« Des liens profonds, écrit Franklin Lamb, unissent les Musulmans et les Chrétiens depuis le sacrifice de Hussein bin Ali à Karbala au 7ième siècle et celui de Jésus Christ au Calvaire au premier siècle de notre ère. Ces deux sacrifices ont établi pour toujours le principe divin du sacrifice de sa vie dans le combat contre l’injustice et dans l’intérêt supérieur de la communauté. Ils relient indissolublement les deux religions et leurs fidèles. »
Qu'en est-il aujourd'hui en Iran selon Franklin Lamb, bon connaisseur semble-t-il ?
Michel Peyret
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Les Iraniens et l'amitié
Analyses ,19 février 2013
par FRANKLIN LAMB
Téhéran – L’observateur étasunien que je suis a participé à d’innombrables conférences internationales et a voyagé dans plus de 70 pays. Mais il n’a jamais rencontré une société aussi complexe, évolutive, énergique, industrieuse et riche en idéalistes chaleureux qui ont le sens de l’humour et qui aident ceux qui sont dans le besoin que la société de la République Islamique d’Iran.
Se trouver en Iran, en ces temps difficiles (de sanctions, ndt), est une expérience bouleversante car on prend conscience que les Iraniens et les Étasuniens ont tant de besoins et d’intérêts communs – oui, même en ce qui concerne les croyances religieuses – que les deux peuples devraient immédiatement restaurer leurs relations et revenir à l’époque où 60 000 étudiants iraniens faisaient leurs études aux États-Unis et où des milliers d’Étasuniens vivaient et travaillaient en Iran – dans la plus parfaite harmonie et pour le plus grand profit de tous.
Des liens profonds unissent les Musulmans et les Chrétiens depuis le sacrifice de Hussein bin Ali à Karbala au 7ième siècle et celui de Jésus Christ au Calvaire au premier siècle de notre ère. Ces deux sacrifices ont établi pour toujours le principe divin du sacrifice de sa vie dans le combat contre l’injustice et dans l’intérêt supérieur de la communauté. Ils relient indissolublement les deux religions et leurs fidèles.
Il n’y a probablement aucun pays qui soit si incompris des États-Unis que l’Iran. Et c’est dû presque entièrement à la politique de diabolisation qui mène à tout déformer, y compris les parties des discours du président Ahmadinejad qui portent sur Israël et les États-Unis, sur la nécessité historique de libérer la Palestine occupée, et sur le droit de tous les pays de développer l’énergie nucléaire à des fins pacifiques et de vivre libres et indépendants sans avoir à se soumettre à l’hégémonie occidentale sous l’égide des États-Unis. La plupart des Étasuniens ne connaissent de l’Iran que les rediffusions biaisée des discours du président Mahmoud Ahmedinejad contre les États-Unis et Israël.
En voilà un exemple: la BBC et les médias occidentaux ont dit que pendant la célébration, samedi dernier, du 34ème anniversaire de la révolution iranienne la foule « était frénétique et psalmodiait ‘mort à l’Amérique’ « . Je me trouvais là et je peux vous dire que c’est globalement faux. J’ai entendu par ci par là quelques slogans de ce type mais ils étaient mêlés à des chants révolutionnaires ou des exhortations religieuses, et les gens songeaient surtout à s’amuser. Offrir de l’eau, aider les vieilles personnes ou les enfants, voilà ce qui était au cœur des célébrations. Les gens étaient heureux, pas en colère, et ils se montraient curieux et aimables envers les quelques Étasuniens présents.
Il suffit de lire le moindre quotidien occidental pour y trouver des articles écrits par des iranophobes islamophobes apologistes du Sionisme comme Jennifer Rubin. Dans son long article du Washington Post le jour de la Saint Valentin, Mme Rubin fulmine de manière venimeuse contre tout Étasunien qui oserait exprimer la moindre opinion objective sur l’Iran. Mme Rubin, qui est une ancienne bénévole de l’AIPAC, a fustigé la nomination au secrétariat de la Défense de Chuck Hagel, l’ancien sénateur, de conserve avec 52 organisations sionistes des États-Unis, le mois passé, parce qu’il s’est prononcé en faveur d’une relation de respect et de bienveillance mutuels avec l’Iran. Les propos de Hagel sur les sanctions imposées à l’Iran et à la Syrie sous l’égide étasunienne et sur la nécessité de reconstruire la confiance et de normaliser les relations par le dialogue, sont impardonnables à leurs yeux.
