Révoltes, révolutions, nuances et modalités.
La
révolte, au stade personnel comportemental est en soi une révolution
individuelle, car elle enclenche de formidables valeurs comme ressources
de nouvelle naissance mentale de l’humain et de sa transformation
existentielle. La révolte personnelle bien assumée, façonne la nouvelle
vie d’un homme, crée en lui un schème axiologique qui en fait un penseur
et un agissant nouveau, un révolutionnaire dans ses rapports souverains
de sujet avec soi, avec autrui et avec l’univers.
À
l’échelle sociale, par contre, c’est l'immense majorité lésée,
conscientisée, qui doit devenir révolutionnaire, dûment encadrée par ses
leaders, orienteurs méthodiques de la révolution, par delà jacqueries
et colères, émeutes et manifestations de rues, pour envisager un nouveau
système et changer les institutions vers une nouvelle société.
Le
refus d’un ordre injuste ou inadapté aux exigences de la vérité reste
dans la révolte s’il ne produit une construction idéelle authentique et
viable avec les principes d’établissement de ses prescrits pour la
substitution méliorative transformatrice du domaine de son intervention.
D’où aucun mouvement d’humeur ni celui des indignés ni l’hédonisme, ni
le sexualisme ne feront rien au-delà de la révolte tant que le même
ordre socio-économique demeure et que l’État continue de l’imposer
politiquement au nom des mêmes profiteurs oligarques.
Le
révolutionnaire social ne saurait être un aigri, sauf aux yeux des
frileux profiteurs de l'ordre qu'il dénonce et combat et de leurs alliés
serviles. Tout révolutionnaire vrai est d’abord un engagé du sens par
la pensée du changement qu’il conçoit pour l’établissement de la vérité
et de la justice. Dans le contexte des possibles, si le peuple est mûr
pour le changement, il passe à l’action pour le guider et l’aider dans
l’aboutissement. Le révolutionnaire est un mélange de romantique par la
romance du changement mélioratif de la condition humaine, et un
protagoniste de la vision du changement tel qu’il doit être. Toutefois,
nul révolutionnaire accompli, ne se laisse transporter dans le délire
d’un changement dont le peuple ne veut pas. Le peuple peut préférer ses
haillons et ses servitudes, et malheur à celui qui comme le Che, croit
transformer malgré le peuple, la face du social. Par ailleurs, la pire
déviance du mental révolutionnaire, serait de se vouer à la haine, de
haïr des dominants. Car celui qui hait les privilégiés et veut dans sa
vocifération, les renverser par rage en arguant de révolution sans
prévoir et programmer en substitution une société radicalement nouvelle,
est un aigri, une crapule qui altèrera le mode du changement par sa
bassesse mentale. Le révolutionnaire est celui qui transcende les
saletés du système d’injustice sociale qu’il abhorre sans jamais désirer
se les approprier pour soi-même. Son vœu est celui du chambardeur
constructeur qui proclame le nouveau au profit de tous.
Le
révolutionnaire est l’homme qui va au-delà de lui-même pour proposer
par les contingences de sa vie privée une vision publique de la
refondation du monde. C’est le penseur qui refuse les carcans ayant
cours et qui veut les briser pour faire un monde plus digne de l’homme.
Toutefois, la révolution sociale, proposée, fût-elle esthétique, pour
réussir à imposer une nouvelle conception de l’art, doit être l’apanage
du collectif épris et imprégné de la volonté du nouveau, pétri des
nouvelles propositions qu’on lui fait et qui, bien plus que par une
révolte, un chahut pour exiger un rapiècement du système établi dans ses
dysfonctionnements, le déclare inacceptable et le rejette en proclamant
un autre mode de vie dont il a les idées claires quant à ce qu’il en
attend.
La
révolution sociale ne peut exister que si les majorités, le peuple se
lève pour la faire. Il n’y a de révolution populaire que si le peuple
devient révolutionnaire. Le leader d’une révolution populaire, n’est
jamais qu’un ordonnateur dans le processus une fois la conscience
révolutionnaire acquise par les majorités. Les peuples, hélas, sont
réactionnaires, mécaniquement fonctionnels et rarement prêts pour
l’altérité systémique qui révolutionne les structures et les rapports de
classe de la société. Ainsi, à ses propres dépens la fonctionnalité des
masses se contente-t-elle de mouvements d’humeur que l’establishment
oligarchique expédie ponctuellement par des lois et réformes
inessentielles, palliatives, changeant de masques mais onques ni de face
ni de modalités.
La
mentalité de fonctionnalité propre aux majorités souffrantes, est le
fossé conservatoire de toutes les saloperies du monde. C’est en ses
inconsciences et aliénations fonctionnelles que les peuples tuent leur
propre possible de libération. Et pourquoi, malgré les théories
élaborées des plus grands analystes et doctrinaires de la révolution
populaire et en dépit des plus louables efforts de conscientisation des
peuples par des leaders voués à la cause populaire, la révolution
populaire reste une disutopie privée de la téléologie du rêve
conquérant. La pire ennemie de la révolution populaire est sa
claustration au carcan mental des majorités mécaniquement
fonctionnelles, dont la fonctionnalité l’expédie aux calendes
achroniques, figées de révoltes complaisantes aux revendications
rabougries à l’intérieur du même ordre du monde répressif et inhumain.
Le
seul espoir de changement de la réalité sociale est dans ce que
j’appelle l’immanence dialectico-métamorphique, ce noyau des possibles
qui subsiste en toute société humaine comme inhérence
transformationnelle et latence de la conscience libératrice, quand les
majorités sont assignées aux pires injustices par le règne infâme d’une
clique tyrannique et déviante. Encore qu’il faille que les leaders
révolutionnaires et les peuples trouvent les clés de cette inhérence
transformationnelle libératrice pour la rendre patente effective et
changer l’ordre du monde!
[Les passages en gras ont été sélectionnés par moi, AR]
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