre le terrorisme islamique, avec la collaboration de l’armée d’une
féroce dictature, celle de Tchad !
Loin
d’être des luttes entre les peuples européens, comme voudrait le faire
croire Hollande, les conflits européens qui précèdent la première guerre
mondiale ont pour objectif la conquête coloniale, comme les conflits
entre puissances européennes pour le Maroc, la Libye, le Congo, le
Tchad.... La conquête des marchés et des matières premières amène les
grandes puissances à se concurrencer. Mais les classes dirigeantes n’ont
jeté le monde dans la guerre mondiale que lorsqu’elles ont estimé que
de ne pas le faire était socialement plus dangereux du fait des
possibilités révolutionnaires du prolétariat alors que la crise
économique devenait critique.
Vue
la quantité d’émissions et d’interventions sur le déclenchement de la
première guerre mondiale, on aurait pu penser qu’on allait apprendre
quelque chose sur les vraies raisons de son déclenchement mais il n’en
est rien… On continue à nous présenter l’affaire comme un affrontement
entre la France et l’Allemagne alors que c’est une guerre bien plus
générale avec y compris la participation des USA et de la Russie, sans
parler de l’Autriche et de l’empire ottoman… Bien sûr, les classes
dirigeantes, même cent ans après, ne tiennent toujours pas qu’en soit
révélée la véritable raison qui est la crainte de la révolution
prolétarienne !!!
Et
les classes dirigeantes d’aujourd’hui ont d’autant plus de raisons de
cacher les raisons de ce crime de masse d’il y a cent ans qu’elles sont
justement en train de se préparer à commettre le même et pour les mêmes
raisons : la crise systémique et les risques révolutionnaires qu’elle
entraîne…
La
véritable racine de la première guerre mondiale de 1914 est la crise
économique de 1907 et la montée ouvrière de 1905-1910 qui a montré la
menace sociale que représentait de plus en plus le prolétariat. En 1914,
alors que se profilait une nouvelle crise économique, la société
capitaliste n’était pas encore sortie des conséquences économiques,
sociales et politiques de la crise précédente, d’où le choix des classes
dirigeantes de prendre le risque de jeter le monde dans la guerre. Le
choix de la guerre était une solution pour arrêter la montée des forces
ouvrières et socialistes et de les contraindre à se ranger dans le camp
de la défense nationale. L’effet escompté a été parfaitement réussi. Par
contre, la fin de la guerre mondiale a été très difficile à négocier
pour les classes dirigeantes et partout les révolutions se sont
réveillées à nouveau, malgré le massacre guerrier, et ont même contraint
les classes dirigeantes à arrêter la guerre, à abandonner tous les
empires (russe, austro-hongrois, allemand comme ottoman), et à faire des
réformes de grande ampleur.
Si
cela a un intérêt de se rappeler de ce centenaire, c’est bien parce que
le capitalisme est toujours autant porteur de guerre, et de guerre
mondiale en cas de crise mondiale d’ampleur. Et comme dans les deux
guerres mondiales précédentes, le conflit guerrier a pour but, pour les
classes dirigeantes et les Etats à leur service, de dévier les risques
sociaux révolutionnaires ou de les empêcher en mettant la société dans
un état de dictature, tous les pays en état de guerre étant des
dictatures…
Il
n’y a aucun hasard si la violence dans le monde a considérablement
grandi depuis la crise de 2007-2008 et depuis la vague des révolutions
qui lui a succédé. Bien sûr, nombre de prolétaires peuvent penser que
leur classe, qui ne parvient même pas à se défendre face aux
licenciements et aux diverses attaques antisociales, n’est nullement une
menace révolutionnaires. Visiblement, les classes dirigeantes ne
pensent pas la même chose !
Les
classes dirigeantes préfèrent toujours les guerres aux révolutions
sociales. Elles ont transformé partout des situations révolutionnaires
en guerre, quitte à soutenir des bandes armées fascistes ou terroristes,
celles qui mettent à feu et à sang la Syrie, la Palestine ou la Libye…
Pour
que les morts de 1914-1918 ne soient pas oubliés, il faut que les
travailleurs tirent la leçon de cet assasinat collectif : quand les
classes dirigeantes connaissent une grave crise, il ne faut pas leur
laisser le pouvoir… de jeter le monde dans la boucherie guerrière.
Sinon, elles s’en serviront et prétendront qu’elles nous défendent
contre le terrorisme ou contre les nouveaux impérialismes des BRICS
(Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du sud).
Travailleurs,
nous sommes une seule et même classe par delà les frontières, et nous
seuls pouvons empêcher le capitalisme en crise de nous jeter dans de
nouveaux massacres, dans de nouveaux Verdun, dans de nouveaux Craonne.
Prolétaires,
unissons-nous contre les militaires, les dictateurs, les bourreaux et
les fascistes, sous produits inévitables des désordres économiques
capitalistes et réalisons la seule réponse possible : le renversement du
pouvoir capitaliste et son remplacement par le pouvoir aux conseils de
travailleurs ! Il n’y a pas d’autre moyen d’éviter les guerres et les
dictatures que la crise systémique rend absolument indispensable aux
classes dirigeantes. Quand les capitalistes craignent la révolution
sociale, il n’y a pas d’autre issue que de la faire triompher.
Concluons
avec Jaurès, le grand homme politique français assassiné par un
criminel commandité par l’Etat pour permettre à celui-ci de lancer la
guerre sans réaction du mouvement ouvrier et socialiste :
« Toujours
votre société violente et chaotique, même quand elle veut la paix, même
quand elle est à l’état de l’apparent repos, porte en elle la guerre,
comme la nuée dormante porte l’orage. Tant que, dans chaque nation, une
classe restreinte d’hommes possédera les grands moyens de production et
d’échange, tant qu’elle possédera ainsi et gouvernera les autres hommes,
tant que cette classe pourra imposer aux sociétés qu’elle domine sa
propre loi, qui est la concurrence illimitée, la lutte incessante pour
la vie, le combat quotidien pour la fortune et le pouvoir… ; tant que
cela sera, toujours cette guerre politique, économique et sociale des
classes entre elles, des individus entre eux, dans chaque nation,
suscitera des guerres armées entre les peuples. »
(discours du 7 mars 1895 de Jaurès à la Chambre des députés)Robert Paris