À
l’heure où comme une injonction de la nouvelle mode moralisatrice de
l’histoire propre à la crise contemporaine de civilisation qui affecte
l’occident, il est devenu loi que partout l’on invoque idéologiquement
le passé selon les actuels besoins de la morale sélective de propagande,
il m’est venu à l’idée, face à ce flot d’ovations des uns désignés
quasi saints et de fustigation des autres dénoncés comme mauvais
tritons, de me pencher succinctement sur le profil des fustigés
généralement dictateurs despotiques qu’on nous présente, pour préciser
cette nuance fondamentale, à savoir qu’il existe deux types de
totalitaristes à l’échelle des despotes: les étatistes et les nihilistes. Il est un troisième totalitarisme qui est politico-économique et qui concerne la géopolitique et la finance.
Staline, prototype du despote étatiste…
Le
despote étatiste est le totalitariste qui oublie l’homme et se focalise
sur l’État à rendre le plus puissant possible quel qu’en soit le coût
humain. L’étatiste est effroyable car il sacrifie quiconque se dresse
sur sa route où il entend fonder le système étatique puissant qu’il
conçoit.
Par delà les discours hyperémotifs sur Staline, disons que ce fut un monstre, un criminel contre l’humanité
qui a sacrifié beaucoup de ses gouvernés mais a conçu et construit dans
le même temps une nouvelle puissance mondiale, un ordre du monde
nouveau que son action a dichotomisé au grand dam des empires
occidentaux capitalistes. Industrialisant le pays en quelques années
tout en fondant la Russie moderne dans le contexte soviétique, un
contexte qui a vu Staline fonder la grande Union Soviétique que
malheureusement ses successeurs ont mal orienté, mal géré. Une puissance
qui, même effondrée a gardé tout le canevas militaire et industriel
pour renaître autrement avec Poutine. Séparer le monde en deux blocs,
faire de la Russie une puissance alternative face à l’empire étasunien,
voilà, la raison inavouée des acrimonies antistaliniennes occidentales,
quand on sait que l’occident a favorisé les pires déchets de la tyrannie
partout, notamment en Amérique latine. La force russe qui même
aujourd’hui permet à la Russie de se dresser tête de pôle essentiel face
aux Usa dans la géopolitique mondiale, est la crise urticaire
permanente d’un occident qui se veut seul maître de l’écoumène. Sans la
forte militarisation et industrialisation stalinienne, il n'y aurait
jamais eu ni Union soviétique, ni Russie moderne tellement militairement
solide que Poutine réhabilite en force mondiale redoutable dans le
contexte actuel. Cette puissante Russie, seule à même de faire le poids
face aux Usa, vient de Staline que j’appelle le grand étatiste sans
perdre de vue qu’il fut un monstre criminel comme l’histoire en général
et de l’occident colonial en particulier, en compte tellement. Il faut
donc éviter de laver inconsidérément et sans nuance cet englobant qu'est
l'histoire…
Nous
devons apprendre à visionner l’histoire froidement dans toutes ses
nuances avec ses horreurs et ses conséquences qui peuvent être pour
certains, des acquis. Et, si en dehors du stalinisme nous regardons
l’histoire des ex empires coloniaux - la France et l’Angleterre ex
colonialistes, par exemple - nous sommes forcés de constater que c'est
l'argent des colonies et la prédation massive de l'époque coloniale sur
fond de génocides de traites d’humains, d’esclavagisme et de sauvageries
inqualifiables, qui font que la France ou l'Angleterre constituent
aujourd’hui des puissances mondiales. Et, en passant, si nous
considérons Hitler, le pire de tous les massacreurs compulsifs de
l'histoire, nul ne peut dire qu'il a totalement échoué à faire de
l'Allemagne la première puissance d'Europe, fut-ce par une sorte
d’ironie des choses, de ricochet historique, de victoire à rebours! Je
parle de la sorte en analysant la place infligée, assignée à l'Allemagne
par le traité de Versailles, lequel sans un Hitler pour le briser,
aurait réduit pérennement la terre de Goethe et de Hegel en pays de
seconde zone. Hitler, malheureusement sanguinaire sans mesure, irascible
et génocidaire, aura quand même créé une ambiance quoique macabrement
apocalyptique, qui a finalement réimposé l’Allemagne laquelle, même
broyée à la défaite de 1945, est devenue malgré failles et erreurs le
phare de l’Europe, qu’elle demeure aujourd’hui encore!
