11 septembre 2015

"Ce qui distingue Roger Garaudy des intellectuels français de sa génération..."



[NDLR: éditorial de la revue "A contre-nuit", n°16, août-sept 2001; non signé dans la revue, son auteur est Maria Poumier; voir son site http://plumenclume.org/ avec des publications de - ou au sujet de - Roger Garaudy ] 

C'est Roger Garaudy qui devait rédiger cet éditorial. Il a été pris d'une souffrance très grave, typique des grandes intelligences débordantes de puissance, alors qu'il venait de donner une conférence de presse à Cordoue, et s'en remet ces jours-ci, avec une vitalité qui tient du miracle.
C'était la veille de l'inauguration de la bibliothèque qu'il avait créée, pour regrouper les oeuvres fondatrices de la civilisation andalouse, à l'époque où les penseurs musulmans, chrétiens et juifs y firent fructifier une sagesse véritablement transversale. L'équipe de l a revue A contre-nuit s'est constituée autour de Roger Garaudy à la suite du lynchage médiatique dont il a fait l'objet en France en 1996. Nous demandons à nos lecteurs de prendre conscience, après l'épisode brutal qui a failli nous priver définitivement de sa clairvoyance généreuse, que nous avons besoin de leur soutien actif: par le règlement des abonnements en retard, par des initiatives de diffusion de la revue, par des efforts pour rendre visible en France la germination des idées de Roger Garaudy, que l'establishment, pour le moment encore soumis aux diktats du sionisme, veut nier et piétiner sous la diffamation.
L'une des qualités de notre ami a toujours été sa capacité pour rebondir après une défaite, et lancer de nouveaux chantiers, issus de ceux qu'il avait su rendre explosifs. A Cordoue, il a créé dans la tour romaine dite de la Calahorra la Fondation pour le Dialogue des Cultures. Aux XI1° et XII1° siècles, l'Andalousie rayonna d'une civilisation où l'Islam jouait le rôle libérateur ; les penseurs et les savants y dialoguaient, la différence de confession ne constituant pas un obstacle aux échanges. Quand on constate que ce qui distingue Roger Garaudy des intellectuels français de sa génération, c'est précisément sa ténacité pour réhabiliter la pensée islamique et conjuguer les apports philosophiques des trois religions abrahamiques, alors que l'Occident a choisi de borner son horizon à un judéochristianisme appauvrissant, on en vient à voir en lui un nouveau soufi typique de Al Andalus; combinant le talent poétique, la maîtrise de ses connaissances, le talent pour peser dans son contexte et pour faire progresser la justice, le tout dans la plus grande simplicité, encore à quatre-vingt neuf ans...
La Bibliothèque qu'il a conçue, pour compléter le Musée de Al Andalus, doit faire avancer la connaissance par l'Europe des grands textes de Al Andalus, qui sont encore complètement méconnus en dehors du monde musulman.
Nous donnons à lire dans ce numéro le texte qu'il a préparé pour l'inauguration, où se déploie son lyrisme solaire auquel l'actualité tragique nous empêche si souvent de consacrer la reconnaissance nécessaire.
A propos des " états voyous ", il nous semble opportun de rappeler que Roger Garaudy a publié u n texte remarquable intitulé "Droit de réponse" (1) qu'il fit circuler après son procès (I) de 1996; il y résume les arguments de son combat contre le sionisme et la main-mise d'Israël sur les Etats-Unis et sur la France. Déjà il donnait à entendre qu'un " hyper-état voyou " était en train de se constituer, à l'échelle de la globalisation. Une des caractéristiques les moins contestables de l'Etat voyou (ce que sont tous les Etats, peu ou prou, selon la conjoncture et les moyens qui sont les leurs à un moment donné) est l'usage systématique de l a mystification, comme instrument spirituel pour contrecarrer l'expression de la volonté et de la pensée des nations réelles.
 Ces jours-ci commence à se dissiper l'épais rideau de fumée qui a recouvert l'Occident tout entier à la suite de l'effondrement du World Trade Center. La somptuosité de la mise en scène commence à apparaître pour ce qu'elle est : une mise en scène, pour un film d'horreur destiné à paralyser la réflexion du monde entier. Contrairement à ce que nous dit notre sensibilité hallucinée par l'épouvante, ce n'a pas été l'apocalypse. Le vrai génocide est celui que préparent, dans la pleine lumière de l'impunité qu'ils croient acquise, les assassins qui manipulent le peuple américain comme ils font obéir le président Bush : pour le contrôle des routes du pétrole, pour lier les mains à la diplomatie européenne, russe, chinoise, indienne, avec pour porte-avions décisif l'état hébreu. Le peuple afghan est en première ligne, mais c'est toute l'aire culturelle musulmane qui est menacée, parce que c'est l'aire où les valeurs humaines, c'est-à-dire sacrées, sont entrées en conflit ouvert avec l a dictature de l'économique ou "monothéisme du marché ", selon l'expression percutante de Roger Garaudy.
