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La politique, une veine d’inspiration pour notre imaginaire
Publié le 2018-11-23 | Le Nouvelliste
La politique a conduit Haïti au plus haut sommet du désespoir. C’est la politique qui tue le rêve de millions de jeunes Haïtiens et les pousse hors de cette moitié d’île. C’est la politique en Haïti qui fait manger la poussière à des millions de gens. C’est la politique qui met des armes entre les mains de nos jeunes au lieu de leur donner du pain, de l’instruction et du travail. En effet, c’est une certaine politique inconsciente qui fait le black-out sur la vie, la santé, l'environnement, le bien-être, le développement d’une collectivité évoluant sur un territoire libre, indépendant où le sang a coulé pour que l’Homme Noir trouve sa dignité.
C’est la politique qui a arraché ce cri à l’âme nègre : « Liberté ou la mort ! Liberté ou la mort ! ». Cet imaginaire nourri dans le feu sacré de la liberté ouvre la conscience sur des idées généreuses, il appelle à un pouvoir structuré harmonisé par des lois pour que la vie sur terre ne soit pas un enfer pour l’esprit et le corps.
La petite minorité qui suce à la mamelle le pays est honnie, haïe, exécrée. Elle n’a pas un beau rôle dans l’histoire qui s’écrit. L’histoire d’Haïti qui donne des ailes à l’imagination est une histoire d’unité digne de mémoire que l’on raconte continuellement pour qu’une autre vie soit possible sur cette terre que nos ancêtres nous ont léguée en héritage. L’union des Noirs et des Mulâtres pour accéder à l’indépendance d’Haïti est inscrite dans notre ADN. Elle est une page enluminée de fierté.
Aujourd’hui, regardez comme tout le monde se terre dans un trou pour se mettre à l’abri. Regardez comme on s’encaserne entre de hauts murs pour protéger sa vie et ses biens. Regardez comme tant de gens risquent leur vie dans les manifestations de rue pour que les choses changent ! Sur les réseaux sociaux, dans les médias traditionnels, l’écume de l’opinion monte, elle fait des vagues et claque le ras-le-bol d’une société qui en a marre. En paroles, en chansons, en images, en capsules audio et vidéo, le peuple revendicatif demande des comptes : « Kote kòb PetroCaribe a ? » Il remonte à tous les comptes d’avant cette lancinante interrogation : « Kote kòb PetroCaribe a ? » Regardez comme cette politique suicidaire réduit en miettes toute confiance dans l’avenir.
Est-ce qu’on n’est pas fatigué de vivre dans un pays qui se transforme jour après jour en une jungle ? Ne dit-on pas que nous sommes des homos sapiens ? Belle image qui définit l’homme tel un être sage. Si nous croyons que l’humain dans l’homme est nourri par cette sagesse, la politique pourrait se faire en Haïti autrement.
Une certaine culture de la politique en Haïti laisse croire que la politique pourrit tout. Quand l’homme prend le contrôle de cette machine qui fait de lui un dieu ou encore un démon, l’ivresse s’empare de lui ; il oublie la collectivité. Les plus vulnérables, les masses souffrantes ne font pas sens dans une politique exclusiviste. Autour de l’homme politique, à ses pieds, des flatteurs chantent ses louanges. N’est-ce pas un dieu dans un «paradis terrestre» ? Lucifer a tenu ses promesses : faire de l’homme un dieu.
« L’homme n’est ni ange ni bête... », disait Pascal. Ce support de pensée nous conduit à postuler que la politique n’est pas une affaire d’ange ou de démon, elle est plutôt la voie obligée, la voie déterminante pour amener Haïti vers sa rédemption.
Pour cette rédemption, depuis les hauteurs du pouvoir doit régner la transparence. Ainsi la politique devient cet oxygène indispensable à la vie. C’est la politique qui nous sauvera. La politique pour nourrir notre imagination ; l’arme politique comme stratégie pour dérouter les dilapidateurs des fonds publics ; la politique pour toute arme pour forcer cette société à prendre une autre voie ; une culture politique pour corner urbi et orbi que ce ne sont pas des malfrats sous couvert de beaux discours qui doivent être aux commandes de l’État ; la politique pour signifier aux partis politiques de se remembrer et prendre le pouvoir par les élections ; la politique pour pousser l’État à organiser des élections libres, honnêtes et démocratiques ; la politique pour amener le citoyen à dire sur tous les tons aux leaders politiques qu’ils sont des chefs responsables et qu’ils ont pour mission de structurer leur parti, de rassembler leurs partisans autour d’une vision, de se mettre en chemin pour que s’ouvre l’espoir, un espoir façonné par un imaginaire né dans le cœur de citoyen inspiré par des valeurs républicaines qui génèrent des idées pour une Haïti nouvelle, une Haïti digne, humaine et inclusive.
Voir ce pays poindre à l’horizon nécessite une veine d’inspiration pour notre imaginaire. Le citoyen ouvrira grand ses yeux avec Victor Cherbuliez qui a écrit dans ‘’Les hommes et les choses du temps présent’’, « Lorsqu'on ne s'occupe pas de politique, elle vous joue quelquefois le mauvais tour de s'occuper de vous ». Dans cette perspective, chacun, dans sa sphère d’action, assume la mission de faire de la politique pour que cela change. Et là, convoquons Roger Garaudy, pour sa formule inoubliable : « La politique, c’est l’affaire de tout le monde. Si vous ne faites pas de la politique, on la fera pour vous. »