29 juin 2017

Option préférentielle pour les pauvres....

Le jésuite Pierre Sauvage a codirigé un ouvrage monumental consacré à ce courant de pensée qui place les pauvres au cœur de l’Église

Vous avez consacré un « dictionnaire historique » à la théologie de la libération (Lessius, 2017, 650 p., 52 €). Ce courant appartient-il désormais au passé ?

Ce n’est pas un ouvrage d’archéologie ! La théologie de la libération s’ancre bel et bien dans une histoire – la deuxième moitié du XXe siècle – et dans un continent : l’Amérique Latine. Mais son intuition est universelle et plus que jamais d’actualité : quelles réponses apporter à une pauvreté et une injustice aussi massivement répandues ? Cette question, les théologiens y ont été confrontés bien avant le concile Vatican II et leur réflexion se poursuit dans le monde entier. L’ancienne génération incarnée par le théologien péruvien Gustavo Gutierrez – qui a forgé l’expression en 1968 – et le Brésilien Leonardo Boff a passé le témoin. Les dizaines de théologiens et chercheurs qui ont contribué à ce dictionnaire sont pour la plupart sud-américains, mais il y a aussi des Européens, des Africains, des Asiatiques… Ce sont eux qui font vivre désormais la théologie de la libération. Nous en sommes à la troisième génération et la clé de voûte reste la même sous toutes les latitudes : l’option préférentielle pour les pauvres.


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Le marxisme et l'art. 7/ Pour une critique marxiste de l'esthétique de Hegel. Par Roger Garaudy



Ainsi peuvent se dessiner les grandes lignes
d'une critique marxiste de l'esthétique de Hegel :
 - 1/Marx reprend l'idée maîtresse de Hegel
(empruntée d'ailleurs par Hegel à Fichte) que
l'homme c'est la création continuée de l'homme
par l'homme. Mais, à la différence de Fichte et de
Hegel, Marx ne conçoit pas cet acte créateur sous
la forme abstraite et aliénée de création spirituelle,
de création de concepts, ni sous la forme individualiste
et romantique de création solitaire et arbitraire.
L'acte créateur de l'homme, dans la perspective
matérialiste de Marx, c'est le travail concret, un
moment de l'action réciproque de l'homme et de
la nature, où la nature impose à l'homme ses
besoins et où l'homme émerge de cette nature par
la production consciente de ses fins.
Ce travail concret est aussi un travail social,
constituant historiquement ses valeurs, la continuité
historique de ces valeurs et leur objectivité
sociale.
La création artistique est immanente à ce travail,
elle en est le moment suprême : celui de la
découverte de fins nouvelles. Elle n'est pas seulement
une production de l'esprit, mais une réalisation
de l'homme entier.
 - 2/Marx, à la différence de.Hegel, distingue
aliénation et objectivation . L’objectivation est
l'acte par lequel l'homme réalise, en produisant
un objet, ses propres fins, alors que l'aliénation
est la forme que prend cette objectivation dans
toute formation économique et sociale où règne le
système du marché, et, plus encore, dans tout
régime où la force de travail devient une marchandise.
Comme l'écrit Vasquez dans son livre Las
ideas estéticas de Marx, «l'objectivation a permis à
l'homme de s'élever du naturel à l'humain ; l'aliénation
inverse ce mouvement ». Ce sont de telles
conditions historiques qui ont entraîné la séparation
entre la conception de la fin, privilège des
classes dominantes, et la réalisation de ces fins,
réalisation pour laquelle deviennent des moyens
tous ceux qui ne possèdent pas les instruments de
production. De cette séparation fondamentale,
qui est un produit de la division en classes, naissent
toutes les autres : séparation de la conscience et
de la main, du projet et de l'exécution, du travail
manuel et du travail intellectuel, du travail et de
l'art.
 - 3/ Marx, à la différence de Hegel, ne considère
pas l'art seulement comme une forme de connaissance.
Pour Hegel l'art (comme l a religion d'ailleurs)
ne se distingue de la philosophie que par
sa forme et par son langage: il exprime, par images
ou par symboles, ce que la philosophie exprime
plus parfaitement par concepts.
Marx, précisément parce qu'il ne conçoit pas le
travail sous sa forme simplement abstraite de
production de concepts, mais sous sa forme concrète
de production de moyens nouveaux qui engendreront
de nouveaux besoins, ouvre à l'homme social
un horizon sans fin de création et de métamorphose.
Il peut découvrir ce qu'il y a de spécifique
dans l'art, à la fois dans son objet, qui n'est pas de
satisfaire un besoin particulier de l'homme mais
son besoin spécifiquement humain de s'objectiver
comme créateur — au sens même où Marx dira
dans le Capital que, dans le communisme, le libre
déploiement des forces créatrices de l'homme, délivré
du besoin physique, deviendra une fin en soi,
— et dans son langage , qui n'est plus celui du
concept exprimant toujours une réalité, un objet
ou un rapport déjà constitué, mais celui de la
« poésie » (au sens le plus profond) : le langage du
mythe qui exprime non une réalité déjà faite,
mais une réalité en train de se faire, inachevée, et
dans laquelle un avenir encore imprévisible est en
germe.

