24 mars 2021

Qui sont les vrais responsables de la mort du Christ ?

 

Le geste théâtral du gouverneur romain Ponce Pilate se lavant les mains est resté gravé dans l'inconscient collectif. Il est devenu synonyme de lâcheté. Mais, à l'examen, est-ce vrai ?

En parcourant  les récits des évangiles, nous  allons constater que  le gouverneur romain  fut l'unique, et le plus combatif, des défenseurs du Christ. A la fois juge et défenseur, c'est sans doute le seul procès au monde où  la même personne assume ces deux rôles. Pilate fut un défenseur offensif, essayant tous les moyens humains, sans relâche, et revenant constamment à la charge pour faire libérer Jésus, comme nous le verrons,

 

 

Relisons le début dans l'évangile de Jean.

 

18.1

Lorsqu'il eut dit ces choses, Jésus alla avec ses disciples de l'autre côté du torrent du Cédron, où se trouvait un jardin, dans lequel il entra, lui et ses disciples.

18.2

Judas, qui le livrait, connaissait ce lieu, parce que Jésus et ses disciples s'y étaient souvent réunis.

18.3

Judas donc, ayant pris la cohorte, et des huissiers qu'envoyèrent les principaux sacrificateurs et les pharisiens, vint là avec des lanternes, des flambeaux et des armes.

Jean 18:1-3

18.12

La cohorte, le tribun, et les huissiers des Juifs, se saisirent alors de Jésus, et le lièrent.

Jean 18:12

 

L'autorité romaine avait donc été informée des projets des dirigeants religieux de s'emparer de Jésus et Pilate avait donné son accord, en fournissant même une escouade de militaires romains. Il est fort probable que la caste dirigeante juive réussit un tour de force politique en se servant des Romains pour atteindre un résultat dont, eux seuls, allaient tirer profit.

 

Aldo Schiavone(1) émet l'hypothèse que « l'opération toute entière avait été conçue et réalisée sur la base d'un accord explicite entre le préfet et les autorités religieuses juives. Un accord bien évidemment proposé par les prêtres(impossible de penser autrement), qui représentait le point culminant de leur dessein : impliquer les Romains dans l'élimination de Jésus, pour se couvrir et s'abriter derrière eux face au peuple dont ils craignaient les réactions. »(2)

 

18.28

Ils conduisirent Jésus de chez Caïphe au prétoire: c'était le matin. Ils n'entrèrent point eux-mêmes dans le prétoire, afin de ne pas se souiller, et de pouvoir manger la Pâque.

18.29

Pilate sortit donc pour aller à eux, et il dit: Quelle accusation portez-vous contre cet homme?

Jean 18:28-29

 

. Nous constatons avec étonnement que le gouverneur romain obtempère  aux souhaits des chefs religieux juifs. Le prétoire est le symbole du pouvoir et de l'autorité romaine. Pilate quitte ce lieu symbolique, pour ne pas déplaire aux juifs. C'est déjà un aveu de faiblesse, et cela ne présage rien de bon pour la suite.

 

 Pilate avait été averti par son épouse de l'innocence de Jésus.

 

Pendant qu'il était assis sur le tribunal, sa femme lui fit dire: Qu'il n'y ait rien entre toi et ce juste; car aujourd'hui j'ai beaucoup souffert en songe à cause de lui.

Matthieu 27:19

 Le gouverneur savait que les chefs religieux avaient arrêté Jésus par jalousie:

 

27.17

Comme ils étaient assemblés, Pilate leur dit: Lequel voulez-vous que je vous relâche, Barabbas, ou Jésus, qu'on appelle Christ?

27.18

Car il savait que c'était par envie qu'ils avaient livré Jésus.

Matthieu 27:17-18

 

 Donc, avant même d'avoir commencé à entendre les arguments des accusateurs, Pilate était parfaitement conscient de l'innocence de Jésus. N'oublions pas qu'à l'époque, les rêves avaient valeur d'avertissement par les dieux et qu'ils n'étaient pas pris à la légère.