Voilà ce que Hagel a dit à propos des relations entre l’Iran et les États-Unis: « Nous ne devrions pas mettre des conditions aux pourparlers ni rejeter toutes les alternatives pour n’en retenir qu’une seule que nous ‘dicterons’ à l’Iran ». Déjà, en 2007, Hagel avait dit que : « Dans le Moyen-Orient du 21ième siècle, l’Iran sera un centre de gravité capital… un important pouvoir régional. Les États-Unis ne peuvent pas changer cette réalité. La politique stratégique étasunienne du 21ième siècle pour la région du Moyen-Orient doit intégrer le rôle de l’Iran d’aujourd’hui et des prochaines 25 années. » Et Hagel a ajouté: « En ce qui concerne l’Afghanistan, les États-Unis et l’Iran ont des intérêts communs – défaire les Talibans et les extrémistes islamiques, stabiliser l’Afghanistan, arrêter la production d’opium et empêcher l’entrée de l’opium en Iran. Ces intérêt communs doivent engendrer des actions communes à la poursuite d’une objectif commun. C’était l’intérêt de l’Iran de collaborer avec les États-Unis en Afghanistan. Il ne s’agissait pas d’aider les États-Unis ni de consolider la présence étasunienne en Asie Centrale. C’était une décision lucide dictée à l’Iran par des raisons personnelles. »
Il se peut que Hagel se soit un peu trompé en ce qui concerne l’Afghanistan et les Talibans, mais Mme Rubin a accusé Hagel de traîtrise et s’est jointe au Lobby Israélien pour déclencher une chasse aux sorcières contre lui en écrivant: « Pourquoi le président devrait-il choisir quelqu’un d’aussi respectueux du gouvernement révolutionnaire islamique? … Pendant les vacances parlementaires du Congrès, le Sénat devrait y penser. Et ce serait intéressant de savoir qui l’a aidé à écrire des discours aussi intensément pro-Téhéran. »
En Iran, aujourd’hui, on n’entend pas de discours aussi pleins de haine que ceux de Mme Rubin contre le renversement anglo-étasunien de 1953 du leader iranien Mohammad Mossedeg, ni contre l’attaque et la destruction le 3 juillet 1988 d’un avion civil iranien, le vol 655, ni contre le fait que les États-Unis aient donné des armes chimiques à l’Irak quand ce dernier a agressé l’Iran avec le soutien des États-Unis, ni même contre les assassinats récents de savants iraniens.
Avec les Étasuniens les Iraniens parlent le plus souvent de la nécessité d’améliorer les relations entre les deux pays ou alors ils leur demandent comment se passe leur séjour en Iran et s’ils ont besoin d’aide ou d’information sur le pays. Les Iraniens sont naturellement aussi ouverts que les Étasuniens et à la différence de beaucoup d’autres pays, il n’y a aucun sujet tabou.
En ce qui me concerne, j’ai échangé avec les Iraniens sur des sujets comme l’exécution par la « police des mœurs » des dealers et des homosexuels, la « lapidation » des femmes, les attaques contre la foi Bahá’i, la deuxième religion du pays après l’Islam, la « Révolution Verte » de 2009 et tout ce qui a pu nous venir à l’esprit comme la consommation d’alcool et les rendez-vous amoureux en public.
Je me souviens d’une conversation hilarante que j’ai eue avec quatre étudiantes dans la vingtaine au cours d’une Conférence la semaine dernière à propos du nombre de femmes portant le Tchador qui se maquillaient ouvertement (plus de 60%), de la rapidité avec laquelle la société iranienne changeait et de la quantité de cheveux que certaines femmes montraient en public. Je leur ai demandé si cela n’était pas interdit par une Fatwa et comment elles géraient cela. Les réponses ont fusé. Aucune d’entre elles n’avait vu la « police des mœurs » dont l’Occident fait tant de cas, depuis longtemps. Apparemment elle se fait rare. Une jeune fille a dit qu’en effet elle portait son hijab en laissant voir les deux-tiers de sa tête et a-t-elle dit: « si un de ces types osaient me dire quelque chose, je lui répondrais de s’occuper de ses affaires ou si je suis de bonne humeur je ferai semblant d’être très très surprise, je hausserais les épaules, lui ferais un clin d’œil et je lui dirais quelque chose comme: « Oh je suis vraiment désolée, vraiment! Ça doit être le vent qui a repoussé mon voile et je ne m’en suis pas rendu compte! Même s’il n’y a pas eu de vent depuis des jours. »
Les Iraniennes sont intelligentes, volontaires, parfois même un peu sans gêne et naturellement séduisantes. Qui voudrait faire partie d’une unité de « police des mœurs »? D’après ces jeunes filles, ce qui peut vous arriver de pire si cette police vous arrête dans la rue et que vous lui dites d’aller se faire voir ou même pire, c’est une amende et que vos parents soient obligés de venir au poste de police pour signer un papier comme quoi vous promettez de vous améliorer et d’avoir un comportement plus modeste en public. Ce qui n’est pas du tout la même chose que ce que MSM nous raconte en Occident.
