Par Camille Loty Malebranche
Le
pire ennemi de la liberté est la liberté elle-même, lorsque l'homme
perd les balises et repères de sa pensée et de l'action! Et, quand elle
patauge dans le délire d'un essentialisme de classe et de rang de quelques oligarques excessifs au pouvoir à
qui tous les droits et privilèges sont naturellement dus, et qui s'en
accaparent et prétendent imposer leur égo hypertrophié à tous, sans
aucun sens de la mesure et de la décence, la liberté devient prétexte de
tous les crimes et horreurs contre la collectivité.
Si
la politique, dans sa vocation d’administrer l’espace et de diriger les
hommes qui constituent la nation et la raison d’être de l’État, est le
service auquel les élus du peuple s’engagent envers le peuple, elle (la
politique) ne peut et ne doit être qu’un humanisme collectif qui fait
tout pour élever le plus haut possible toutes les dimensions humaines
des individus et de la société. Ainsi, dès lors reconnue comme telle,
l’homme politique digne et non félon, une fois au pouvoir, ne saurait
être ni adonné à des intérêts de groupes privés ni attaché au
clientélisme de parti ou de lobbies. La politique d’adhérence des
gouvernements aux cartels, trusts, et compagnies, car c’est de cela
qu’il s’agit, est une avanie contre les nations. Adhérence qui est de
loin pire que l’adhésion partisane à quelque chapelle doctrinale que ce
soit, puisqu’il s’agit non de conviction ou d’option libre mais
d’imposition illégale d’intérêts oligarchiques au système
étatico-national dont dépend le sort des citoyens. Redonner à la
politique son sens sémantique mélioratif de « bien administrer la
cité », n’est-il pas entreprendre à humaniser par l’action bénéfique des
administrateurs, toute la société ?! Un dirigeant qui dit que les
choses précisément politiques et économiques transcendent le pouvoir
séculier qu’il a sollicité et obtenu des électeurs ou que la portée des
problèmes, lui échappe et qu’il ne peut rien contre l’injustice des
méfaits diaboliques des banques des bourses et de leur finance imposée
au peuple - est tout autant, sinon plus criminel que les voyous de
banquiers et leur coterie bordélique de financiers constituant la
ploutocratie accapareuse corruptrice de l’économie des nations.
Liberté, un vocable à double sens !
Quand
les ignominieux du néolibéralisme, je cite Margareth Tacher, Ronald
Reagan, Bush père et fils, appuyés par un quarteron d’économistes
sacripants et prédateurs de l’économie des nations criaient à tue tête
« Liberté » dans une perspective conservatrice, selon ce que cet
analphabète de Reagan appelait débilement « Révolution Conservatrice et
Néolibérale », la masse perdue s’est laissée prendre au jeu macabre du
matraquage phraséologique des tyrans et de leurs immondes idéologues
tels Friedman, Fukuyama et leurs émules. Dans un contexte où toute la
grande presse était et (est encore d’ailleurs) soumise à l’ordre des
riches, les masses bernées, désinformées par l’impudente rouerie
médiatique, s’était mise à confondre la liberté liberticide de quelques
milliardaires de régner par l’argent, à la liberté des nations de vivre
décemment sans être dépendantes de ceux qui accaparent par les
institutions financières, les richesses qu’elles produisent. C’est que
la liberté du tyran est le droit despotique au privilège méphitique de
régner et de dominer par les structures oppressives à son service alors
que la liberté du peuple est le droit légitime de vivre dans l’équité et
de jouir de ses biens et ressources sans avoir à dépendre de quelques
imposteurs idolâtrés, érigés en seigneurs par le détournement des
richesses produites du peuple et qu’ils utilisent à des fins
personnelles. La liberté de l’oligarchie est le droit de se distancer du
peuple par les biens collectifs qu’elle utilise pour mystifier les
majorités et jouer à l’essentialisation de leurs privilèges de classe.
Et, cette soi disant liberté est proposée aux majorités comme si elle
leur appartenait au moment où ces majorités sont esclaves de l’ordre
socio-économique par les politiques de l’État ploutocratique. Une prison
sans murs visibles enferme donc les majorités prise en otage par une
infime minorité d’arsouilles cossues et cravatées qui se foutent de la
gueule du peuple qu’ils prennent pour des cons.
Alors
que la culture, cette expression de la nature humaine charrie toutes
les saletés d’un animal humain non encore parvenu à la maturation
plénière de sa vocation d’esprit, la politique, art de la gérance des
biens et ressources communs pour la communauté humaine qu’est la
société, laquelle ne saurait être réduite à une collection d’individus
telle que la font les politiques de l’économie capitaliste, doit être
rebâtie sur de nouvelles bases morales, de nouveaux fondements logiques,
une nouvelle axiologie humaniste.