 

Pilate va essayer d'abord de se '' débarrasser '' de Jésus, en l'envoyant à Hérode.

 

23.6

Quand Pilate entendit parler de la Galilée, il demanda si cet homme était Galiléen;

23.7

et, ayant appris qu'il était de la juridiction d'Hérode, il le renvoya à Hérode, qui se trouvait aussi à Jérusalem en ces jours-là.

[….]

Hérode, avec ses gardes, le traita avec mépris; et, après s'être moqué de lui et l'avoir revêtu d'un habit éclatant, il le renvoya à Pilate.

Luc 23:6-11

 

 C'est là un moyen habituel aux dirigeants politiques, se défausser sur un autre( les circonstances, ou un autre dirigeant) de leur propre responsabilité. Mais, malheureusement, pour Pilate, ça ne marche pas.  Hérode en effet lui renvoie Jésus.

Le gouverneur va, avec un courage et même une certaine ténacité, défendre Jésus contre ses accusateurs.

 

23.4

Pilate dit aux principaux sacrificateurs et à la foule: Je ne trouve rien de coupable en cet homme.

Luc 23:4

 

et un peu plus tard, il confirme ses propos

 

23.13

Pilate, ayant assemblé les principaux sacrificateurs, les magistrats, et le peuple, leur dit:

23.14

Vous m'avez amené cet homme comme excitant le peuple à la révolte. Et voici, je l'ai interrogé devant vous, et je ne l'ai trouvé coupable d'aucune des choses dont vous l'accusez;

23.15

Hérode non plus, car il nous l'a renvoyé, et voici, cet homme n'a rien fait qui soit digne de mort.

Luc 23:13-15

Pilate dit clairement que Jésus n'a pas incité le peuple à la révolte. C'est bien la preuve que le gouverneur romain n'avait aucune suspicion que Jésus fasse partie de la secte des zélotes.

 

Et le gouverneur, avec une constance remarquable, continue d'insister sur l'innocence de Jésus.

 

23.20

Pilate leur parla de nouveau, dans l'intention de relâcher Jésus.

23.21

Et ils crièrent: Crucifie, crucifie-le!

23.22

Pilate leur dit pour la troisième fois: Quel mal a-t-il fait? Je n'ai rien trouvé en lui qui mérite la mort. Je le relâcherai donc, après l'avoir fait battre de verges.

Luc 23:20-22

 

Ainsi donc, par trois fois, le gouverneur va déclarer devant ses accusateurs  que Jésus n'a commis aucun crime justifiant sa condamnation à mort.

 

Pilate, devant la haine des chefs religieux, va alors  essayer de faire'' appel au peuple''. Il espère secrètement que le peuple, qui avait accueilli triomphalement Jésus lors de sa venue à Jérusalem, va inverser la tendance, et fera basculer le rapport de forces en défaveur des chefs. 

 

15.6

A chaque fête, il relâchait un prisonnier, celui que demandait la foule.

15.7

Il y avait en prison un nommé Barabbas avec ses complices, pour un meurtre qu'ils avaient commis dans une sédition.

15.8

La foule, étant montée, se mit à demander ce qu'il avait coutume de leur accorder.

15.9

Pilate leur répondit: Voulez-vous que je vous relâche le roi des Juif?

15.10

Car il savait que c'était par envie que les principaux sacrificateurs l'avaient livré.

15.11

Mais les chefs des sacrificateurs excitèrent la foule, afin que Pilate leur relâchât plutôt Barabbas.

Marc 15:6-11

 

Le dernier espoir de Pilate de sauver Jésus s'évanouit. Mais le gouverneur hésite encore, sans doute sa conscience est taraudée par le rêve de sa femme.Il sait au fond de lui même que Jésus est innocent. Mais Pilate se rend compte « qu'il ne gagnait rien, mais que le tumulte augmentait... »,et le texte nous apprend que « Pilate voulut satisfaire la foule en leur relâchant Barabbas. ». Le gouverneur va essayer une dernière tentative, pour éviter d'avoir à condamner un innocent à mort.

