27 mai 2018

Une rechute du stalinisme (2)

(Publication partielle des notes de Jean Kanapa)

20 octobre 1968,réunion du Bureau politique du Parti communiste français
Présidence : Raymond [Guyot]
Ordre du jour : La situation politique
Rapporteur : Gaston [Plissonnier]
GASTON [PLISSONIER] - La déclaration du BP du 22 août [condamnant
l'intervention soviétique] découle de toute son activité unanime en juillet. Toutes les informations nous montraient qu'une seule solution politique était possible et une intervention, devait être écartée. [Nous l'avons] encore
rappelé le 23 juillet. Puis [sont venues] les prises de position [du PCF] sur l'accord de Moscou. Réaffirmation fréquente de notre volonté d'unité, notamment avec le PCUS. Le BP a été attentif à ce que les relations se poursuivent normalement. En plus, le 26 septembre, sur l'initiative de Waldeck Rochet, le BP a décidé de proposer une rencontre. Démarche Marchais, puis lettre de Waldeck Rochet à Brejnev. Date fixée au 4 novembre. Les informations données par le PCUS depuis le 21 août n'infirment en rien notre position.
— la majorité du peuple est bien derrière le PCT;
— il y avait certes [une] agitation oppositionnelle;
— mais la direction du PCT a appelé au calme devant l'intervention [...]
 Les démissions ne serviraient pas le Parti.

Premier « reproche » [de Jeannette]: la position du Parti favoriserait
l'antisoviétisme.
— mais l'amitié avec l'URSS n'est le monopole de personne. Nous avons tous et toujours lutté contre l'antisoviétisme.
— nous faisons tout pour éviter la polémique. […]
Deuxième « reproche » : le Parti s'éloignerait de l'internationalisme.
La diversité des conditions peut entraîner des divergences sans que le mouvement éclate. Dans les conditions actuelles, toute autre vue serait irréelle. La seule voie, c'est la discussion. La dégradation de l'unité du
mouvement date de 1958-1959; elle n'est pas notre fait.

[Quant à] Roger [Garaudy] il contredit la politique du Parti en mai-juin :
— déclaration à CTK: ingérence inadmissible,
— lettre à Waldeck Rochet approfondissant ses désaccords,
— préface à son livre.
Donc, activité publique parallèle au Parti, sans en informer le Parti,
contrairement au centralisme démocratique. Roger doit s'engager ici à respecter le centralisme démocratique.

STIL - Nous sommes tous héritiers d'un patrimoine indivisible.

ROGER [GARAUDY] - Une rencontre avec le PCUS ne peut se contenter
d'un paragraphe évoquant la divergence.
Il faut le contexte, et il faut évoquer leurs ingérences chez nous.
Affirmer notre solidarité prioritaire avec le PCT.
Je prends l'engagement que me demandait Plissonnier. Mais chacun doit prendre ses
responsabilités.

Y A N N VIENS -
P. JUQUIN -
LAUPRÊTRE -
SOUQUIERE -
M A T H E Y -
COURTIEU1 -
JEANNETTE - On dit [de nous] : ce sont de vieux camarades, des sentimentaux,
ils ont idéalisé. C'est leur faire injure. Je ne suis pas déchirée entre mon coeur et ma raison. Je n'ai pas de solidarité aveugle pour l'URSS.
Effectivement dramatique que cinq pays socialistes en soient arrivés à faire pression sur un  sixième.
La prise de position, précipitée, brutale du BP le 21 faisait chorus apparemment avec la réaction.
Il fallait tout faire pour éviter l'intervention — et tout ce que nous avons fait était bien, y compris l a proposition de conférence.
Pas d'accord avec la résolution du Val-de-Marne qui parle de la conférence pour le « soutien » du PCT dans la défense du socialisme.
Félicitons-nous que les Partis d'Afrique et d'Amérique latine se groupent autour de l'URSS.

ROUX -
E T I E N N E [FAJON] - Ce qui est condamnable chez Roger, ce n'est pas seulement les méthodes, c'est le fond : car l a solidarité avec le PCUS est une nécessité.
Réaffirmer la position du 22 août et approuver l'action du BP qui a été unanime, à deux exceptions près.
Invitation pressante aux deux [Jeannette et Garaudy] à respecter les principes du centralisme démocratique et s'incliner devant la loi du Parti.
Faire part au cours de la rencontre [avec les Soviétiques] de notre volonté de ne pas laisser sans riposte toute attaque, même insidieuse.

HENRI MARTIN -
VICTOR JOANNES -
SÉGUY -
WALDECK ROCHET - Lit la lettre de démission de Jeannette. « Je ne peux rester un membre formel du BP. » « M a décision est irrévocable. »
Cette situation s'est créée malgré tous nos efforts. J'ai eu de nombreux entretiens avec Jeannette. J'ai tout fait pour la convaincre de rester même si elle se trouve en désaccord sur une question importante. Hier encore, pendant qu'elle parlait, je lui ai adressé un appel. Sa démission ne peut pas aider le Parti.
Adresser un blâme public à Roger, plus un engagement de Roger d'appliquer les règles du Parti.
[…]

Session du Comité central du PCF 21 oct 1968
[…]. Dans la journée du 21 octobre, Roger Garaudy a fait, à la tribune
du Comité Central, la déclaration suivante :

Chers Camarades,
Ayant écouté attentivement toutes les interventions faites au Comité
Central, j'ai constaté que, quelle que soit l'appréciation portée sur les idées
que je défends, si personne ne m'a demandé de renier ces idées, tous les
camarades, sans exception, ont condamné les méthodes et les formes qui
ont été les miennes dans leur expression publique, et qui constituent une
violation des principes de notre discipline et du centralisme démocratique,
condition nécessaire à l'unité du Parti.
J'accepte sans réticence cette critique et la sanction qui en découle.
Par conséquent je m'engage, pour l'avenir, sans renoncer à des idées que
je tiens pour vraies — comme les Statuts du Parti m'y autorisent — à n'en
donner l'expression publique que dans les formes prévues par les Statuts du
Parti auquel je suis fier d'appartenir depuis trente-cinq ans, et de faire de
mon travail un élément de la recherche collective, comme l'exigent les règles
d'organisation de notre Parti et l'intérêt supérieur de son unité dans le
combat commun.

                                                                             
Kremlin PCF.Conversations secrètes
Olivier Orban
© 1984, Olivier Orban