Roger Garaudy Extrait de "Marxisme du 20e siècle". L'illustration (l'arbre foudroyé de la Commune de Paris par DAUMIER) est extraite du livre de R.G "Comment l'homme devint humain"
A SUIVRE ICI

28 juin 2017

Le marxisme et l'art. 6/ Art, travail, aliénation. Par Roger Garaudy



L'art comme le travail est une objectivation de
l'homme. Ses produits, comme ceux du travail,
sont des fins humaines objectivées, des projets
humains réalisés.
Il n'y a donc pas, entre l'art et le travail, cette
opposition irréductible qui soumettrait pour toujours
le travail à des exigences vitales nécessairement
serviles, alors que la création artistique
serait pure liberté. La « finalité sans fin » de Kant,
fondement de toutes les conceptions idéalistes et
formelles de la beauté, appauvrit à la fois la notion
du travail en le réduisant à réalisation de fins
strictement et immédiatement utilitaires, et la
notion de l'art qui serait une activité gratuite et
un jeu.
Ce sont là deux limites extrêmes d'une même
activité créatrice réalisant des fins humaines,
satisfaisant des besoins humains, tantôt des besoins
particuliers, biologiques à l'origine, mais de plus en
plus complexes et de plus en plus socialises, et,
finalement, le besoin le plus général à lafois
et le plus profond de l'homme, celui de réaliser
sa propre humanité par son acte créateur, besoin
« spirituel » spécifiquement humain.
Ce qui est vrai, par contre, c'est que, dans toute
société marchande, avec laquelle est née l'aliénation
du travail par le fétichisme de la marchandise,
et plus encore dans toute société divisée en classes
antagonistes où les rapports d'exploitation et de
domination aggravent et généralisent l’aliénation,
s'opère un dédoublement ou une scission dans
l'acte primitivement unique du travail.

27 juin 2017

Le marxisme et l'art. 5/ Travail et art. Par Roger Garaudy



Si l'art est né du travail, comment est-il arrivé

à avoir une existence indépendante ?

L'art est l'un des aspects de l'activité de

l'homme comme être transformateur de la nature,

c'est-à-dire comme travailleur.

26 juin 2017

Le marxisme et l'art. 4/ Vers une esthétique marxiste. Par Roger Garaudy



Deux analogies peuvent nous guider dans la
ACHETER LE LIVRE
recherche du point de départ d'une esthétique marxiste : la méthode élaborée par Marx dans le Capital, qui est sa « grande logique » appliquée au cas particulier de l'économie politique, et la méthode
élaborée par Marx sous le nom de « matérialisme historique », et dont il a donné des exemples éclatants d'application en particulier dans Le
18 Brumaire de Louis Bonaparte.
Lorsqu'il aborde l'étude d'un phénomène historique
Marx souligne que ce sont les hommes qui
font leur propre histoire, mais qu'ils ne la font pas
arbitrairement.