 

« Pilate est sans doute déconcerté devant l'entêtement des dirigeants religieux. Son objectif, auquel il n'avait pas renoncé, était de trouver un compromis : sauver Jésus sans pour autant humilier les chefs du Sanhédrin qui s'étaient publiquement exposés en demandant l'exécution du prisonnier.

 

 C'est sans doute pourquoi il décide d'infliger à Jésus un châtiment qui puisse à la fois épargner sa vie et  satisfaire au moins en partie les dirigeants religieux : la flagellation .(3) 

 19:1

Alors Pilate prit Jésus, et le fit battre de verges.

Jean 19:1

« La flagellation était un supplice effroyable. Nous pouvons penser que son supplice – probablement sur ordre du gouverneur lui-même- ne dura pas longtemps ni n'alla au-delà du supportable, puisque,aussitôt après, il fut capable de rester debout, et plus tard, de reprendre en toute lucidité son dialogue avec Pilate.  La scène où les soldats romains se moquent de leur prisonnier, lui posent sur la tête une couronne d'épines et le revêtent d'un manteau de pourpre n'est pas la conséquence de débordements d'une soldatesque sadique ».(3)

 

Ce serait, selon l'opinion d'Aldo Schiavone ,  une ultime tentative du gouverneur pour se dégager de cette situation sans trop de dommages : exhiber un Jésus blessé et humilié, outragé, et espérer que les dirigeants se contenteront de cette victoire sur l'homme qu'ils détestaient. Pilate, en le présentant dans cet état pitoyable, voulait montrer aux yeux de tous son inoffensivité. Un homme ensanglanté, blessé, ridiculisé par une couronne d'épines et un manteau pourpre, une sorte de mascarade, ou de farce tragique, comment aurait-il pu encore constituer un danger ? Mais même cette ultime tentative va se heurter à la dureté inflexible des chefs religieux.

 

19.4

Pilate sortit de nouveau, et dit aux Juifs: Voici, je vous l'amène dehors, afin que vous sachiez que je ne trouve en lui aucun crime.

19.5

Jésus sortit donc, portant la couronne d'épines et le manteau de pourpre. Et Pilate leur dit: Voici l'homme.

19.6

Lorsque les principaux sacrificateurs et les huissiers le virent, ils s'écrièrent: Crucifie! crucifie! Pilate leur dit: Prenez-le vous-mêmes, et crucifiez-le; car moi, je ne trouve point de crime en lui.

19.7

Les Juifs lui répondirent: Nous avons une loi; et, selon notre loi, il doit mourir, parce qu'il s'est fait Fils de Dieu.

Jean 19:4

 

Quand Pilate entendit cette parole, sa frayeur augmenta. Le Gouverneur eut-il conscience à ce moment là que ce Jésus était plus qu'un simple homme, une prophète, un Juste, un être exceptionnel, ce que confirmait le rêve prémonitoire de sa femme ?

 

 

 Pilate s'efforce encore une fois de le relâcher. Mais maintenant les chefs religieux vont employer l'argument décisif

 

19.12

Dès ce moment, Pilate cherchait à le relâcher. Mais les Juifs criaient: Si tu le relâches, tu n'es pas ami de César. Quiconque se fait roi se déclare contre César.

 

 19.13

Pilate, ayant entendu ces paroles, amena Jésus dehors; et il s'assit sur le tribunal, au lieu appelé le Pavé, et en hébreu Gabbatha.

19.14

C'était la préparation de la Pâque, et environ la sixième heure. Pilate dit aux Juifs: Voici votre roi.

19.15

Mais ils s'écrièrent: Ôte, ôte, crucifie-le! Pilate leur dit: Crucifierai-je votre roi? Les principaux sacrificateurs répondirent: Nous n'avons de roi que César.