Quant
à Staline, il est, en dépit de ses purges absolument dédaignables, le
terrifiant archétype de l’étatisme russe. Exterminateur tyrannique,
soit, mais aussi parangon politique incontournable de l’étatiste qui
réoriente l’histoire pour le pire des uns et le meilleur des autres,
ayant marqué son pays par l’établissement d’un nouveau mode identitaire
étatico-national qui rend celui-ci aujourd’hui encore - n’en déplaisent
aux russes qui voudraient nier cette part de leur histoire récente -
imposant à l’intérieur et intraitable dans l’interétatique. Je le redis,
sans Staline, il n’y aurait pas de Russie superpuissance militaire et
force économique assez consistante pour avoir les moyens de sa
politique. Je suis d’accord pour conspuer tous les totalitaristes sans
créer d’hagiographies idéologiques et sans amalgamer l’histoire.
Duvalier, incarnation patibulaire du despote nihiliste.
Le
despote nihiliste de l’histoire est le dictateur dont le totalitarisme
vise, au contraire du stalinisme, à détruire l’État pour des vues
courtes strictement partisanes et personnelles.
Duvalier
est la tronche immonde du totalitarisme nihiliste. L’État de
délabrement de l’Haïti post-duvaliériste en est, malgré les péroraisons
de certains ex macoutes écrivains, la plus éloquente preuve. Rendant
l’État caduc pour établir son pouvoir, pour en faire un instrument de sa
domination comme une grosse trique contre tous, Duvalier aura subverti
toutes les institutions existantes, tout en créant une pléthore de
nouvelles pseudo-institutions totalement fantômes vouées à vampiriser le
budget de l’État pour servir son clan, enrichir sa nouvelle « élite »
de macoutes, clique de voyous où l’on retrouvait au bas de l’échelle des
miliciens ignares, pauvres et criminels de droit commun, et en haut,
les organisateurs du régime grassement payés de chèques illégaux mais
encaissés effectivement par les dignitaires du régime. Duvalier, le
sinistre papa doc de son ignoble sobriquet paternaliste, fut le monstre
rétrograde par définition, le fossoyeur politicard qui a enlevé à la
politique son essence de dispensatrice de sens, faisant de toutes les
institutions des formes de vampires de l’État au profit de son gang
politique. Piller le pays, massacrer tout opposant, placer son
successeur qui fut nul autre que son fils qui lui, s’entourera d’une
horde de ministres arrogamment pillards, obsédés de s’enrichir pour
devenir « bourgeois »! On ne construit pas un État avec seulement la
haine et l’aigreur que l’on jugule sans cesse dans la violence sanglante
sans vouloir rien faire pour la nation. François Duvalier, homme de
grand pouvoir, tel qu’il n’en fut sans doute jamais dans l’histoire
haïtienne, n’ayant pas su transcender sa haine de certains secteurs
malsains d’une société haïtienne - faut-il le redire, viscéralement
discriminatoire et inhumaine - a passé son temps à régler des comptes,
expédiant les problèmes sociaux en fondant des poches de nouveaux riches
mais négligeant de refonder autrement l’État haïtien sur des bases plus
saines ou au moins, plus viables… De l’État, Duvalier aura gardé et
renforcé uniquement l’aspect répressif diaboliquement moloch contre le
peuple livré aux mains de factices élites abominables d’un pays resté
passablement esclavagiste après l’indépendance par les clivages les plus
inhumains et le traitement infâme infligé aux grandes majorités
c'est-à-dire à presque tout le peuple.