Le Droi t de réponse de 1996, r e l u à la lumière des événements qui ont véritablement marqué l'entrée dans le troisième millénaire (2), est prémonitoire : nous sommes désormais victimes, à l'échelle de tout l'Occident, et non plus seulement dans le tout petit monde des médias français, de l'escroquerie et du chantage de ceux qui ont fait condamner Roger Garaudy par les tribunaux, et ridiculisé la justice française. Depuis 1990, ce qui était interdit au moyen de la loi Fabius-Gayssot, c'était l'expression de la réflexion sur l'origine de la machine de propagande israélo-américaine issue du rapport de forces en 1945. Si les gouvernements européens n'arrivent pas à se dégager de la coopération militaire que les Etats-Unis veulent leur imposer, bientôt toute analyse de fond de la politique impériale sera étiquetée terroriste, et combattue comme telle.
Maintenant , plus que jamais, il faut revenir sur tous les préambules du décervellement qui vient d'être répandu sur le monde, premier profit immédiat des attentats pour certains ; ces attentats avaient un côté prévisible dans la mesure où l'arrogance et l'aveuglement des Etats-Unis sont une provocation permanente pour tous les autres peuples, comme leurs gratte-ciels pharaoniques ; nous y voyons à l'oeuvre un usage pervers de la technologie de pointe, la main mise de certains sur les services de renseignement américains, un sens aigu du contexte mondialisé, et le détournement de l'humilité désespérée qui préside à la décision de s'immoler, et que comprennent tous ceux qui ont subi dans leur âme la transmutation foudroyante de l'impuissance devant l'injustice.
Etre habitué à déchiffrer les vieux mensonges, accepter de reconnaître qu'on s'est fait rouler dans la farine, c'est s'armer pour démanteler les nouveaux mensonges. Déjà, on peut rappeler la liste des attentats spectaculaires qui ont ébranlé les Etats-Unis depuis le début de leur expansion impériale, et qui ont chaque fois suscité la commotion dont les dirigeants avaient besoin pour faire accepter à la population leur entrée en guerre contre un pays étranger :l'explosion inexplicable du cuirassé Maine en 1895 devant La Havane, qui permit au président Mac Kinley de mobiliser l'opinion publique pour déclarer la guerre à l'Espagne, et l'écraser à plate couture ; en 1917, des navires allemands coulèrent avec une facilité inespérée des bateaux américains : ce fut le bon moment pour faire accepter aux citoyens l'entrée dans une guerre qui leur semblait une affaire lointaine entre Européens ; pour la défaite de Pearl Harbour, on dispose de nombreux éléments pour affirmer qu'elle a été voulue et facilitée par de hauts responsables ; dans le golfe du Tonkin en 1964, il  fallai t trouver un prétexte pour déclarer la guerre au Viet-Nam.
Aujourd'hui, l'emprise que les Américains cherchent à consolider militairement sur le monde musulman requiert un colossal effort de propagande ; pour d'autres entreprises, les choses peuvent se faire plus discrètement : ainsi, pour la reprise en main du Viet-Nam, le remplacement du régime par un gouvernement à la botte des Etats-Unis, une loi a été votée le 6 septembre dernier, sans trop de difficultés : le " Viet-Nam Human Rights Act "prévoit l'octroi de deux millions de dollars, deux ans de suite, aux O N G , individus et associations qui oeuvreront dans le sens souhaité, avec la langue de bois qu'affectionne l'Occident, se gargarisant de droits humains en oubliant le droit de résistance de chaque peuple contre celui qui prétend l'occuper....
Or on peut constater que la propagande de guerre, brutale, exorbitante, cousue de fil blanc pour tous ceux qui ont les moyens d'aller au-delà de l'hypnose par l'image, a une durée d'efficacité chaque fois plus courte : la guerre contre l'Irak, dix ans plus tard, est décryptée mondialement pour ce qu'elle a été réellement ; la guerre contre la Yougoslavie ne trompe déjà plus que ceux qui veulent persister dans un rêve confortable. Pour empêcher la troisième guerre mondiale dans laquelle ses dirigeants veulent précipiter les Américains, et nous avec, il est indispensable de démasquer rapidement les véritables instigateurs du crime planétaire en cours, que nous cache l'écroulement des tours jumelles, monuments jumeaux à la cupidité et à la vanité ; pour cela, il est bon de se souvenir de ces points d'histoire ténébreux qui déclenchent dans nos pays la répression de la liberté de réflexion, la répression précise qui s'est abattue sur Roger Garaudy par exemple. Nul doute que là sont enterrés une bonne partie des secrets qu'on nous cache, dont on veut absolument nous détourner, au montent où le monde arabe, indigné par le soutien américain à la politique génocidaire d'Ariel Sharon, commence à s'y intéresser ; l'écroulement des tours constitue un leurre utile à ceux qui craignent que du monde musulman émergent les arguments ruineux pour leur propagande dans nos pays ; la terreur verbale dont on nous entoure ces jours-ci plus que jamais peut s'avérer un instrument très fragile pour la domination planétaire souhaitée par de sinistres assassins à la mémoire très courte.

Paris, le 28 septembre 2001

(1) - La brochure "Droit de réponse" ( 4 0 p . ) peut être commandée à l'Association pour le dialogue des cultures...
(2) - La répression de la manifestation contre la mondialisation, en août dernier à Gènes, fait suite à la formation spéciale reçue aux Etats-Unis par soixante dix officiers.

A  C o n t r e - N u i t - N° 16