La
nouvelle axiologie ainsi perçue saura que l’homme, même s’il n’est pas
« centre du monde » ainsi que l’entendent les pères de l’église, ni
« flèche montante de la synthèse biologique » comme le soutient T. de
Chardin, n’est quand même pas simple élément de la structure sociale
voire cosmique comme l’entendent les structuralistes. Car l’homme
demeure la conscience fondatrice de toute signification des choses,
conscience à la fois source et estuaire du sens politique, conscience
émettrice et réceptrice de la signification sociale, conscience donc
herméneute et correctrice des vices et déficits des sens tronqués ou
altérés par l’idéologie, cette arme de prestidigitation à l’usage des
tyrans dans la société d’exploitation qu’est celle de la ploutocratie
capitaliste. L’homme est donc l’émetteur-récepteur du sens, et,
l’altération ou la perte du sens constitue sans doute la pire
malformation et dénaturation collective de notre société d’économisme
réducteur où tout l’empan de signification de son être, de sa présence
au monde par les déchets de la consommation compulsive et du
matérialisme étatico-bourgeois, ne cesse de rendre difforme la raison
d’être de la vie en société.
Le
changement possible ne peut et ne saurait être un rituel idéologique.
Car le rituel même dans son contexte mystico-religieux où il évoque
prétendument l’espace divin pour les fidèles, a souvent cela de fâcheux
dans sa nature hiératique : c’est qu’il permet au prêtre de substituer à
l’essence des choses qu’il prétend évoquer, un geste, une forme
mystifiante afin de s’en passer. Le rituel fait mensongèrement
apparaître l’ersatz du cérémoniel qui, si elle ne vit dans la réalité
des démarches existentielles du croyant, est imposture qui dénature la
foi et ses exigences de travail sur soi, d’élévation ontologique par
l’apprentissage des modalités, par l’action morale et la spiritualité.
Ainsi, le changement social ne peut se pâmer dans le rituel des partis
emblématiques, à moins que ces partis prennent clairement le parti de
l’homme en rejetant et combattant l’ordre étatico-social et son économie
politique d’asservissement des citoyens.
Penser
une nouvelle praxis politique, une autre weltanschauung de la
gouvernance, c’est refuser tous les carcans idéologiques de gauche comme
de droite. C’est aussi rejeter toute idolâtrie populaire d’un certain
communisme utopique qui prônerait la suprématie absolue des masses, la
préséance des paysans ou le retour de l’ouvriérisme excentrique des
révolutions déchues. Un néohumanisme politique doit être la vision d’une
société de respect de l’homme, qui - sans basculer dans l’hallucination
d’un égalitarisme fantasque où les hommes seraient naturellement égaux,
où les masses deviendraient essentiellement vertueuses. Car les élites
ne sont tyranniques que parce qu’elles détiennent les structures de
l’oppression à leur avantage, et que les masses comme les élites
partagent toutes les salissures du comportement humain. Voilà donc
pourquoi, le nouvel humanisme politique souhaitable, devra s’efforcer
d’établir les structures d’une justice sociale et non de masse, où la
pauvreté sera à jamais expédiée aux cloaques de l’histoire, où le mérite
individuel sera néanmoins reconnu et où l’égalité des chances deviendra
une affaire de structures d’État qui saperont pour toujours la
malédiction des origines sociales affectant la plupart des enfants
naissant en ce monde. Il faut que le bonheur essentialiste-élitiste « de
sang bourgeois » qui a remplacé la noblesse « mystico-suprahumaine »
dite de droit divin dans notre société, devienne le droit d’accès au
bien-être pour tout être humain apparaissant en ce monde, droit garanti
par la loi et l’application effective de ses mesures humanistes ! Cette
gouvernance nouvelle sera part du néohumanisme que nous envisageons
comme élévation spirituelle et matérielle de l’homme souverain dans la
société nouvelle désormais conçue pour les êtres humains qui la
constituent et non pour quelques maîtres d’un système diaboliquement
esclavagiste et platement tourné vers l’économisme.
Nationaliser
les banques, réformer le système financier et monétaire, repenser le
crédit, créer une économie qui priorise le bien-être des ménages et des
familles, bref des citoyens plutôt que celle des compagnies, des cartels
et des trusts, créer un nouveau mode du vivre ensemble et un nouveau
rapport pleinement humain entre gouvernants et gouvernés, entre des
citoyens qu’aucun statut social ne bloque par des clivages
infranchissables, voilà des idées qui doivent par ces temps de crise
constituer l’ossature de débats sérieux et transformateurs du mode
d’être infect de l’actuelle société. Mais me direz-vous, cela ne s’est
jamais fait nulle part ! Non, mais ce qui est, a tout simplement été
choisi à un moment de l’histoire, puis imposé par quelques-uns. Alors
pourquoi les partisans du changement ne seraient-ils pas proactifs ? La
liberté est aussi tant pour l’homme que pour la société la capacité à
s’affirmer comme différent de tout ce qui est, si ce qui est, constitue
la servitude. Ne pas avoir peur d’être rare, d’être unique, d’être
différent, en certaines circonstances, peut engendrer, par la
communication de cette rareté, cette unicité, cette altérité, un
désordre qui chambarde les plus solides des ordres ignobles instaurés
contre l’homme ! Mais attention, la liberté tant spirituelle que sociale
d’un individu ou d’un groupe doit savoir se mouler aux limites de la
justice inédite et du bien dus à l’humanité, car la laisser se vautrer
dans les délires de puissances et l’illusion du « tout est permis », la
porte contre la liberté de tous et ainsi en fait l’ennemi de la liberté.
Ainsi, la liberté des banquiers, des gouvernements, des législateurs du
système, est la pire dévoration de la liberté des peuples ; et
l’abomination à éviter dans la nouvelle société souhaitable, souhaitée à
construire.
CAMILLE LOTY MALEBRANCHE
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