19.16

Alors il le leur livra pour être crucifié

Jean 9:12-16

 

''Tu n'es pas ami de César ! ''

 

Voici ce qu'écrit à ce propos Werner Keller :

 

 « C'était pour Ponce Pilate une dangereuse mise en demeure politique qui le menaçait directement d'un message envoyé à Rome pour dénoncer sa négligence dans l'accomplissement de ses devoirs de fonctionnaire en libérant un révolutionnaire.

             

 Se faire roi signifiait trahir l'empereur romain, ce que la Lex Juliana châtiait par la peine de mort.

Pilate eut peur de cette menace voilée. Il n'avait pas encore oublié que les Juifs avaient déjà prouvé qu'ils savaient en faire une réalité. Ainsi que le raconte Philon d'Alexandrie, Ponce Pilate avait amené à Jérusalem les écussons d'or portant le nom de l'Empereur et les avait fait suspendre dans le palais d'Hérode, au centre de la ville. C'était une faute grave à l'égard des droits garantis de la communauté cultuelle juive de Rome, une provocation. Il avait repoussé avec ironie la demande d'éloigner les écussons de la Ville Sainte.

 

Là-dessus, les Juifs en appelèrent à Rome et obtinrent leur droit. L'Empereur Tibère ordonna lui-même l'éloignement des écussons d'or. Par de telles initiatives et quelques autres bévues contraires à la politique coloniale de Rome, le prestige de Ponce Pilate à l'époque de ce procès avait considérablement baissé. »(4)

 

C'était la menace suprême, et Pilate comprit que les chefs juifs mettraient leurs menaces à exécution. Sa carrière, sa liberté, sa vie même étaient maintenant menacées. Le gouverneur capitula devant la lourde menace que font planer sur lui les chefs religieux juifs.

 

Qui pourrait jeter la pierre à Ponce Pilate ?  Jamais un juge dans l'histoire des hommes, n'a essayé avec autant de hardiesse et de courage, de défendre un accusé. Jamais un juge ne fut un défenseur plus opiniâtre que Ponce Pilate. Il finit par céder, et ce que garda la mémoire des hommes, c'est son geste théâtral de se laver les mains, geste devenu le symbole de la lâcheté. En réalité, Pilate fut soumis à une pression d'une puissance telle qu' aucun homme n'est capable de lui résister

 

Dans l'histoire récente, de nombreux dirigeants de grands États puissants, ont eux aussi cédé devant ce genre de pression. Les exemples abondent. Je citerai un seul  exemple :          

 

Le 14 octobre 1953, tous les habitants du village arabe de Qibja en Jordanie, furent massacrés dans une série d'attaques sionistes, soulevant une vague de réprobation dans le monde entier.(5)

 

  Le gouvernement américain annonça qu'une subvention de 60 millions de dollars au profit d'Israël, serait interrompue( déclaration faite le 20 octobre 1953). Le président Eisenhower s'estimait assez puissant pour une telle décision. Il avait tort: il sous estimait la force incroyable du lobby sioniste. Le 28 octobre 1953, il capitula, une déclaration officielle annonçant qu'Israël recevrait la somme qui lui avait été promise. Et Israël ne fut  jamais condamné, autrement qu'en paroles !

 

On pourrait malheureusement ajouter des dizaines, voire des centaines, d'exemples de capitulation des grands dirigeants politiques de ce monde confrontés à des menaces émanant de ce lobby.

 

Ponce Pilate n'a finalement été que le premier d'une longue série à capituler devant les menaces d'une puissance souterraine, qui, certes, ne s'appelait pas encore un lobby, mais  utilisait, il y a 20 siècles déjà, les mêmes moyens pour arriver à ses fins ( la menace, le chantage, la violence, ..etc)

 

Alors, réhabilitons Ponce Pilate. Non, il n'avait aucune suspicion que Jésus fasse partie de la secte fanatique des zélotes. D'ailleurs, si cela avait été le cas, les partisans de Jésus auraient combattu pour lui. Or, que dit Jésus, à Ponce Pilate:

 

Mon royaume n'est pas de ce monde, répondit Jésus. Si mon royaume était de ce monde, mes serviteurs auraient combattu pour moi afin que je ne fusse pas livré aux Juifs; mais maintenant mon royaume n'est point d'ici-bas.

