L’homme
occidental à travers son art (suite)
L'art de
la Renaissance. L'économie
marchande et la
concentration urbaine, le commerce à
longue distance,
ont créé une forme nouvelle
d'économie : le capitalisme.
La classe qui détient les formes
nouvelles de la
richesse est en pleine ascension.
Les découvertes
scientifiques et techniques, à la
fois cause et conséquence
de cette métamorphose de l a
société, l'exploration
des mondes nouveaux, tout relativise
les valeurs
anciennes, fait passer l'esprit
d'entreprise et d'aventure
avant les vertus anciennes de
l'obéissance et de la
Dessin de Léonard de Vinci.
Les proportions du corps humain
d'après Vitruve. Vers 1492.
(Académie royale, Venise.)
résignation, les valeurs de la
raison qui transforme le
monde avant celles de la
contemplation et de la foi.
Le langage plastique est bouleversé
par cette
nouvelle vision du monde et de l'homme.
La perspective
n'est plus théocentrique comme dans
l'art
byzantin ; l'espace n'est plus
compartimenté, comme
dans la peinture gothique. La
perspective est définie à
partir de l'homme, de l'homme
individuel. Tout
s'ordonne à partir de son regard. Il
est le centre et la
mesure de toutes choses. Il prend
possession de
l'espace, qui devient le chantier de
son activité. Tous
les compartimentages sont balayés
et, jusqu'à l'horizon
d'un espace sans limite, règne un
seul réseau géométrique
de rapports où tout est mesurable,
transparent à la
raison, soumis à la maîtrise de
l'homme q u i a pris la
relève de Dieu.
A l'humanisation du divin a succédé
une divinisation
de l'homme.
L'art du
XXe siècle.Cette esthétique de la
Renaissance, définissant la peinture
comme reconstruction
du monde selon un plan humain,
régnera
pendant trois siècles. Elle
dégénérera en académisme
dès la fin du XVIIe
siècle
(c'est-à-dire qu'elle continuera
à mettre en oeuvre les mêmes
formules mais sans être
vivifiée par l'expérience
conquérante du monde qui en
était l'âme).
Elle ne commencera à être mise en
question que
lorsque seront elles-mêmes mises en
question les fins de
la vie et de l'histoire. Avec la
Révolution française
germe l'idée que l'homme peut créer
un autre ordre de
la société (au lieu de se limiter à
reconstruire l'ordre
existant). La conception même de
l'art s'en trouve
changée. Tout comme dans les
sciences, la vérité
apparaîtra de moins en moins comme
une concordance
de l'idée avec les choses, avec un
monde tout fait ;
l'Allemagne de Goethe et de Fichte,
comme l'écrira
Delacroix après Madame de Staël, «
ne considérait
point l'imitation de la nature comme
le principal objet
de l'art ».
Le rôle de l'art sera de plus en plus
de créer un
univers autonome ayant ses lois
propres. Il n'aura plus
pour tâche n i d'évoquer un ordre
divin ni d'explorer
l'ordre naturel, mais de préfigurer
un ordre futur, un
ordre possible.
Cette conception, née en Allemagne
dès la fin du
XVIIIe siècle, se développa notamment avec Turner,
avec Delacroix, Baudelaire, puis
Manet, Van Gogh et
Gauguin, Paul Klee, Matisse et
Picasso, Delaunay et
Mondrian.
Dans cette nouvelle voie, les
artistes cherchent des
confirmations de leurs recherches
dans les arts non occidentaux:
Manet découvrira l'arabesque et l'aplat
Manet découvrira l'arabesque et l'aplat
de couleur chez les Japonais ; Van
Gogh seul retrouvera,
Picasso,
« Femme à la Mandoline », 1909.
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du dedans, l'âme de la peinture japonaise et pas seulement ses procédés; Matisse
et Paul Klee découvriront les arts de l'islam ;
les expressionnistes
allemands, les cubistes, les
surréalistes, les arts de l'Afrique et de l'Océanie ; les
peintres de l'« action painting » retrouveront la démarche de
la peinture Zen et les abstraits, la calligraphie
chinoise ou les grands mythes amérindiens.
En dehors de cet effort de
renouvellement par une intégration des plus hautes
découvertes de l'art de tous les peuples et de tous les temps, il
n'y a que des aventuriers du « non-art », en quête
d'aberrations inédites et capables seulement de
refléter la désintégration d'un monde occidental de la
croissance sans finalité humaine.
Un réseau commercial de galeries
marchandes, relayé par la publicité, se charge
de faire croire qu'il s'agit là d'art et d'originalité subversive,
et de donner à
ces déchets un prix.
En dehors des errants, les peintres
occidentaux les
plus conscients cherchent à
rejoindre, après vingt
siècles de sécession, la voie royale
de l'art mondial :
« rendre visible l'invisible »,
comme l'écrit Paul Klee
et, selon un artiste Song du XIe siècle : « Faire pousser
des branches nouvelles sur l'arbre
de la réalité. »
Roger
Garaudy
Comment l’homme devint humain
pages 306 à 313
Comment l’homme devint humain
pages 306 à 313