30 juin 2015
Le dialogue chrétiens-marxistes. En 1967 à Marienbad / Marianské-Lazné
29 juin 2015
Les dollars et l'homme
Par Anatole France
Au début de ce siècle, en 1908,
Anatole France, dans « L'île des pingouins», avait dégagé l'âme sans âme de ce mode de calcul de la politique américaine.
Le professeur Obnubile assiste à une séance du Congrès américain et nous en
donne le compte rendu :
« La guerre pour l'ouverture des
marchés de la Troisième-Zélande étant
terminée à la satisfaction des États,
je vous propose d'en envoyer les comptes à la commission des finances...
Il n'y a pas d'opposition ?...
La proposition est adoptée.
— Ai-je bien entendu ? demanda le
professeur Obnubile. Quoi ? vous , un peuple industriel, vous vous êtes engagés dans toutes
ces guerres !
— Sans doute, répondit l'interprète :
ce sont des guerres industrielles. Les peuples qui n'ont ni commerce ni
industrie ne sont pas obligés de faire la guerre; mais un peuple d'affaires est
astreint à une politique de conquêtes. Le nombre de nos guerres augmente
nécessairement avec notre activité productrice. Dès qu'une de nos industries ne
trouve pas à écouler ses produits, il faut qu'une guerre lui ouvre de nouveaux
débouchés.
C'est ainsi que nous avons eu cette
année une guerre du charbon, une guerre du cuivre, une guerre du coton. Dans la
Troisième-Zélande nous avons tué les deux tiers des habitants afin d'obliger le
reste à nous acheter des parapluies et des bretelles.
A ce moment, un gros homme qui
siégeait au centre de l'assemblée monta à la tribune.
— Je réclame, dit-il, une guerre
contre le gouvernement de la république
d'Emeraude qui dispute insolemment à nos porcs
l'hégémonie des jambons et des saucissons sur tous les marchés de l'univers.
— Qu'est-ce que ce législateur ?
demanda le docteur Obnubile,
— C'est un marchand de cochons.
— Il n'y a pas d'opposition ? dit le
président. Je mets la proposition aux
voix.
La guerre contre la république
d'Emeraude fut votée à mains levées à une
très forte majorité.
— Comment ? dit Obnubile à
l'interprète ; vous avez voté une guerre
avec cette rapidité et cette
indifférence !...
— Oh ! c'est une guerre sans
importance qui coûtera à peine huit millions
de dollars.
— Et les hommes...
— Les hommes sont compris dans les
huit millions de dollars. »
(Anatole
France. « L'île des pingouins », Ed.
Calmann - Levy, 1908. Livre IV, chapitre 3)
28 juin 2015
Etre à la fois « bon communiste » et « bon chrétien » ?
PEUT-ON être à la fois « bon communiste » et « bon chrétien » ? La
question a souvent été posée. Le P.c.f. s'est longtemps penché sur le
problème, chargeant, par exemple, à une époque, quelqu'un comme Roger
Garaudy de consacrer une partie de ses activités politiques aux
relations de son parti avec les milieux religieux.
Au-delà des relations entre hiérarchies, nombre de militants ont réglé
le dilemme eux-mêmes par leur pratique personnelle : conciliation de la
messe et de la vente de «l'Humanité-Dimanche » dans certains cas,
abandon d'une des deux activités dans d'autres cas. Chacun a choisi
selon sa conscience. Et les mises en garde de l'Eglise n'en pouvaient
mais... : force travaux de sociologie ont démontré qu'on passe
facilement du militantisme chrétien au militantisme communiste.
Dans cet élan, « l'inévitable » s'est produit : des prêtres ont fini par
prendre leur carte du P.c.f. Jean Galisson est de ceux-là : prêtre et
communiste. Pas un curé tout à fait ordinaire, c'est vrai : il est
prêtre-ouvrier ; il tient sa paroisse, il dit ses messes, fait ses
enterrements, célèbre ses mariages mais, en même temps, il continue
d'exercer son métier de menuisier. Et, en plus, il trouve le temps de
militer au Parti communiste, où il est trésorier de sa cellule.
On dénombre huit cents prêtres-ouvriers en France. Quelques dizaines
d'entre eux militent dans ou autour du P.c.f. Jean Galisson n'est donc
pas le seul dans son cas.
Jean Galisson sort d'une période de six mois de chômage. Il a cinquante
ans. Dont vingt ans de militantisme syndical et dix ans de Parti
communiste. Il se dit clairement, tranquillement marxiste. Il reprend
volontiers à son compte, la phrase de René Andrieu : « Le plus difficile
n'est pas d'adhérer, mais de rester. » Rester où ? Dans l'Eglise ou
dans le parti ?
