05 décembre 2012

Le salariat, une relation de domination

Le mécanisme des échanges inégaux, qu'il s'agisse des rapports entre colonisateurs et colonisés ou entre patrons et salariés, présente un caractère commun: il est fondé sur un rapport de domination. Domination militaire de la colonisation, domination économique du salariat. Dans les deux cas, il s'agit d'un rapport de forces et de dépendance.
   Il ne peut y avoir d'égalité, dans le contrat de travail, entre celui dont le besoin vital - le sien et celui de sa famille - exige qu'il vende sa force de travail, et celui qui a le pouvoir économique de lui accorder ou de lui refuser la vie.
   Traduisant Marx en langage chrétien, Enrique Dussel (*), théologien de la libération, écrit: " Il s'établit entre les deux une relation: Je te donne de l'argent et tu me donnes ton travail. Ainsi acheté comme une marchandise, ce travail est désormais la propriété de celui qui avait de l'argent".
   C'est une relation de domination, d'injustice, un péché invisible, inaperçu, parce que celui qui a de l'argent utilise la source créatrice de valeur, mais ne paie que la capacité de travail. C'est comme s'il achetait l'utilisation d'une machine ou d'une auto en ne payant que le "service" (réparations, pièces de rechange, électricité, essence, etc.), mais sans avoir payé ou acheté la machine ou l'auto elle-même. Je reçois gratuitement le "sujet créateur" et je paye le nécessaire pour qu'il "ne meure pas", pour qu'il "puisse continuer à travailler".
   Il est évident qu'un sujet comme l'homme, créateur à l'image de Dieu, inventeur par nature, produit en un certain temps une valeur correspondant à ses besoins - valeur égale à son salaire - mais qu'il peut continuer à produire au-delà de cette limite. Dans ce cas, la valeur du produit fourni par le travailleur est plus grande, contient plus de vie et de réalité que la valeur du salaire reçu. En d'autres termes, le travailleur donne plus de vie qu'il n'en reçoit. Telle est la "relation sociale" de domination.

Roger Garaudy, Les fossoyeurs. Un nouvel appel aux vivants.
Editeur L'Archipel, 1992, pages 193-194