25 juin 2017

Révolte, révolution et personne humaine

Révoltes, révolutions, nuances et modalités.
La révolte, au stade personnel comportemental est en soi une révolution individuelle, car elle enclenche de formidables valeurs comme ressources de nouvelle naissance mentale de l’humain et de sa transformation existentielle. La révolte personnelle bien assumée, façonne la nouvelle vie d’un homme, crée en lui un schème axiologique qui en fait un penseur et un agissant nouveau, un révolutionnaire dans ses rapports souverains de sujet avec soi, avec autrui et avec l’univers.
À l’échelle sociale, par contre, c’est l'immense majorité lésée, conscientisée, qui doit devenir révolutionnaire, dûment encadrée par ses leaders, orienteurs méthodiques de la révolution, par delà jacqueries et colères, émeutes et manifestations de rues, pour envisager un nouveau système et changer les institutions vers une nouvelle société.   
Le refus d’un ordre injuste ou inadapté aux exigences de la vérité reste dans la révolte s’il ne produit une construction idéelle authentique et viable avec les principes d’établissement de ses prescrits pour la substitution méliorative transformatrice du domaine de son intervention. D’où aucun mouvement d’humeur ni celui des indignés ni l’hédonisme, ni le sexualisme ne feront rien au-delà de la révolte tant que le même ordre socio-économique demeure et que l’État continue de l’imposer politiquement au nom des mêmes profiteurs oligarques. 
Le révolutionnaire social ne saurait être un aigri, sauf aux yeux des frileux profiteurs de l'ordre qu'il dénonce et combat et de leurs alliés serviles. Tout révolutionnaire vrai est d’abord un engagé du sens par la pensée du changement qu’il conçoit pour l’établissement de la vérité et de la justice. Dans le contexte des possibles, si le peuple est mûr pour le changement, il passe à l’action pour le guider et l’aider dans l’aboutissement. Le révolutionnaire est un mélange de romantique par la romance du changement mélioratif de la condition humaine, et un protagoniste de la vision du changement tel qu’il doit être. Toutefois, nul révolutionnaire accompli, ne se laisse transporter dans le délire d’un changement dont le peuple ne veut pas. Le peuple peut préférer ses haillons et ses servitudes, et malheur à celui qui comme le Che, croit transformer malgré le peuple, la face du social. Par ailleurs, la pire déviance du mental révolutionnaire, serait de se vouer à la haine, de haïr des dominants. Car celui qui hait les privilégiés et veut dans sa vocifération, les renverser par rage en arguant de révolution sans prévoir et programmer en substitution une société radicalement nouvelle, est un aigri, une crapule qui altèrera le mode du changement par sa bassesse mentale. Le révolutionnaire est celui qui transcende les saletés du système d’injustice sociale qu’il abhorre sans jamais désirer se les approprier pour soi-même. Son vœu est celui du chambardeur constructeur qui proclame le nouveau au profit de tous.    
Le révolutionnaire est l’homme qui va au-delà de lui-même pour proposer par les contingences de sa vie privée une vision publique de la refondation du monde. C’est le penseur qui refuse les carcans ayant cours et qui veut les briser pour faire un monde plus digne de l’homme. Toutefois, la révolution sociale, proposée, fût-elle esthétique, pour réussir à imposer une nouvelle conception de l’art, doit être l’apanage du collectif épris et imprégné de la volonté du nouveau, pétri des nouvelles propositions qu’on lui fait et qui, bien plus que par une révolte, un chahut pour exiger un rapiècement du système établi dans ses dysfonctionnements, le déclare inacceptable et le rejette en proclamant un autre mode de vie dont il a les idées claires quant à ce qu’il en attend.
La révolution sociale ne peut exister que si les majorités, le peuple se lève pour la faire. Il n’y a de révolution populaire que si le peuple devient révolutionnaire. Le leader d’une révolution populaire, n’est jamais qu’un ordonnateur dans le processus une fois la conscience révolutionnaire acquise par les majorités. Les peuples, hélas, sont réactionnaires, mécaniquement fonctionnels et rarement prêts pour l’altérité systémique qui révolutionne les structures et les rapports de classe de la société. Ainsi, à ses propres dépens la fonctionnalité des masses se contente-t-elle de mouvements d’humeur que l’establishment oligarchique expédie ponctuellement par des lois et réformes inessentielles, palliatives, changeant de masques mais onques ni de face ni de modalités. 
La mentalité de fonctionnalité propre aux majorités souffrantes, est le fossé conservatoire de toutes les saloperies du monde. C’est en ses inconsciences et aliénations fonctionnelles que les peuples tuent leur propre possible de libération. Et pourquoi, malgré les théories élaborées des plus grands analystes et doctrinaires de la révolution populaire et en dépit des plus louables efforts de conscientisation des peuples par des leaders voués à la cause populaire, la révolution populaire reste une disutopie privée de la téléologie du rêve conquérant.  La pire ennemie de la révolution populaire est sa claustration au carcan mental des majorités mécaniquement fonctionnelles, dont la fonctionnalité l’expédie aux calendes achroniques, figées de révoltes complaisantes aux revendications rabougries à l’intérieur du même ordre du monde répressif et inhumain. 
Le seul espoir de changement de la réalité sociale est dans ce que j’appelle l’immanence dialectico-métamorphique, ce noyau des possibles qui subsiste en toute société humaine comme inhérence transformationnelle et latence de la conscience libératrice, quand les majorités sont assignées aux pires injustices par le règne infâme d’une clique tyrannique et déviante. Encore qu’il faille que les leaders révolutionnaires et les peuples trouvent les clés de cette inhérence transformationnelle libératrice pour la rendre patente effective et changer l’ordre du monde! 
[Les passages en gras ont été sélectionnés par moi, AR]
Les textes du Blog INTELLECTION peuvent être reproduits, en tout ou en partie, gratuitement, à condition d'indiquer clairement la source http://intellection.over-blog.com/, avec lien actif vers le site. Dans le cas de la reproduction sur un support autre qu'Internet, la mention de l'adresse du Blog INTELLECTION (http://intellection.over-blog.com/) est exigée.