Jean 18:36

 

 Ce n'est pas non plus le peuple juif qui réclame la mort de Jésus et la libération d'un criminel. La question : à qui devait être attribué la responsabilité de la mort de Jésus  a fait l'objet de nombreux débats.

 

Lorsque Luc écrit que «  Pilate, ayant assemblé les principaux sacrificateur, les magistrats et le peuple... », pour décider du sort de Jésus, il faut comprendre qu'il s'agissait, non du peuple dans son ensemble, mais de quelques individus sans doute soudoyés par les prêtres, pour manifester dans le sens souhaité.

 

C'est un processus bien connu de tous les agitateurs politiques. Aujourd'hui encore, bien souvent, les médias nous présentent des images '' d'une foule '' de manifestants pour faire croire  à une opinion crédule qu'il existe un fort mouvement populaire en faveur de telle ou telle cause .  Ce fut la même chose du temps de Jésus. D'ailleurs, lorsque Jésus fut emmené par les soldats romains vers le lieu du supplice, il est écrit : « qu'il était suivi par une grande multitude de peuple.... »(Évangile de Luc 23.27 )

 

Les seuls responsables de la condamnation inique du Christ sont les instances dirigeantes juives. [ Nous nous sommes  limités aux seuls faits objectifs. Cette contribution n'a pas pour prétention d'analyser les aspects théologiques de la mort de Jésus. Ce domaine est du ressort des théologiens.]

 

 

Les Romains avaient d'ailleurs reconnu l'autorité du sanhédrin de Jérusalem qui fonctionnait de manière collégiale. Il était présidé par le grand prêtre en fonction, d'anciens grands prêtres, d'une partie des prêtres du Temple et des représentants de l'aristocratie non sacerdotale( les ''anciens'' et les ''scribes'', docteurs de la loi et savants interprètes de la Torah et de la tradition).

 

 La puissance et l'autorité de ce '' gouvernement'' sur la communauté juive, du temps de Jésus jusqu'à aujourd'hui, ne s'est pas démentie au cours des siècles.

 

Ce n'est pas le peuple juif dans son ensemble qui est responsable. Les autorités religieuses chrétiennes qui ont colporté ces idées, en accusant de déicide le peuple juif, portent une lourde responsabilité.  On peut leur reprocher surtout d'avoir omis de rechercher et de dénoncer les seuls et vrais responsables de la mort du Christ. A noter cependant que dans la déclaration Nostra Aetate relative aux relations entre l’Église catholique avec les religions non chrétiennes, publiée par le pape Paul VI le 28 octobre 1965, l'on peut lire ceci :

«  Encore que des autorités juives, avec leurs partisans, aient poussé à la mort du Christ, ce qui a été commis durant sa passion ne peut pas être imputé ni indistinctement à tous les Juifs vivant alors, ni aux Juifs de notre temps... »(6)

 

Bien évidemment, un tel scénario a été violemment contesté par la critique historique moderne. Dans son livre Who Killed Jesus ? John Dominic Crossan  prétend «  dévoiler les racines de l'antisémitisme dans le récit évangélique de la mort de Jésus ».(7)

 

  Certes, comme l'écrit Laurent GUYENOT , « l'analyse historico-critique des Évangiles est un domaine parfaitement légitime de la science historique qui soumet les Évangiles aux mêmes tests que tout autre source historique.[...] La  question au sujet de la responsabilité des élites juives dans la condamnation de Jésus est de savoir si le  récit évangélique est foncièrement mensonger, ou simplement schématique, s'il inverse la réalité ou se contente de l'exagérer. Nous devons choisir entre deux thèses : une thèse'' conspirationniste'' défendue par les auteurs des Évangiles, et une thèse progressiste qui purge le récit évangélique de sa judéophobie et s'en  tient à la responsabilité matérielle des Romains dans l'exécution par crucifixion.

