07 février 2025

"Le principe transcendance", par A. R. Chapitre 13

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13 – Le principe Transcendance

«… et au-dessus de l’eau
 L’homme en d’autres lieux se rend par des passerelles hardies ».
                                                                              Friedrich Hölderlin

Le mot «principe» est polysémique. A la fois prémices, causes et fondements d’un évènement. Dans le vocabulaire philosophique, «principe» est synonyme de cause première ou d’inconditionné. Dieu par exemple, être ou acte, est principe de transcendance pour les chrétiens ou les musulmans en cours de divinisation. Pour les marxistes, le communisme, abolition positive de la propriété privée, «négation de la négation», est «principe dynamique de l’avenir immédiat» de l’homme au cours de son processus d’humanisation.

Dans une lettre (du 13 novembre 1916 à sa cousine Marguerite Teillard-Chambon), Pierre Teilhard de Chardin décrit l’état d’esprit précédant ou accompagnant l’irruption de la transcendance : «Ce qui, me passionne dans la vie c'est de pouvoir collaborer à une œuvre, à une Réalité plus durable que moi : c'est dans cet esprit et cette vue que je cherche à me perfectionner et à dominer un peu plus les choses. La mort venant me toucher laisse intactes ces choses, ces idées, ces réalités plus solides et plus précieuses que moi-même; la foi en la Providence, par ailleurs, me fait croire que cette mort vient à son heure, avec sa fécondité mystérieuse et particulière (non seulement pour la destinée surnaturelle de l'âme mais aussi pour les progrès ultérieurs de la Terre). Alors pourquoi craindre et me désoler si l'essentiel de ma vie n'est pas touché — si le même dessin se prolonge, sans rupture ni discontinuité ruineuse ?...».

La transcendance est d’abord – d’abord non par ordre d’importance mais dans le déroulement du temps – une «expérience intérieure». Bien que Georges Bataille, dans son ouvrage éponyme, oppose l’expérience intérieure et l’action, au motif que la première ne peut selon lui «exister comme projet», quand la seconde au contraire serait «toute entière dans la dépendance du projet», nous affirmons l’évènement transcendant comme le fruit d’abord d’un mouvement intérieur, suivi d’un projet puis d’une rupture induite par ce projet. Georges Bataille lui-même accumule les formules qui viennent en quelque sorte contredire son affirmation, comme: «L’extrême du possible, est le point où… un homme… s’avance si loin qu’il ne puisse concevoir une possibilité d’aller plus loin»

Dans la vie telle que la voit Bataille, pour l’homme tel que le voit Bataille, «une particule insérée dans des ensembles instables et enchevêtrés», la pensée discursive, la philosophie, le projet ne sont que «façon d’être dans le temps» qui ne répondent pas au tragique et à l’angoisse liés à la question de la vie et de la mort, car ils ne sont que «remise de l’existence à plus tard». Ce qui compte pour Bataille l’impatient, ce n’est pas «l’énoncé du vent, c’est le vent». Pour lui, la quête même du sens n’a pas de sens car «la vie va se perdre dans la mort,… le connu dans l’inconnu… [et] le non-sens est l’aboutissement de chaque sens possible».

29 janvier 2025

Le principe trancendance, par Alain Raynaud (Suite). 12. Le récit abrahamique

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12 – Le récit abrahamique

Transcendance et foi – foi en l’Eternel (Dieu, Yahvé, l’Eternel, IHVH, …) pour Abraham – ont partie liée, comme immanence et transcendance. Ce que montre le récit de la «Genèse»: «Ancien Testament», 11-20 à 22-24.

Pour s’assurer de la foi d’Abraham, l’Eternel lui demande d’abord de quitter son pays, sa patrie et sa famille pour une région et une vie incertaines, en échange d’une promesse de grandeur («Je ferai de toi une grande nation») et de bénédiction, bénédiction «pour ceux qui te béniront», et malédiction «pour ceux qui te maudiront» (12.1 à 3). Cette promesse sera renouvelée deux fois: Abraham aura une descendance (c’est-à-dire un peuple) aussi nombreuse que «les étoiles du ciel» (15.5), dans un pays s’étendant du Nil à l’Euphrate (15.18). Funeste prophétie dont s’inspirent aujourd’hui les partisans du « Grand Israël »…

Ne pouvant en avoir avec son épouse Sarah, Abraham a eu un fils, Ismaël, avec une de ses servantes, Agar. L’Eternel promet par deux fois à Abraham qu’il aura sur le tard un enfant avec son épouse, ce qui fait sourire celle-ci et rend Abraham dubitatif, bien que cette promesse réponde à un fort désir de sa part. Lorsque ce fils, Isaac, sera né, IHVH demandera à son père de le livrer en holocauste (22.2) et, devant l’obéissance absolue de ce dernier, prêt à sacrifier ce qu’il a de plus cher, l’épargnera au dernier moment en lui substituant un bélier (22.12 à 13).

