La controverse s’achève
Article de Maurice Dira publié par Al-Ahram Hebdo (Le Caire, semaine du 27 juin au 3 juillet 2012, numéro 928)
L’intellectuel français Roger Garaudy s’est éteint à 98 ans. Défenseur du dialogue des civilisations, il fut de toute sa vie un combattant s'opposant à tous les intégrismes et sera qualifié dans son pays de négationniste.
L’auteur des Mythes fondateurs de la politique israélienne est mort. Si la disparition de Roger Garaudy laissera un vide dans le monde des intellectuels français, celui-ci sera plus ressenti dans le monde arabo-musulman. Du fait que ce dernier vient de perdre avec le décès de ce philosophe français une voix qui défendait les Arabes et l’islam dans un pays où trône un lobby juif des plus puissants. Sa mort, le 13 juin dernier, arrive à un moment crucial de l’histoire du Moyen-Orient où la scène arabe est en plein bouillonnement, où l’islamisme est en ascension et Israël est sur la défensive.
Bien qu’elles semblent lointaines les années 1990, le monde arabe et musulman ne peut cependant pas oublier cette époque qui a témoigné du parti pris de Garaudy pour la cause palestinienne, de ses discours antisionistes, de ses thèses négationnistes, sujet tabou en France. Des positions qui ont fait de lui, dès lors, l’objet d’un lynchage médiatique, un paria en France. N’a-il pas été condamné pour contestation de crimes contre l’humanité et provocation à la haine, selon la loi dite Gayssot (visant à réprimer les actes racistes et antisémites), pour avoir publié en 1995 Les Mythes fondateurs de la politique israélienne, son ouvrage le plus célèbre où il fait la différence entre le judaïsme qu’il respecte et la politique sioniste qu’il combat et met en question les chambres à gaz dans le génocide des juifs par les nazis, devenu un dogme justifiant tous les crimes commis par Israël en Palestine ? Un véritable coup de tonnerre sans doute qui finit par le faire qualifier d’antisémite.
Or, si ces positions le diabolisent en France, elles séduisent dans le monde arabo-musulman. Elles lui valent une popularité impressionnante, et sa conversion à l’islam quelques années plus tôt a ajouté à cet important capital de sympathie. Ainsi, Garaudy est l’invité d’honneur du Salon du livre du Caire, il fut chaleureusement accueilli, tour à tour à Téhéran, Beyrouth, Damas, Qatar et les territoires palestiniens.
Mais avant de se lancer dans ces diatribes antisionistes qui l’ont mis à l’index à l’échelle nationale, Garaudy, né en 1913 à Marseille, suit un itinéraire intellectuel riche et complexe, qui fait de sa vie une des plus agitées : philosophe, homme politique, auteur de dizaines de livres, tant politiques que philosophiques. Il prône le dialogue des civilisations et s’en prend à toute forme d’intégrisme, politique et religieux. Il défend le vrai islam et insiste sur le fait de ne pas le confondre avec l’islamisme. N’a-t-il pas écrit en 1995 dans son livre Vers une guerre de religion ? Le débat du siècle :
« Nous ne devons pas confondre la charia, la voie morale et universelle ouverte au nom de Dieu, avec la législation qu’elle peut inspirer à chaque époque pour résoudre les problèmes de cette époque. Nous devons interpréter les paroles divines (...) Réprimer le vol en coupant les mains au voleur, comme on le fait dans certains pays musulmans, ce n’est pas un signe d’obéissance à la loi divine. Respecter la charia suppose que l’on s’attaque aux racines du mal : les conditions sociales qui incitent à voler ».
Du communisme à l’antisionisme, du catholicisme à l’islam en passant par le marxisme, Garaudy se faisait le prophète de l’un comme de l’autre. Un soldat chevronné de chaque camp. Du philosophe officiel du Parti communiste français avant son exclusion en 1970, à la figure célèbre du négationnisme, son radicalisme est marquant, mais son but reste le même : lutter contre les intégrismes.
