CET ouvrage n'est pas seulement intéressant par le problème
qu'il traite, et traite bien. Le ton sur lequel il est écrit, et qui est dans l'ensemble d'une grande sérénité, montre ce que peuvent être la richesse et l'originalité d'une pensée communiste,
enfin libérée de la gangue stalinienne, qui replace l'homme au
centre de ses préoccupations. On souhaite qu'en U.R.S.S. aussi paraissent bientôt des livres aussi indifférents aux tabous, aussi capables d'étudier une question à
fond et de discuter, par exemple, les thèses
de Trotsky avec un calme suffisant pour écrire
que Staline avait exagéré, pour les besoins de sa polémique contre lui, l'ampleur de sa divergence avec Lénine sur le rôle de la paysannerie dans la révolution. M. Garaudy n'hésite même
pas — brièvement
il est vrai — à
répondre à
la question, jadis posée
par Togliatti et considérée alors comme sacrilège,
de savoir pourquoi, dans les deux plus grands pays socialistes du monde, la révolution marxiste a engendré le culte de la personnalité. L'explication qu'il en donne nous paraît quant à
nous de nature à satisfaire, pour l'essentiel, plus d'un non-marxiste.
Il n'est pas jusqu'à l'ambition essentielle qu'il assigne au
communisme, à savoir la «
promotion qualitative des besoins de l'homme »,qui ne soit séduisante
pour beaucoup de gens, qui, sans donner dans les illusions de l'angélisme, veulent tout de même croire que l'homme ne se nourrit pas que de
pain. Cette manière de penser est aux antipodes du stalinisme ou du jdanovisme; elle l'est plus encore évidemment à
celles du maoïsme. Mais l'auteur se garde pour parler decelui-ci des schématisations
grossières trop souvent employées à Moscou. Bien qu'il désapprouve, et de plus en plus,au fur et à
mesure que son analyse progresse, il s'efforce beaucoup plus de comprendre et
d'expliquer que de dénoncer. Son étude
historique et sociologique de terrain sur lequel le socialisme s'est installé en Chine est dans l'ensemble d'une grande objectivité et résulte
de toute évidence d'une très
longue recherche personnelle. A quoi s'ajoute que M. Garaudy s'exprime avec beaucoup de
clarté et de simplicité
.C'est sur ses conclusions évidemment qu'on le critiquera le plus : les « pro - chinois »
en dénonçant dans la coexistence pacifique qu'il préconise la voie ouverte à
toutes les compromissions avec l'impérialisme
et le capitalisme, les libéraux en opposant à
sa foi les inquiétants avatars auxquels a conduit, parfois en un
demi-siècle, la greffe du socialisme sur deux grandes nations historiques. Aux uns et aux autres
cependant on ne saurait trop conseiller la lecture d'un ouvrage qui fait passer un
souffle salubre dans une controverse où
la mauvaise foi et le parti pris sont de part et d'autre trop souvent évidents.
Un volume de 300 pages
illustré
aux Editions Seghers, 19 F.(L'illustration
de l'article repésente l'édition de poche chez
de l'article repésente l'édition de poche chez
10-18 Editeur UGE, 1968, n°387-388)
Le Monde. Supplément au n°7014 du 2/08/1967