27 juin 2015
27 juin 1905: mutinerie sur le Potemkine
Jean Ferrat chante Potemkine
26 juin 2015
En août1981 à Tripoli
LA CONFÉRENCE DE SOLIDARITÉ A
CONTRIBUÉ À RÉDUIRE L'ISOLEMENT DE TRIPOLI
LE MONDE |
02.09.1981
Tripoli
(A.F.P.). - Organisée par le Congrès du peuple arabe qui regroupe des partis de
gauche, à la suite de l'affrontement aérien américano-libyen dans le golfe de
Syrte (le Monde du 20 août), la conférence de solidarité avec le peuple libyen,
réunie à Tripoli, aura contribué à faire sortir le régime du colonel Kadhafi de
l'isolement dans lequel l'avait plongé son intervention au Tchad.
Dans un
communiqué final, adopté lundi 31 août, la conférence souligne que " les
sept cents participants représentant plus de deux cents partis, syndicats,
organisations officielles et de masse, venant de quatre-vingt-cinq pays
différents, ont exprimé leur solidarité avec la Libye et leur admiration devant
les réalisations de la révolution du 1er septembre " (date de l'accession
au pouvoir du colonel Kadhafi en 1969). Ce texte " condamne l'agression
des États-Unis contre la Libye " et approuve la création à Tripoli d'un
" Front international de lutte contre l'impérialisme ".
Parmi les
participants figuraient M. Ratsiraka, président malgache, M. Yasser Arafat,
chef de l'O.L.P., M. Habib Chatti, secrétaire général de la Conférence
islamique, le philosophe Roger Garaudy, le coordinateur de la junte du
Nicaragua, M. Ortega. En revanche, les présidents Assad, de Syrie, et Goukouni
Oueddeï, du Tchad, n'ont pas assisté à la séance de clôture. On notait aussi
l'absence des Iraniens et d'une haute personnalité algérienne.
24 juin 2015
Pour une nouvelle formulation de la foi chrétienne, par Roger Garaudy
Aujourd'hui ce que l’on appelle la crise, sans
toujours prendre conscience de sa profondeur, c'est la désintégration du tissu
social: 1'affrontement aveugle d'appétits concurrents conduit à 1'absence
de toute finalité humaine de nos sociétés capitalistes, à un individualisme du
repliement sur soi, qui juxtapose des millions de solitudes et de désespoirs
par absence de but.
Les questions sur le sens de notre histoire
commune, et sur le sens de la vie de chacun émergent du quotidien. Le désir
confus et angoissé de sortir du cercle de ce qui est fermente en chacun.
Les interrogations majeures naissent des
couches sociales les plus caractéristiques de notre temps, celles qui constituent «le
bloc historique nouveau » porteur de 1'avenir: ouvriers
travaillant à la chaîne, dont la vie personnelle est étouffée par la répétition
de gestes vidés de sens, techniciens et ingénieurs dont notre société fait des
technocrates interrogés sur les moyens et jamais sur les fins, scientifiques
ayant une vision positiviste du monde dominée par 1’entropie [1], la loi de
la mort.
Pour que la Bonne Nouvelle de 1'Evangile
devienne en chacun une espérance vivante, une nouvelle formulation de la foi
est nécessaire.
Comment dire la foi chrétienne dans un langage
que puissent entendre des hommes et des femmes d'aujourd'hui, des hommes et des
femmes qui ne la partagent pas encore ?
Tout ce qui est tué, chez des millions
d’hommes et de femmes, par le mécanisme quotidien, DIEU et la foi, ne peut
être, au départ, éprouvé par eux que comme une absence, un vide à combler.
La foi, cette manière de vivre de la vie de
tous, d’être responsable de 1'avenir de tous, d’ avoir conscience que notre
histoire, n’est pas déjà écrite, déjà finie, mais qu'elle doit être inventée et
inventée par tous, cette foi doit s’enraciner dans les préoccupations d’aujourd'hui,
les plus lancinantes, les plus immédiates, les plus quotidiennes.
Nous devons partir des angoisses, des
protestations, des révoltes élémentaires pour en dégager le mouvement plus
profond qui les suscite, le sens, 1’orientation.
Comment peut émerger aujourd'hui le besoin de
la foi, à partir de l'expérience quotidienne de la vie des multitudes, et
comment répondre à ce besoin?
22 juin 2015
La saga de la solidarité. Christiane Singer
Acheter le livre |
La paix ?
Les adultes standards veulent
seulement qu'on la leur fiche - et, le plus tard possible, reposer en elle.
Aussi qui l'inventerait, la paix,
sinon les enfants ?
Du moins aussi longtemps que les
écrans mornes et lugubres n'ont pas vomi dans leurs yeux de lumière toute la
hideur du monde ! Les enfants dont je vais conter l'histoire avaient - j'en
mets ma main à couper - ce tison toujours avivé au fond de leurs prunelles, cet
éclat de joie qui vous incendie le coeur en moins de deux quand vous n'en avez
pas blindé les portes.
Pourquoi étaient-ils joyeux ?
Je crois que tous les enfants le
sont jusqu'à ce que vous leur demandiez pourquoi. Objectivement, en effet, ces
enfants-là n'avaient pas de « raison » d'être dans la joie : pieds nus, mal
vêtus, mangeant sans doute à la sauvette dans du fer-blanc, souvent la morve au
nez et les cils collés. Mais leur « raison » - en était-ce une ? - était
superbe : ils étaient vivants !