 Or d'un point de vue historique, le récit évangélique est parfaitement plausible dans ses grandes lignes, et rien ne justifie de le réécrire à l'envers : ni le complot des élites juives, ni la trahison de Judas ne présentent d'invraisemblance.C'est au contraire leur parfaite vraisemblance qui frappe. Paul fut victime par deux fois des mêmes méthodes.... »(8)

 

D'ailleurs, la meilleure preuve de la responsabilité des seules élites religieuses juives dans le processus qui a conduit à la condamnation à mort  de Jésus, ce sont les  textes mêmes des Évangiles qui nous rappellent comment  ces dirigeants  complotaient  pour mettre à mort Jésus dès le début de son ministère.

 

Voici quelques textes

 

Ils furent remplis de fureur, et ils se consultèrent pour savoir ce qu'ils feraient à Jésus.

Luc 6:11

 

Il enseignait tous les jours dans le temple. Et les principaux sacrificateurs, les scribes, et les principaux du peuple cherchaient à le faire périr;

Luc 19:47

 

Les principaux sacrificateurs et les scribes cherchèrent à mettre la main sur lui à l'heure même, mais ils craignirent le peuple. Ils avaient compris que c'était pour eux que Jésus avait dit cette parabole.

Luc 20:19

 

 

 Les principaux sacrificateurs et les scribes cherchaient les moyens de faire mourir Jésus; car ils craignaient le peuple.

Luc 22:2

 

D'ailleurs cette haine s'est poursuivie à l'encontre des disciples du Christ. Elle n'a pas cessé, pendant les premiers siècles de s'exercer à l'égard des chrétiens.D'ailleurs, les écrits du livre des Actes sont explicites à cet égard. Il suffit de lire les récits des persécutions envers les juifs convertis.  Un constat que beaucoup ignorent, persuadés que c'est le peuple juif seul  qui a été persécuté. Certes, il y a eu, au cours de l'histoire, de nombreuses persécutions à l'encontre des communautés juives, suivies parfois de scènes de violence et de massacre.La ville de Strasbourg(9) s'est d'ailleurs tristement illustrée à cet égard. Et nul ne va nier la terrible entreprise de destruction de beaucoup de communautés juives d'Europe organisée par le régime nazi au cours de la seconde guerre mondiale, documentée  par Raul Hilberg dans un ouvrage de référence (10)

 

Cela ne doit pas escamoter la réalité des persécutions envers les chrétiens dont bien souvent les dirigeants juifs étaient à l'origine. Mais, toujours, en arrière plan, et en instrumentalisant les autorités de l' époque. Rien de nouveau dans les méthodes utilisées  aujourd’hui encore .  

 

Et cette haine se poursuivra pendant les 3 premiers siècles, si l'on en juge par les témoignages des chrétiens de cette époque.

 

Mais ce mépris et cette haine envers Jésus et ses disciples va  trouver son plein épanouissement dans les écrits du Talmud. Israël Shahak(11) précise que «  le code complet de la loi talmudique – la Misneh Torah de Maïmonide – est rempli de préceptes les plus orduriers à l'égard de tous les gentils[ les non Juifs], mais aussi de violentes attaques très claires contre le christianisme et Jésus »(12)

Et, attention, nous prévient Flavien Brenier : «  […] ne croyons pas que le Talmud soit périmé, au contraire, les témoignages abondent qui prouvent que les Juifs contemporains ont pour le Talmud, sa morale, ses enseignements, le même respect que les Juifs du Moyen Âge. Le Talmud est toujours le code religieux des Juifs, c'est lui qu'on enseigne dans les synagogues, c'est lui dont on pétrit pour toujours l'âme des enfants[...]. »(13)

 

Non, Ponce Pilate ne mérite pas l’opprobre jeté sur lui. Il a été plus courageux que maints dirigeants politiques qui se sont servilement couchés devant cette puissance. Il a fait l’impossible pour arracher le Christ à ses ennemis. Il n'y a pas réussi, car vaincu par plus fort que lui.

