30 janvier 2015

Dans "Le Monde", des compte-rendus du procès en appel des "Mythes fondateurs de la politique israélienne"


La condamnation de Roger Garaudy est alourdie en appel
LE MONDE | 18.12.1998

ROGER GARAUDY, auteur du livre Les Mythes fondateurs de la politique israélienne publié en décembre 1995, dont le contenu défendait les auteurs de thèses négationnistes (voir Le Monde du 18 octobre), a été condamné mercredi 16 décembre par la 11e chambre de la cour d'appel de Paris pour contestation de crimes contre l'humanité, diffamation raciale et provocation à la haine raciale. Roger Garaudy (85 ans), relaxé du délit de diffamation raciale pour son évocation d'une prétendue « omnipotence juive » devant le premier juge, a été condamné à une série d'amendes dont le montant cumulé se monte à 150 000 francs, systématiquement assorties de peines de prisons avec sursis, « fondues » dans la peine maximale de six mois d'emprisonnement. L'avocat de Roger Garaudy, MeIsabelle Coutant Peyre, a fait connaître l'intention de son client de se pourvoir en cassation. Pierre Guillaume, animateur de la « Vieille taupe », une officine de diffusion de textes négationnistes et premier éditeur de l'ouvrage, relaxé en première instance, s'est vu infliger six mois d'emprisonnement avec sursis et 30 000 francs d'amende.
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 De la prison avec sursis est requise en appel contre Roger Garaudy
LE MONDE | 30.10.1998

L'AVOCAT GÉNÉRAL de la onzième chambre de la cour d'appel de Paris a requis, mercredi 28 octobre, contre Roger Garaudy, une amende de 500 000 francs et une peine d'emprisonnement avec sursis. Il estime que l'antisionisme revendiqué par Roger Garaudy dans son livre Les Mythes fondateurs de la politique israélienne est instrumentalisé au profit d'un antisémitisme qui n'ose plus dire son nom depuis la seconde guerre mondiale. Selon lui, le délit commis par M. Garaudy relève de la « contestation de crime contre l'humanité » et de la diffamation raciale.
Comparant la loi Gayssot, qui réprime les délits de négation de crime contre l'humanité, aux lois de Vichy, l'avocate de Roger Garaudy, Me Isabelle Coutant Peyre, a estimé que la procédure constituait un procès politique. La dernière audience de ce procès doit se tenir mercredi 4 novembre.
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Jugé en appel, Roger Garaudy persiste à défendre, à la virgule près, les thèses de son livre contesté
LE MONDE | 16.10.1998
 ParNICOLAS WEILL

SANS DOUTE échaudé par l'atmosphère électrique qui avait prévalu lors du procès en première instance de Roger Garaudy, condamné le 27 février à un total de 120 000 francs d'amende pour « contestation de crimes contre l'humanité », le président Dominique Charvet, en ouvrant l'audience de la onzième chambre de la cour d'appel de Paris, mercredi 14 octobre, a prévenu qu'il avait l'intention d'examiner ce cas dans une ambiance paisible et d'avoir « peu de monde ». Outre l'exiguïté de la salle, la copie que le président faisait minutieusement prendre des questions, réponses et dépositions, contribuait à cette atmosphère refroidie.
Roger Garaudy a déclaré vouloir produire des « documents nouveaux » à l'appui de son livre contesté, Les Mythes fondateurs de la politique israélienne. De cet ouvrage, il ne retire toujours pas une virgule, même si l'examen du livre a donné lieu devant le tribunal à une accumulation d'approximations et d'erreurs de dates ainsi qu'à un étalage de connaissances de seconde main ou détournées, où l'histoire ne trouvait guère son compte.
Dans les cinq jugements rendus en février, la 17e chambre correctionnelle reprochait à Roger Garaudy d'avoir mis en cause « la communauté juive (...) à raison de son influence réputée excessive sur les médias et son pouvoir de ``manipulation`` de l'opinion publique ». C'est sur cet aspect qu'a insisté l'unique témoin, le philosophe Alain Finkielkraut, cité pour les parties civiles à l'initiative de l'association Avocats sans frontières représentée par Me William Goldnadel et Aude Weill-Raynal.
Rappelant l'ironie incrédule de Roger Garaudy en 1949, alors membre important du PCF, lorsqu'il fut question de l'existence des camps soviétiques lors du célèbre procès Kravchenko, Alain Finkielkraut a mis sur le même plan Les Mythes fondateurs de la politique israélienne et Les Protocoles des sages de Sion, un faux fabriqué il y a cent ans par la police russe qui prétendait apporter la preuve que les juifs conspiraient secrètement pour s'assurer de la domination mondiale et qui a nourri l'antisémitisme moderne.