24 juin 2017

Afrique: "on peut être moderne sans être occidental"



FELWINE SARR : On peut être moderne sans être occidental.
La modernité occidentale a réussi dans sa version
Instrumentale, technologique, sur le terrain de la conquête
des libertés, du sujet, mais, sur le plan éthique et moral,
a échoué faute d'assigner des buts universalisables à son
projet. Fondamentalement, les sociétés produisent leur
propre modernité de manière endogène. Bien sûr, elles
sont en interaction, elles n'évoluent pas en vase clos.
Mais on n'est pas obligé d'adouber ou de reprendre les
catégories philosophiques de la modernité occidentale
telles qu'elles se sont déployées. Dans la modernité occidentale,
la raison est devenue le principe organisateur
du social contre les ancêtres, les dieux, la tradition, parce
qu'il fallait lutter contre les hégémonies venues de l'ordre
religieux, traditionnel. Dans d'autres espace», le rapport
entre tradition et invention du neuf ne s'est pas forcément
traduit dans cette opposition frontale: La tradition est un
capital symbolique que l'on peut réinterroger et que l'on
peut réinjecter dans un devenir à condition d'en retenir
ce qui est fécond. La tradition elle-même est changeante.
Ce n'est pas un corpus figé. On la réinvente. Pour faire
oeuvre de civilisation, il faut de la transmission, on ne
naît pas de soi-même. Et les sociétés transmettent une
matrice culturelle dans le temps, en la réarticulant. Cette
réarticulation intelligente ne s'oppose pas à la production
de la contemporanéité et de la modernité.

ENTRETIEN RÉALISE PAR
Ecrire l’Afrique-Monde sous la direction d'Achille Mbembe -
et Felwine Sarr, Philippe Rey éd., 2017.384 pages, 20 euros.

>> Lire dans l’Humanité datée du vendredi 23 samedi 24 et dimanche 25 juin l’entretien intégral >>