Et qu’on se trouve à une conférence internationale sur l’Hollywoodisme à l’hôtel Azadi (liberté) qui était le Hyatt avant la révolution, ou dans le métro de Téhéran (beaucoup plus propre que celui de New York), ou au Souk, ou en train de visiter le Musée de la Sainte Défense (dont le thème est la guerre de 8 ans Irak-Iran), ou de visiter la maison de l’Imam Ruhollah Khomeini qui a mené la Révolution de 1979 jusqu’à sa mort le 3 juin 1989, ou en train de marcher vers le Square Azadi en compagnie de presque 2 millions de gens pour commémorer l’anniversaire du renversement de l’agent des Étasuniens, le Shah Reza Palavi, on se rend clairement compte que les Iraniens sont aussi aimables qu’ils sont doués.
Quand je suis rentré dans le métro bondé de Téhéran, deux jeunes gens se sont immédiatement levés pour me donner leurs places. Nous avons eu une conversation animée et passionnante. L’un des deux, Hamzeh, a dit: « Vous savez, nous comprenons les États-Unis et il nous semble que nous devrions être amis. Nos deux pays sont uniques culturellement parlant. Votre pays s’est développé à partir de la culture européenne mais a évolué dans une toute autre direction. Et nous, ce sont les Arabes qui nous ont apporté l’Islam mais, comme vous avez pu vous en rendre compte j’en suis sûr, notre identité est tout à fait différence de celle des nations arabes. »
Mahmoud a ajouté: « Notre société est aussi composée de nombreuses minorités mais nous avons une identité iranienne unique et nous sommes très fiers de notre culture. Nous connaissons bien les coutumes occidentales. Au cours des deux siècles derniers nous nous sommes ouverts au monde occidental et la culture européenne nous a influencés même si certaines de ses idées, comme la démocratie, n’ont jamais pu se développer correctement ici sans que nous y renoncions. Mais nous savons aussi ce que cela signifie d’être une superpuissance. Nous en étions une autrefois et nous continuons de jouer un rôle important dans cette partie du monde depuis, c’est pourquoi il nous est impossible de nous soumettre à un pouvoir occidental ou oriental. »
Rien n’est plus bouleversant pour les Étasuniens en général et moi en particulier que de visiter la résidence de l’Imam Kohmeini et d’entendre ses voisins et ses étudiants parler de ce grand érudit et révolutionnaire. Sa maison et Hassineyeh sont restés comme ils étaient à sa mort et un voisin nous a raconté que Khadije Saghafi, la femme de Khomeini qui est morte en 2009, lui avait dit qu’il n’y avait qu’une seule chose que l’Iman avait refusée de faire pour elle toute sa vie. Et c’était de lui demander un verre d’eau au moins une fois. Il ne voulait rien imposer aux autres et s’il l’avait pu, il aurait même empêché le vent de balayer trop vivement le visage des siens. Un autre voisin a ajouté: « Quand nous allions chez lui, nous le trouvions souvent en train de faire la vaisselle, de balayer ou de participer à d’autres travaux domestiques ».
Selon d’autres personnes qui le connaissaient bien, l’Iman menait une vie très pieuse. Pendant les durs hivers de Qom, il se réveillait chaque nuit, faisait ses ablutions (purification rituelle avant la prière) avec de l’eau glacée et faisait ses prières de la nuit. Il fallait refaire la reliure de son Mafatih (calendrier de prières) toutes les semaines tant il s’en servait. Avant d’enseigner à ses étudiants le militantisme politique, il insistait sur l’importance de la spiritualité et sur la nécessité de se rapprocher d’Allah. La modestie et la simplicité du style de vie du leader de la révolution iranienne, Imam Khomeini, touchent tout le monde, y compris beaucoup d’Etasuniens.
Il y a toutes les raisons du monde pour que Washington tende la main à l’Iran, pas seulement en paroles mais en actes. Le peuple iranien et de nombreux Étasuniens le désirent ardemment et ce serait bénéfique pour les deux sociétés. Les contacts, les visites et les discussions ouvertes contribueraient à détendre les relations entre l’Iran et les États-Unis. Et on peut espérer que les deux peuples finiront par faire pression sur leurs gouvernements pour qu’ils oublient le passé et se tournent vers l’avenir en recréant des liens d’amitié.
Franklin Lamb fait de la recherche en Syrie. On peut le joindre à: fplamb@gmail.com
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Traduction: Dominique Muselet