 « ANTISÉMITISME IDÉOLOGIQUE »
L'un comme l'autre relèvent de l'« antisémitisme idéologique », a déclaré l'auteur de L'Avenir d'une négation (Seuil, 1982). « Quand on dit, a-t-il ajouté, que la solution finale ne devait pas être entendue comme un projet, on dit que les juifs sont des menteurs qui ont le pouvoir de faire entendre ce mensonge à la terre entière. Roger Garaudy n'oppose pas des faits aux faits. Il réédite l'argumentaire au nom duquel on a fait mourir les juifs. (...) Il n'est rien de plus offensant que d'expulser les survivants de leur malheur et les morts de leur mort. »
Esquivant quelque peu le débat sur la loi Gayssot qui réprime depuis juillet 1990 la contestation de crimes contre l'humanité, sur laquelle la défense de Roger Garaudy a essayé d'orienter le propos, Alain Finkielkraut a estimé qu'un prétoire lui semblait un lieu adéquat pour juger de la haine antisémite véhiculée par le discours négationniste. Un négationnisme auquel il ne voit pas grand avenir en Europe, mais qui, au regard du succès remporté par Roger Garaudy auprès de nombreux intellectuels arabes, pourrait progresser dans le tiers-monde.
Roger Garaudy, représenté naguère par Me Vergès et désormais par Me Isabelle Coutant Peyre, s'est empressé de rappeler que lui aussi tenait Le Protocole des sages de Sion pour un faux.
Exhibant les lettres de soutien qu'il a reçues dont celle du violoniste Yehudi Menuhin datée du 7 juillet 1998 il a invoqué derechef le soutien de l'abbé Pierre, via un texte du 18 juin 1996 dans lequel le fondateur d'Emmaüs s'en prenait au « mouvement sioniste avec ses puissants chefs » et ses « agents secrets, en France comme ailleurs ».
Arc-bouté sur les thèses défendues dans son ouvrage d'abord publié par la Vieille Taupe, l'éditeur des négationnistes, dont l'animateur Pierre Guillaume, était également sur le banc des accusés.

 « IL DOIT Y AVOIR UN DÉBAT »
Il a estimé que sur la question des chambres à gaz il doit « y avoir un débat », tout en ajoutant, sibyllin : « Je ne veux pas qu'on minimise les crimes de Hitler en les réduisant à l'une de ses méthodes. »
Dans son livre, après avoir porté le doute sur les témoignages et les historiens dits « exterminationnistes », qui en ont établi la réalité, Roger Garaudy citait abondamment le « rapport Leuchter », sorte de caution technique des négationnistes. A propos du marchandage avorté que les SS ont suggéré aux Alliés en 1944 l'échange de la vie d'un million de juifs contre des camions, tractations décrites dans le livre de l'historien Yehouda Bauer, Juif à vendre (Editions Liana Levi, 1996) , Roger Garaudy a cru bon de faire ce commentaire : « On sait qu'heureusement Hitler n'avait pas exterminé tous les juifs puisqu'il pouvait en proposer un million. »
Deux autres audiences sont prévues, les 21 et 28 octobre.