 

MARC

 

  (1) Historien de renommée internationale, Aldo Schiavone a dirigé l'Institut italien de sciences humaines. Il est l'un des grands spécialiste du droit romain.

 

(2) Aldo SCHIAVONE, Ponce Pilate,  p.31-34

 

(3) Aldo SCHIAVONE, Ponce Pilate, p.155-157

 

(4) Werner KELLER, La Bible arrachée au sable,p.508-509

 

(5) Le massacre de Qibya, également connu sous le nom d’Opération Shoshana (nom donné en mémoire d’une des victimes juives de l’attentat qui déclencha l’opération), est une action de représailles menée par l’Unité 101 de l’armée israélienne contre le village cisjordanien de Qibya dans la nuit du 14 au 15 octobre 1953 et qui fit 70 victimes parmi les habitants du village, dont au moins 60 victimes civiles.

À l’époque, l’opération est unanimement réprouvée dans le monde et fait l’objet d’une condamnation du Conseil de sécurité des Nations unies. Elle est perçue comme le début de la politique controversée de représailles systématiques toujours appliquée aujourd’hui par Israël.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Massacre_de_Qibya

 

(6) E.Michael JONES, L'esprit révolutionnaire juif et son impact sur l'histoire du monde, Éditions St Rémi, p.49

 

(7)John Dominic CROSSAN, Who Killed Jesus ? Exposing the Roots of Anti-Semitism in the Gospel Story of the Death of Jesus, Harper, San Francisco, 1995, cité dans Laurent GUYENOT, Du Yahwisme au Sionisme, p.94

 

(8) Laurent GUYENOT : Du Yahwisme au Sionisme, p.94-98

 

(9)Le samedi 14 février 1349, jour de la Saint-Valentin, on cerna le quartier juif.  Tous ses habitants furent traînés par la foule au cimetière de la communauté, où on les entassa sur un immense bûcher. Deux mille Juifs furent brûlés vifs. Seuls échappèrent un certain nombre d'enfants et quelques adultes qui abjurèrent leur foi. Les biens des suppliciés furent partagés entre les bourgeois, l'évêque et la municipalité. Les créances furent détruites et certains gages rendus à leurs propriétaires qui habitaient hors de Strasbourg.

judaisme.sdv.fr/histoire/villes/strasbrg/hist/hist2.htm

 

(10) Raul Hilberg  est un historien et politologue juif américain d'origine autrichienne, né le 2 juin 1926 à Vienne en Autriche et décédé le 4 août 2007 dans l'État du Vermont aux États-Unis. Spécialiste de la Shoah de réputation mondiale, il a été le premier à reconstituer dans une synthèse d'envergure, richement sourcée, le processus d'ensemble du génocide perpétré à l'encontre des Juifs pendant la Seconde Guerre mondiale dans tous ses aspects politiques, économiques, techniques, administratifs et humains.Son ouvrage, en 3 volumes, est le fruit d'un travail de recherche sans équivalent : Raul HILBERG, La destruction des Juifs d'Europe, 3 tomes, collection Folio histoire, Gallimard

 

 

(11)  Israël Shahak(1933-2001) a été interné à 12 ans au camp de Bergen Belsen. Il émigra ensuite en Palestine en 1945. Il fut professeur de chimie organique et, sa vie durant, resta un militant infatigable des droits de l'homme. Il fut président de la Ligue israélienne pour les droits humains. Il est l'auteur de Histoire juive- Religion juive, le poids de trois millénaires, Éditions la Vieille Taupe,1996.

 

(12)  Israël SHAHAK, Histoire juive- Religion juive, le poids de trois millénaires, p.55

 

(13)  Flavier BRENIER, Les Juifs et le Talmud, p.59-6 I