En présence d'universitaires, d'écrivains, de théologiens, et de spécialistes de l'Andaluz, parmi lesquels Balbino Povedano (dont le blog publie ici l'intervention), Margarita Ruiz
Shrader, Juan José Tamayo, Jacques Moreillón, Gabrielle Nanchen, Manuel
Pimentel, Virginia Luque, Inma Fernández, un hommage a été rendu le 5 mars 2014 à Roger Garaudy à Cordoue, siège de la Fondation qu'il y a créé. Le maire de Cordoue, José Antonio Nieto, y était présent, aussi pour remercier la famille Garaudy d'avoir fait don en décembre 2011de sa bibliothèque philosophique (environ 3000 ouvrages).
La presse a rendu compte de cet évènement: http://rogergaraudy.blogspot.fr/2014/03/cordoba-homenaje-en-memoria-de-roger.html.
Voici le texte de l'intervention de Françoise Garaudy à cette occasion:
Je suis très émue aujourd'hui de voir ici à Cordoue les livres qui ont
nourri
la pensée de mon père pendant plus d'un demi-siècle et qui ont
contribué
à son immense culture.
Je retrouve la couleur des couvertures, il savait, dans sa bibliothèque
me dire la place exacte de chaque livre, sa couleur quand, à la fin de
sa
vie, il lui était difficile de les chercher lui-même.
Ses centres d'intérêt étaient multiples: la philosophie bien sûr, mais
aussi la
théologie, l'histoire,
l'environnement, l'art dans toutes ses expressions:
poésie, peinture, architecture, danse, cinéma, etc…
Cette avidité de savoir n'avait pour lui qu'une mission première:
changer
la vie mais surtout en découvrir le sens et, pour en découvrir le
sens, le
dialogue avec l'autre lui était indispensable. Il disait:
"Il n'y a de véritable dialogue que si chacun est pénétré de
cette certitude
que l'autre homme est ce qui lui manque pour être pleinement un
homme."
Sa vie était dirigée par ces valeurs auxquelles il était profondément
attaché: l'ouverture, la
critique, l'universalité et l'espoir. Il a toujours
attiré l'attention sur la contributions des différentes cultures et
civilisations en mettant les capacités de l'homme au centre de son intérêt.
Ce besoin de connaissance a fait de lui un témoin passionné, un acteur
et
une conscience critique du XXe siècle.
Sa quête d'universalité, de sagesse, d'espoir à trouvé sa
concrétisation à
Cordoue. Cette ville qui, du 9e au 13e siècle était la plus grande
ville du
monde par son rayonnement culturel.
Un poète disait:
"Par quatre merveilles Cordoue a dépassé toutes les capitales: le
pont
jeté sur le Guadalquivir, sa grande mosquée, son palais d'AI Zahra et,
la
quatrième, la plus éclairante: sa culture."
C'est donc à Cordoue, et avec beaucoup de persévérance, qu'il a créé le
musée de la Calahorra, un bel outil pédagogique qui perpétue ce
rayonnement et qui permet à la population de Cordoue de se
réapproprier
son histoire. Aujourd'hui, ce musée est toujours aussi vivant, grâce à
l'enthousiasme militant de toute une équipe depuis plus de 20 ans.
Puis, la
Fondation s'est enrichie de cette magnifique bibliothèque qui est
devenue
un lieu vivant où colloques, conférences, rencontres, expositions,
spectacle contribuent à faire revivre ce message de Cordoue, capitale
de
l'esprit.
La Fondation Paradigma Cordoba, qui nous réunit aujourd'hui, n'est pas
devenue un mausolée de l'Andalous mais une institution qui prolonge et
actualise l'exemplarité de ce rayonnement, ce rayonnement qui nous a
transmis ce grand message d'unité, de respect et de symbiose de la
pensée islamique et judeo-chretienne. Dans ce message la science
n'est
jamais séparée de la sagesse ni de la foi. Cette réflexion sur
les fins et sur
la foi est toujours au coeur de nos préoccupations, elle pose le
problème
de la dimension morale de toutes les avancées humaines: le nucléaire,
la
manipulation génétique, la croissance économique, etc.. L'exemple du
passé doit nous servir pour comprendre le monde d'aujourd'hui.
Le foisonnement des idées, le développement de la science et la
création
artistique ne peuvent vivre que si un véritable dialogue de tolérance,
de
respect permet aux intelligences de s'exprimer.
Je suis, je le répète, très émue d'affirmer les espoirs de mon père,
sa
confiance indestructible en l'homme, cette confiance qu'il a transmis
à
toute l'équipe de cette fondation pour poursuivre cet idéal pour qu'un
jour le "vivre ensemble", la "Convivencia" soit
réalité.
Le Musée de la Calahorra, la Bibliothèque Vivante de l'Andalous, le
Forum
de Cordoue, le Chemin de Compostelle à Cordoue, sont les moyens que
nous nous sommes donnés pour perpétuer, transmettre, faire revivre
l'esprit de cette espérance de "convivencia" dans les
différentes
communautés humaines.
Je terminerai par cette courte phrase d'un moine chrétien du XIIIe
siècle,
Ramon Lulle, qui symbolise à mes yeux cet esprit de Convivencia:
"L'homme n'est pas seul et le monde a un sens. Chacun, le juif,
le chrétien,
le musulman voulait honorer les autres et accorder aux autres
l'honneur
de
commencer".