25 juin 2019

Serge Perottino, "Garaudy et le marxisme du XXe siècle"

par Jacques Baufay
Revue Philosophique de Louvain. Quatrième série, tome 75, n°28, 1977. pp. 714-715;

Serge Perottino, « Garaudy et le marxisme du XXe siècle » (Seghers-
Philosophie). Paris, Seghers, 1974.

En moins de cent pages, — le reste de l'ouvrage est fait de textes
choisis par Garaudy lui-même — , l'auteur a pu esquisser une
remarquable évocation du célèbre philosophe français. Après avoir indiqué
les diverses influences qui pesèrent sur l'élaboration de la pensée de
Garaudy, — en même temps que l'originalité de celui-ci vis-à-vis de
chacune — , il développe sa présentation en trois chapitres (I.
Subjectivité et création artistique; II. Transcendance et révolution;
III. Dialectique de l'histoire et modèles du socialisme), montrant à
merveille comment le philosophe s'efforce d'articuler subjectivité et
transcendance, sans verser dans l'irrationalisme (existentialiste ou
chrétien), mais en construisant «une théorie de la subjectivité qui ne
soit pas subjectiviste et... une théorie de la transcendance qui ne soit
pas aliénée » (pp. 27 et 52). La transcendance, pour Garaudy, devient
dimension de l'homme : dimension particulièrement évidente dans
l'art, qui explore et construit les possibles nouveaux de l'homme et
rend visible l'univers invisible du possible (p. 40) — et quand il s'agit
de l'homme, répète Garaudy, le possible fait partie du réel (p. 63) — .
Philosophie contemporaine 715
D'où la grande importance de l'esthétique pour un philosophe
marxiste, s'il est vrai que le point de départ du marxisme, comme
son point d'arrivée, c'est l'acte créateur de l'homme (p. 37). Ceci
explique pourquoi Garaudy (qui fut l'élève de Jean Nabert) évoque
volontiers l'influence, trop négligée à ses yeux, de la philosophie
fichtéenne de l'acte sur la formation du marxisme.
On sait l'admirable volonté qui anime Roger Garaudy. Cela le
conduit peut-être à tendre au-delà du supportable (pour l'orthodoxie,
tout au moins) certains thèmes marxistes. Voir, par exemple, les pages
sur la «conscience-reflet», où le penseur communiste estime que le
travail est acte de transformation de la nature et de soi-même, mais
précédé de la conscience de ses fins (p. 152); et que la conscience du
but précède le travail accompli (p. 94). Voir encore les réflexions
émouvantes qu'il consacre à l'amour, la mort, la religion, en tâchant
de respecter l'esprit et la lettre de Marx.
L'ouvrage se termine par une précieuse biographie, qui met en
lumière le lien unissant vie et pensée chez le philosophe, et une
bibliographie reprenant les écrits de Garaudy et les études
consacrées à son oeuvre, y compris les travaux en cours.

Jacques Baufay