L’intellectuel français Roger Garaudy s’est éteint à 98 ans. Défenseur du dialogue des civilisations, il fut de toute sa vie un combattant s'opposant à tous les intégrismes et sera qualifié dans son pays de négationniste.
L’auteur des Mythes fondateurs de la politique israélienne est mort. Si la disparition de Roger Garaudy laissera un vide dans le monde des intellectuels français, celui-ci sera plus ressenti dans le monde arabo-musulman. Du fait que ce dernier vient de perdre avec le décès de ce philosophe français une voix qui défendait les Arabes et l’islam dans un pays où trône un lobby juif des plus puissants. Sa mort, le 13 juin dernier, arrive à un moment crucial de l’histoire du Moyen-Orient où la scène arabe est en plein bouillonnement, où l’islamisme est en ascension et Israël est sur la défensive.
Bien qu’elles semblent lointaines les années 1990, le monde arabe et musulman ne peut cependant pas oublier cette époque qui a témoigné du parti pris de Garaudy pour la cause palestinienne, de ses discours antisionistes, de ses thèses négationnistes, sujet tabou en France. Des positions qui ont fait de lui, dès lors, l’objet d’un lynchage médiatique, un paria en France. N’a-il pas été condamné pour contestation de crimes contre l’humanité et provocation à la haine, selon la loi dite Gayssot (visant à réprimer les actes racistes et antisémites), pour avoir publié en 1995 Les Mythes fondateurs de la politique israélienne, son ouvrage le plus célèbre où il fait la différence entre le judaïsme qu’il respecte et la politique sioniste qu’il combat et met en question les chambres à gaz dans le génocide des juifs par les nazis, devenu un dogme justifiant tous les crimes commis par Israël en Palestine ? Un véritable coup de tonnerre sans doute qui finit par le faire qualifier d’antisémite.
Or, si ces positions le diabolisent en France, elles séduisent dans le monde arabo-musulman. Elles lui valent une popularité impressionnante, et sa conversion à l’islam quelques années plus tôt a ajouté à cet important capital de sympathie. Ainsi, Garaudy est l’invité d’honneur du Salon du livre du Caire, il fut chaleureusement accueilli, tour à tour à Téhéran, Beyrouth, Damas, Qatar et les territoires palestiniens.
Mais avant de se lancer dans ces diatribes antisionistes qui l’ont mis à l’index à l’échelle nationale, Garaudy, né en 1913 à Marseille, suit un itinéraire intellectuel riche et complexe, qui fait de sa vie une des plus agitées : philosophe, homme politique, auteur de dizaines de livres, tant politiques que philosophiques. Il prône le dialogue des civilisations et s’en prend à toute forme d’intégrisme, politique et religieux. Il défend le vrai islam et insiste sur le fait de ne pas le confondre avec l’islamisme. N’a-t-il pas écrit en 1995 dans son livre Vers une guerre de religion ? Le débat du siècle :
« Nous ne devons pas confondre la charia, la voie morale et universelle ouverte au nom de Dieu, avec la législation qu’elle peut inspirer à chaque époque pour résoudre les problèmes de cette époque. Nous devons interpréter les paroles divines (...) Réprimer le vol en coupant les mains au voleur, comme on le fait dans certains pays musulmans, ce n’est pas un signe d’obéissance à la loi divine. Respecter la charia suppose que l’on s’attaque aux racines du mal : les conditions sociales qui incitent à voler ».
Du communisme à l’antisionisme, du catholicisme à l’islam en passant par le marxisme, Garaudy se faisait le prophète de l’un comme de l’autre. Un soldat chevronné de chaque camp. Du philosophe officiel du Parti communiste français avant son exclusion en 1970, à la figure célèbre du négationnisme, son radicalisme est marquant, mais son but reste le même : lutter contre les intégrismes.