« UNE RECHUTE DU STALINISME »
Roger Garaudy, lui, avait manifesté
sa désapprobation
publiquement dès la fin août. C'était
juste après l'« accord » intervenu entre les Tchécoslovaques
et les Soviétiques à Moscou. L'accord-diktat, qui
parle notamment de « stationnement temporaire » des troupes soviétiques
en Tchécoslovaquie, est accueilli avec un «ouf !» de
soulagement par le PCF qui, dans u n communiqué de son BP,
le considère comme «un
fait positif». Roger Garaudy ne l'entendit pas de
cette oreille et fit une déclaration à l'agence de
presse tchécoslovaque CTK dans laquelle il affirmait, en
contradiction avec la position du PCF, que « la seule solution est
le retrait sans conditions de
toutes les troupes étrangères occupant
actuellement la Tchécoslovaquie».
Et Garaudy concluait : « Ce qui est en cause, c'est une
Et Garaudy concluait : « Ce qui est en cause, c'est une
rechute du stalinisme, dans la
théorie et dans la pratique, de la
part des dirigeants soviétiques qui ont
voulu trop vite tourner la
page du XXe Congrès. »
Le 5 octobre 1968, l'Humanité s'en
prend à Garaudy qui
vient de signer une préface à la
Liberté en sursis - Prague 1968,
un recueil de textes de dirigeants du
PCT. Le directeur du
Centre d'études et de recherches
marxistes (CERM) est accusé
de « rompre avec la discipline
léniniste d'un parti communiste »,
celle qui condamne un « minoritaire »
au silence.
Mais Roger Garaudy recommence sur
l'antenne d'Europe I,
à la mi-octobre, quelques jours avant
la séance du CC qui lui
infligera un « blâme public ». « Si
je parle ici ce soir, c'est que je
n'ai pu répondre ailleurs», affirmait-il en visant l'Humanité.
Bien informé — par qui ? — Raymond Barrillon
commentait
ainsi dans le Monde: «Faut-il
envisager une prochaine
éviction du Bureau politique du directeur
du CERM ? Évitera-t-
on d'aller jusque-là, et l'offensive
a-t-elle seulement pour but de
satisfaire et d'apaiser les " inconditionnels"
du prosoviétisme, au
nombre desquels on cite avec une insistance
croissante, ici et là,
Mm e Jeannette Thorez-Vermeersch, que
le P C F n'avait pas
représentée aux élections
sénatoriales du 22 septembre ? »
[…Il faut tout de même signaler les
deux interventions de l'intouchable Aragon. Dans unéditorial des Lettres
françaises, il lance :
« J'appelle un chat un chat. » Ripostant à une attaque de la moscovite Literatournaïa Gazeta, le poète membre du CC écrivait: « Je ne suis
« J'appelle un chat un chat. » Ripostant à une attaque de la moscovite Literatournaïa Gazeta, le poète membre du CC écrivait: « Je ne suis
absolument pas sûr que le ridicule soit
du côté des communistes
français, italiens, espagnols, entre
autres, mais en tout cas, j'ai la
certitude que l'odieux est du côté de
ceux qui donnent un nom
mensonger à l'invasion brutale de la
Tchécoslovaquie, à la
rupture insolente de la fraternité
entre les partis communistes, au
recours à la force comme méthode de discussion
(...)»
Les Lettres françaises publieront
aussi la préface qu'Aragon a
écrite au roman de Milan Kundera, la
Plaisanterie, dont la
traduction française venait d'être
publiée, préface surtout
connue par son célèbre : « Je me
refuse à croire qu'il va se faire
là-bas un Biafra de l'esprit ! »
« Et voilà qu'une fin de nuit , écrivait le romancier, au
transistor, nous avons entendu la condamnation
de nos erreurs
perpétuelles. Que disait-elle, cette
voix d'ombre, derrière les
rideaux encore fermés du 21 août à l'aube?
Elle disait que
l'avenir avait eu lieu, qu'il ne
serait plus qu'un recommencement.
Cette voix qui depuis ne se tait plus,
qui impose d'appeler vertu le
crime, qui appelle aide au peuple de
Tchécoslovaquie l'intervention
brutale par quoi le voilà plongé dans la servitude. Cette voix
brutale par quoi le voilà plongé dans la servitude. Cette voix
du mensonge, qui prétend parler au nom
de ce qui fut un
demi-siècle l'espoir de l'humanité. Par
les armes et le vocabulaire,
ô mes amis, est-ce que tout est perdu
? »
"KREMLIN PCF.Conversations
secrètes"
Olivier Orban
© 1984,
Olivier Orban
PAGES 34 ET 35 A SUIVRE ICI