La rencontre d’Abraham et de l’Eternel est l’aboutissement d’une volonté mise au service d’une foi. Plus que l’Eternel lui-même, Abraham incarne, avec les contradictions inhérentes à  la condition humaine, la justice et la rectitude (18.19). Parfois âpre et calculateur, menteur aussi – quand par deux fois il présente sa femme comme étant sa sœur dans le but peu glorieux de se protéger des puissants et de s’attirer d’eux des avantages matériels -, il est cependant aussi celui qui désobéit à l’Eternel capricieux en refusant d’immoler la tourterelle et la colombe (15. 9 à 11) – ce qui va coûter cher aux juifs condamnés pour cela à l’esclavage en Egypte pendant quatre générations -, il est encore celui qui négocie avec l’Eternel la grâce pour le peuple pécheur de Sodome s’il s’y trouve ne serait-ce qu’une poignée de justes (voir plus loin),car, ainsi que le note Guy Lafon, «incarnée en des hommes, si peu nombreux soient-ils, la rectitude pèse plus lourd que la perversion d’une multitude». Abraham est le type d’homme qui incarne cette éthique.

Si le refus de sacrifier les oiseaux et la négociation «pied à pied» avec IHVH établissent la droiture fondamentale d’Abraham, que penser du double mensonge concernant son épouse ? Le pasteur Marc Pernot  titre une de ses prédications: Abraham est-il «menteur, proxénète et incestueux ?», et poursuit: «A deux reprises, Abraham présente sa femme comme sa sœur pour que le Pharaon, puis le Roi Abimélek en fassent ce qu’ils veulent sans que lui, Abraham, n’en recueille que des bénéfices». Et des bénéfices, en vie sauve et en richesses, il en recueille abondamment les deux fois.

Mais peu importe en définitive. Ce qui semble d’abord dit dans ce récit c’est qu’il fallait que ce fut un homme pleinement humain, imparfait, immanent en tout, pour que la rencontre avec l’Eternel ait un sens. 

La transcendance à hauteur d’homme a besoin de l’immanence de la foi. La foi d’Abraham, nous avons déjà envisagé de cette façon le principe même  de la foi, n’est pas une manière d’être, une ontologie de la personne, mais une manière de vivre, non pas non plus quelque chose que l’on a et que l’on affiche mais quelque chose qui se montre en actes, en vérité.

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06 octobre 2024

Roger Garaudy avait le goût de l'absolu...

 LE GOÛT DE L'ABSOLU

"Il y a une passion si dévorante qu'elle ne peut se décrire. Elle mange qui la contemple. Tous ceux qui s'en sont pris à elle s'y sont pris. On ne peut l'essayer, et se reprendre. On frémit de la nommer : c'est le goût de l'absolu. On dira que c'est une passion rare, et même les amateurs frénétiques de la grandeur humaine ajouteront : malheureusement. Il faut s'en détromper. Elle est plus répandue que la grippe, et si on la reconnaît mieux quand elle atteint les cœurs élevés, elle a des formes sordides qui portent ses ravages chez les gens ordinaires, les esprits secs, les tempéraments pauvres. Ouvrez la porte, elle entre et s'installe. Peu lui importe le logis, sa simplicité. Elle est l'absence de résignation. Si l'on veut, qu'on s'en félicite, pour ce qu'elle a pu faire faire aux hommes, pour ce que ce mécontentement a su engendrer de sublime. Mais c'est ne voir que l'exception, la fleur monstrueuse, et même alors regardez au fond de ceux qu'elle emporte dans les parages du génie, vous y trouverez ces flétrissures intimes, ces stigmates de la dévastation qui sont tout ce qui marque son passage sur des individus moins privilégiés du ciel."
[Louis ARAGON, dans "Aurélien"]

17 avril 2024

"De Marx à Teilhard de Chardin", par Alain Raynaud

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