[NDLR: éditorial de la revue "A contre-nuit", n°16, août-sept 2001; non signé dans la revue, son auteur est Maria Poumier; voir son site http://plumenclume.org/ avec des publications de - ou au sujet de - Roger Garaudy ]
C'est Roger
Garaudy qui devait rédiger cet éditorial. Il a été pris d'une souffrance très
grave, typique des grandes intelligences débordantes de puissance, alors qu'il
venait de donner une conférence de presse à Cordoue, et s'en remet ces
jours-ci, avec une vitalité qui tient du miracle.
C'était la
veille de l'inauguration de la bibliothèque qu'il avait créée, pour regrouper
les oeuvres fondatrices de la civilisation andalouse, à l'époque où les
penseurs musulmans, chrétiens et juifs y firent fructifier une sagesse véritablement
transversale. L'équipe de l a revue A contre-nuit s'est constituée autour de
Roger Garaudy à la suite du lynchage médiatique dont il a fait l'objet en
France en 1996. Nous demandons à nos lecteurs de prendre conscience, après
l'épisode brutal qui a failli nous priver définitivement de sa clairvoyance
généreuse, que nous avons besoin de leur soutien actif: par le règlement des
abonnements en retard, par des initiatives de diffusion de la revue, par des efforts
pour rendre visible en France la germination des idées de Roger Garaudy, que l'establishment,
pour le moment encore soumis aux diktats du sionisme, veut nier et piétiner
sous la diffamation.
L'une des
qualités de notre ami a toujours été sa capacité pour rebondir après une
défaite, et lancer de nouveaux chantiers, issus de ceux qu'il avait su rendre
explosifs. A Cordoue, il a créé dans la tour romaine dite de la Calahorra la
Fondation pour le Dialogue des Cultures. Aux XI1° et XII1° siècles, l'Andalousie
rayonna d'une civilisation où l'Islam jouait le rôle libérateur ; les penseurs
et les savants y dialoguaient, la différence de confession ne constituant pas
un obstacle aux échanges. Quand on constate que ce qui distingue Roger Garaudy
des intellectuels français de sa génération, c'est précisément sa ténacité pour
réhabiliter la pensée islamique et conjuguer les apports philosophiques des
trois religions abrahamiques, alors que l'Occident a choisi de borner son
horizon à un judéochristianisme appauvrissant, on en vient à voir en lui un
nouveau soufi typique de Al Andalus; combinant le talent poétique, la maîtrise
de ses connaissances, le talent pour peser dans son contexte et pour faire
progresser la justice, le tout dans la plus grande simplicité, encore à
quatre-vingt neuf ans...
La Bibliothèque
qu'il a conçue, pour compléter le Musée de Al Andalus, doit faire avancer la
connaissance par l'Europe des grands textes de Al Andalus, qui sont encore
complètement méconnus en dehors du monde musulman.
Nous donnons à
lire dans ce numéro le texte qu'il a préparé pour l'inauguration, où se déploie
son lyrisme solaire auquel l'actualité tragique nous empêche si souvent de
consacrer la reconnaissance nécessaire.
A propos des
" états voyous ", il nous semble opportun de rappeler que Roger Garaudy a
publié u n texte remarquable intitulé "Droit de réponse" (1)
qu'il fit circuler après son procès (I) de 1996; il y résume les arguments de
son combat contre le sionisme et la main-mise d'Israël sur les Etats-Unis et
sur la France. Déjà il donnait à entendre qu'un " hyper-état voyou "
était en train de se constituer, à l'échelle de la globalisation. Une des
caractéristiques les moins contestables de l'Etat voyou (ce que sont tous les
Etats, peu ou prou, selon la conjoncture et les moyens qui sont les leurs à un
moment donné) est l'usage systématique de l a mystification, comme instrument
spirituel pour contrecarrer l'expression de la volonté et de la pensée des
nations réelles.
Ces jours-ci commence à se dissiper l'épais
rideau de fumée qui a recouvert l'Occident tout entier à la suite de
l'effondrement du World Trade Center. La somptuosité de la mise en scène
commence à apparaître pour ce qu'elle est : une mise en scène, pour un film d'horreur
destiné à paralyser la réflexion du monde entier. Contrairement à ce que nous
dit notre sensibilité hallucinée par l'épouvante, ce n'a pas été l'apocalypse.
Le vrai génocide est celui que préparent, dans la pleine lumière de l'impunité
qu'ils croient acquise, les assassins qui manipulent le peuple américain comme
ils font obéir le président Bush : pour le contrôle des routes du pétrole, pour
lier les mains à la diplomatie européenne, russe, chinoise, indienne, avec pour
porte-avions décisif l'état hébreu. Le peuple afghan est en première ligne,
mais c'est toute l'aire culturelle musulmane qui est menacée, parce que c'est
l'aire où les valeurs humaines, c'est-à-dire sacrées, sont entrées en conflit
ouvert avec l a dictature de l'économique ou "monothéisme du marché
", selon l'expression percutante de Roger Garaudy.
