Emil Nolde-La Cène-1909 |
L'engagement est un fait immanent à l'art, à l'écart de tout nomos, au-dessus de toute norme.
Toute
écriture sérieuse est engagée, le reste, n'est que papotage,
assouvissements et gloussements de poules, agitations de galliformes qui
caquètent. Mais attention, l'engagement est pluriel, aussi pluriel que
la vie et ses champs. On peut être engagé dans l'expression de ses
convictions spirituelle, amoureuse, érotique, esthétique et non
seulement en politique, en société... Toutefois, un engagement est
ubiquitaire en littérature comme en toute chose: c'est l'affirmation
avouée ou non d'une morale par delà la logique de l'action. L'homme,
parce qu'il ne peut ne pas juger, se juger et projeter son jugement dans
ce qu'il signifie en agissant, exprime d'une manière ou d'une autre,
son engagement moral.
De fait, toute activité humaine, toute vie d'homme est engagée, c'est à dire prend parti, se positionne.
Nous
sommes tous à un niveau ou à un autre, des extrémistes puisque nous
prenons position, nous choisissons. Or tout choix est extrême vis-à-vis
de ce qu'on rejette ou ne choisit pas.
Le
tact de l'extrême équilibré, c'est de savoir se situer au juste milieu
de son choix, évitant de le faire agressant contre ceux d'en face.
L'amorphisme est option réactionnaire, sauf si mystique, assumé
comme posture religieuse où il constitue une manière d'adhésion
particulière et cultuelle de la conscience aux sphères de transcendance
signifiées par le reniement au monde.
La neutralité, la passivité est un euphémisme du nihilisme inconscient, de la soumission à l'ordre en cours, positionnement
servile face au courant dominant. C'est l'à vau-l'eau du niais jouant
les sages. C'est la libation de soi moulé au contenant globalisant du
système régnant. C'est la présence absente d'esprits liquides inaptes à
avoir leur propre forme et se laissant emporter comme pailles par le
vent prédominant qui leur impose et imprime, sans résistance, mouvement et direction.
Pour revenir à l'écriture littéraire, si, par exemple, nous
considérons un poème
d'amour, chose subjective par excellence, c'est
toujours un acte très engagé, car il draine toutes les passions du
scripteur et les communique. C'est un engagement par le verbe à communiquer ce que l'on vit et éprouve, comme
une forme universelle du fait d'aimer! De la passion foudroyante
incontenable, l'incoercible et dévorante énergie de l'amour...
Kandinsky-Improvisation 30- Les canons-1913 |
L'engagement
littéraire, comme de tout art, est un cri de l'homme transcendant par
l'intuition de son infinitude possible, les finitudes grises et
triviales d'un monde qui s'efface. Ce n'est jamais, même inconsciemment,
que la face de l'hypostase supracharnelle et extramatérielle qu'est
l'Esprit.
© CAMILLE LOTY MALEBRANCHE - Blog INTELLECTION
http://intellection.over-blog.com/article-engagement
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