Pour les nantis, à l'autre bout
du monde, être vivant, c'est comme être repu, nourri, abreuvé,
épouillé, vêtu, cela ne mérite
pas qu'on s'y attarde. Mais pour ces enfants, cela n'allait pas
de soi !
Ils n'en revenaient pas d'être
vivants, de sauter, de bondir, de s'accroupir, de chanter à tue-tête,
de voir au sol en plein midi
onduler la chaleur comme un insaisissable serpent aux mille anneaux... d'être
là, seulement là, dans la généreuse et brûlante poussière de l'Afrique,
là, là, témoins de la Vie !
Oui, mon histoire se passe en
Afrique. Je la dois à un merveilleux jeune homme de quatre-vingts ans : le
philosophe et mystique Raimund Panikkar.
Marc, un jeune ami américain,
décide d'éviter le service militaire et s'engage dans le service social pour
une année. Il se retrouve moniteur de sport dans un village africain. Grâce au
sport, il ne sera pas contraint de faire passer des modes de vie, des dogmes,
des idéologies. Il pourra rencontrer des jeunes dans le seul plaisir du
mouvement et les inviter à se dépasser dans l'effort. C'est du moins ce qu'il
pense.
Il n'y a qu'une chose qu'il n'ait
pas remarquée: combien ce produit d'exportation – le « sport » - transpire la
rivalité et la compétition et combien sous le déguisement sympathique - maillot
de corps et baskets – transparaît l'obsession d'évincer l'autre et de gagner.
Gagner envers et contre tous.
Contre la vie s'il le faut. En somme : toutes les options guerrières du cynisme
économique.
Pour l'instant, notre jeune
Américain, encore « inclus » dans son système d'origine et frappé
par là même de cécité, ne décèle
rien. Le « sport » permet d'être ensemble, voilà tout, et
dé jouer et de vibrer et
d'oublier le supplice des méninges, l'horreur qu'il y a à ingurgiter tant de
réponses à tant de questions qu'on ne s'est jamais posées ! Ah oui, comparé à
la souffrance
de l'« école assise », le sport
est clément!
Voilà notre jeune homme devant
les enfants. Il croit en dénombrer plus qu'ils ne sont. Du
moins, il voit beaucoup plus de
paires de jambes, beaucoup plus de paires de bras que le
chiffre annoncé laisse prévoir,
et il entend beaucoup plus de rires qu'il ne compte de rangées
de dents ! Pourtant ils sont
douze à peine – du vif-argent !
La spécialité de Marc dans les
écoles américaines où il fait du bon travail est de secouer
l'inertie des jeunes et surtout
celle de leurs derrières habitués à peser, morts et lourds, sur
des sofas. Il voit bien que la
situation ici est différente, mais son potentiel de ressources
apprises ne la prévoit pas. Un
court instant, comme une brise, l'effleure l'idée d'apprendre
d'abord de ces jeunes à jouer aux
osselets, aux toupies, à ces jeux qu'il observait tantôt sur la
place du village. Mais tandis
qu'une instance en lui, lucide et perspicace, hésite et soupçonne
l'absurdité de son entreprise,
comme bien souvent, c'est la part « experte » de sa personne qui s'enfle et
triomphe. Il réunit donc la petite troupe autour de lui, explique les règles de
la course, montre les jalons de la piste, son chronomètre incorruptible et son
sifflet.
Même le podium est dressé pour le
vainqueur: deux caisses superposées, flanquées de deux plus petites où
prendront place par ordre d'arrivée le second et le troisième.
Les prix sont disposés sur une
feuille de bananier : trois sacs de pop-corn - un très gros
et deux moyens.
Voilà. Tout est en place. Les
enfants sont, après maintes contorsions acrobatiques, alignés
en position de départ.
L'ordre règne.
Et à l'instant où retentit le
coup de sifflet, les enfants bondissent en avant comme propulsés
par des ressorts et détalent.
Mais dans l'élan même du départ, leurs bras se sont grand ouverts et ils se
sont saisi les mains !
Ils courent ensemble.
Dans un vent de poussière d'or.
Ils courent ensemble.
Cette histoire vraie contient en
germe d'autres histoires vraies et toutes celles qui ne le sont pas encore mais
qui attendent d'éclore.
Les dieux de cendre et de sang,
de mort et de fers croisés, les dieux de la compétition, de la rivalité, de la
domination et de la guerre, qui peut nous obliger de les honorer ?
Partout où des mains se joignent
et se rejoignent continue la plus vieille histoire de la nature et de l'humanité, la saga
de la solidarité. De nouvelles mailles se nouent au filet qui nous retient de tomber dans
l'abîme de l'inhumanité.
Christiane Singer,
Où cours-tu ? Ne sais-tu pas que le ciel est en toi ?,
Le livre de poche, pages 69 à 73, 2001
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