Le Droi t de
réponse de 1996, r e l u à la lumière des événements qui ont véritablement
marqué l'entrée dans le troisième millénaire (2), est prémonitoire : nous
sommes désormais victimes, à l'échelle de tout l'Occident, et non plus
seulement dans le tout petit monde des médias français, de l'escroquerie et du
chantage de ceux qui ont fait condamner Roger Garaudy par les tribunaux, et
ridiculisé la justice française. Depuis 1990, ce qui était interdit au moyen de
la loi Fabius-Gayssot, c'était l'expression de la réflexion sur l'origine de la
machine de propagande israélo-américaine issue du rapport de forces en 1945. Si
les gouvernements européens n'arrivent pas à se dégager de la coopération
militaire que les Etats-Unis veulent leur imposer, bientôt toute analyse de
fond de la politique impériale sera étiquetée terroriste, et combattue comme
telle.
Maintenant ,
plus que jamais, il faut revenir sur tous les préambules du décervellement qui
vient d'être répandu sur le monde, premier profit immédiat des attentats pour
certains ; ces attentats avaient un côté prévisible dans la mesure où
l'arrogance et l'aveuglement des Etats-Unis sont une provocation permanente
pour tous les autres peuples, comme leurs gratte-ciels pharaoniques ; nous y
voyons à l'oeuvre un usage pervers de la technologie de pointe, la main mise de
certains sur les services de renseignement américains, un sens aigu du contexte
mondialisé, et le détournement de l'humilité désespérée qui préside à la décision
de s'immoler, et que comprennent tous ceux qui ont subi dans leur âme la
transmutation foudroyante de l'impuissance devant l'injustice.
Etre habitué à
déchiffrer les vieux mensonges, accepter de reconnaître qu'on s'est fait rouler
dans la farine, c'est s'armer pour démanteler les nouveaux mensonges. Déjà, on
peut rappeler la liste des attentats spectaculaires qui ont ébranlé les
Etats-Unis depuis le début de leur expansion impériale, et qui ont chaque fois
suscité la commotion dont les dirigeants avaient besoin pour faire accepter à
la population leur entrée en guerre contre un pays étranger :l'explosion
inexplicable du cuirassé Maine en 1895 devant La Havane, qui permit au
président Mac Kinley de mobiliser l'opinion publique pour déclarer la guerre à
l'Espagne, et l'écraser à plate couture ; en 1917, des
navires allemands coulèrent avec une facilité inespérée des bateaux américains
: ce fut le bon moment pour faire accepter aux citoyens l'entrée dans une
guerre qui leur semblait une affaire lointaine entre Européens ; pour la
défaite de Pearl Harbour, on dispose de nombreux éléments pour affirmer qu'elle
a été voulue et facilitée par de hauts responsables ; dans le golfe du Tonkin
en 1964, il fallai t trouver un prétexte
pour déclarer la guerre au Viet-Nam.
Aujourd'hui,
l'emprise que les Américains cherchent à consolider militairement sur le monde
musulman requiert un colossal effort de propagande ; pour d'autres entreprises,
les choses peuvent se faire plus discrètement : ainsi, pour la reprise en main
du Viet-Nam, le remplacement du régime par un gouvernement à la botte des
Etats-Unis, une loi a été votée le 6 septembre dernier, sans trop de
difficultés : le " Viet-Nam Human Rights Act "prévoit l'octroi de
deux millions de dollars, deux ans de suite, aux O N G , individus et
associations qui oeuvreront dans le sens souhaité, avec la langue de bois
qu'affectionne l'Occident, se gargarisant de droits humains en oubliant le droit
de résistance de chaque peuple contre celui qui prétend l'occuper....
Or on peut
constater que la propagande de guerre, brutale, exorbitante, cousue de fil
blanc pour tous ceux qui ont les moyens d'aller au-delà de l'hypnose par
l'image, a une durée d'efficacité chaque fois plus courte : la guerre contre
l'Irak, dix ans plus tard, est décryptée mondialement pour ce qu'elle a été
réellement ; la guerre contre la Yougoslavie ne trompe déjà plus que ceux qui
veulent persister dans un rêve confortable. Pour empêcher la troisième guerre
mondiale dans laquelle ses dirigeants veulent précipiter les Américains, et
nous avec, il est indispensable de démasquer rapidement les véritables
instigateurs du crime planétaire en cours, que nous cache l'écroulement des tours
jumelles, monuments jumeaux à la cupidité et à la vanité ; pour cela, il est
bon de se souvenir de ces points d'histoire ténébreux qui déclenchent dans nos
pays la répression de la liberté de réflexion, la répression précise qui s'est
abattue sur Roger Garaudy par exemple. Nul doute que là sont enterrés une bonne
partie des secrets qu'on nous cache, dont on veut absolument nous détourner, au
montent où le monde arabe, indigné par le soutien américain à la politique
génocidaire d'Ariel Sharon, commence à s'y intéresser ; l'écroulement des tours
constitue un leurre utile à ceux qui craignent que du monde musulman émergent
les arguments ruineux pour leur propagande dans nos pays ; la terreur verbale
dont on nous entoure ces jours-ci plus que jamais peut s'avérer un instrument très
fragile pour la domination planétaire souhaitée par de sinistres assassins à la
mémoire très courte.
Paris, le 28
septembre 2001
(1) - La
brochure "Droit de réponse" ( 4 0 p . ) peut être commandée à l'Association pour le
dialogue des cultures...
(2) - La
répression de la manifestation contre la mondialisation, en août dernier à
Gènes, fait suite à la formation spéciale reçue aux Etats-Unis par soixante dix
officiers.
A C o n t r e - N u i t - N° 16