La
politique ne souffrant point d’être vidée de sens, le duvaliérisme aura
de fait imprimé à Haïti, un univers d’absurde visible à travers cette
plongée dans le gouffre abyssal, un abîme sans cesse foncé où le pays
caribéen semble en perpétuel naufrage, où les masses, le peuple sont
entraînés dans l’insignifiance d’un vivre ensemble désignifié par des
misères de toutes sortes, le cours d’un tragique existentiel collectif
qui paraît interminable...
Totalitarisme moderne, despotisme géopolitique et financier.
Inutile
de nous étaler pour expliquer ce totalitarisme pernicieux, inavoué de
notre temps de mascarade démocratique sans peuple où sévissent les
exactions de la finance des banquiers privés, le diktat des intérêts des
grandes multinationales selon la tyrannie des ploutocrates.
Ploutocratie et démocratie étant antithétiques, il va de soi que le
nouveau totalitarisme économique, est celui de la grande oligarchie
mondiale qui détermine, en politique internationale, les excès
géopolitiques des puissances occidentales, lesquelles, dans le sillage
du colonialisme ancien, pratiquent désormais un bellicisme égrugeant les
États du sud quand ce n'est pas le chaos politique que l'occident
substitue à l'intervention militaire. Un totalitarisme qui se donne des
fois des allures légalistes par l'appui forcé de l'Onu inféodé,
instrumentalisé par les Usa et leurs alliés.
En guise d’épilogue.
Sur
le plan axiologique, disons que l'histoire est hélas le lieu des
monstruosités les plus inhumaines, des violences inqualifiables qui font
les forts par la contingence et l’action exploitant ces contingences.
L’histoire est le champ de la dialectique insidieuse des prédateurs et
de leurs proies. Prédation démasquant la sauvagerie des civilisations où
l’homme se révèle un chasseur au sein de sa propre espèce. Et,
l’histoire est en redondance celle de certains pays et empires qui,
selon les contingences de leur envergure territoriale, leur dimension
militaire, leur idéologie agressante, conquièrent ou détruisent sans
pitié les plus faibles. De ce point de vue, l'histoire des nations est
un merdier, une vraie géhenne des hideurs humaines.
La
question: Arriverons-nous un jour à nous humaniser pour orienter
autrement l'histoire pour la rendre enfin digne du prédicat "humaine"!?
Sommes-nous prêts pour une histoire digne de l’orgueil humain sinon de
pureté à tout le moins de dignité et de grandeur morale sans prédations
visibles ou dissimulées? Une histoire où l’homme comprendra que les
peuples sont frères, où l’État n’aura plus sa raison d’être avec ses
tentations d’empire venant de despotes étatistes ou nihilistes ou de
faux démocrates bellicistes et impérialistes comme Obama? Pour l’heure,
nous avons au moins dépassé le temps des grosses dictatures immédiates
et sans verni telle celle de l’immonde Duvalier, sale et négatif à tous
égards. Il nous reste néanmoins à vaincre tous les totalitarismes : le
totalitarisme géopolitique comme celui des occidentaux envahissant et
détruisant des pays du Moyen-Orient; mais aussi, le totalitarisme
institutionnel tel celui des banques et des oligarchies ploutocratiques
qui assujettissent tous par leur mainmise sur l’économie planétaire.
Aux
hommes et aux nations de dépasser les gouffres intérieurs de leurs
haines, leurs égoïsmes, leurs orgueils insensés pour acquérir un nouveau
faciès d’agents historiques dignes des idéals de bien et de justice
qu’ils se donnent dans les chartes et les préceptes. Humanisons-nous et
l’image si souvent macabre du miroir de l’histoire, enfin nous renverra
la splendeur toute neuve, toute renouvelée de nos visages purifiés
d’humains un tant soit peu en congruence avec notre essence.
CAMILLE LOTY MALEBRANCHE
http://intellection.over-blog.com/
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