https://www.herodote.net/Martin_Luther_1483_1546_-synthese-286.php |
A l'occasion des célébrations des
cinq cents ans de la Réforme , il m'a semblé instructif d'établir un parallèle
entre Jésus et Luther. Rappelons au préalable l'événement survenu le 31 octobre
1517.
Ce jour-là, un moine Martin
Luther, placarda sur la porte de l'église de Wittemberg( aujourd'hui en
Saxe-Anhalt) un texte dénommé en latin'' Disputatio pro declaratione virtutis
indulgentiarum'' ou ''Dispute
sur la puissance des indulgences'', plus
connu sous le nom des 95 thèses.(1) Ce texte est à l'origine de la Réforme
protestante en Allemagne.
Si l'authenticité du document n'est pas
contestée, la réalité de l'événement lui-même fait aujourd'hui l'objet de
débats parmi les historiens. La date n'a pas été choisie au hasard, le 31
octobre était la veille de la Toussaint; le vaste public, devant venir le
lendemain pour vénérer les reliques et diminuer son temps à passer au
purgatoire, était, pour Luther la garantie d'une diffusion maximale de ses
idées.
Luther a rédigé ses 95 thèses
comme support pour un débat, une dispute théologique,[dispute ayant à l'époque
le sens de ''discussion ou débat'',] une pratique courante à l'époque. Conçues
pour être diffusées dans un cercle restreint de théologiens, leur succès aurait
surpris Luther lui-même. Les 95 thèses sont ensuite imprimées en grande
quantité et largement diffusées. Devant leur retentissement, les autorités
religieuses hésitent cependant à condamner Luther. Ce dernier continue de
débattre avec les théologiens défendant la position de Rome comme Johann Eck
lors de la fameuse dispute de Leipzig en 1519.
Quelle analogie
entre le ministère de Jésus et le mouvement de réforme initié par Luther ?
https://www.biblicalarchaeology.org/daily/people-cultures-in-the-bible/jesus-historical-jesus/did-jesus-exist/ |
Relevons que tous deux, bien
que séparés par 1500 ans, vivaient dans une société soumise totalement à
l'emprise du pouvoir religieux. Nous avons du mal aujourd'hui, dans nos
sociétés ouvertes et tolérante, à imaginer quelle pouvait être la mainmise des
religieux sur les sociétés, juive de temps de Jésus, et catholique, du temps de
Luther.
En Judée, le dirigeants
religieux formaient une caste dominante. Les écrits des évangiles sont très
révélateurs à cet égard. Au temps de Jésus, certes, ces dirigeants devaient
composer avec la puissance romaine, mais il faut préciser que l'occupant romain
n'interférait pas dans le domaine religieux, pour autant qu'il ne contestait
pas la suprématie romaine. D'ailleurs, nous lisons dans la Bible au livre des Actes, ch.24,1 à
4 :
24.1.Cinq jours après, arriva le souverain sacrificateur
Ananias, avec des anciens et un orateur nommé Tertulle. Ils portèrent plainte
au gouverneur contre Paul.
24.3.Très excellent Félix, tu nous fais jouir d'une paix
profonde, et cette nation a obtenu de salutaires réformes par tes soins
prévoyants; c'est ce que nous reconnaissons en tout et partout avec une entière
gratitude.
24.4. Mais, pour ne pas te retenir davantage, je te prie
d'écouter, dans ta bonté, ce que nous avons à dire en peu de mots.
Sous l'occupation romaine, la
Judée et ses habitants vivaient en paix, et nulle oppression ne s'exerçait à
leur encontre. Certes, les Juifs devaient s'acquitter d'un impôt, mais les
dirigeants religieux s'en accommodaient et jouissaient de tous les prévilèges
attachés à leurs fonctions.
Cette caste n'avait que
mépris pour le peuple. Les docteurs de la loi et les scribes s'étaient
arrogés le privilège d'être les seuls dépositaires de la loi, écrite, mais
aussi orale, eux seuls interprétaient les lois selon leur convenance.(2)
7.32. Les pharisiens entendirent la foule murmurant de lui
ces choses. Alors les principaux sacrificateurs et les pharisiens envoyèrent
des huissiers pour le saisir. …...
7.45. Ainsi les huissiers retournèrent vers les principaux
sacrificateurs et les pharisiens. Et ceux-ci leur dirent: Pourquoi ne
l'avez-vous pas amené?
Jean
7 : 32 et 44-46
Ils avaient, au cours des années, tissé un
véritable échevau de règles et d'interdits qui rendaient la vie du peuple
pénible. Jésus le leur reproche d'ailleurs violement :
23.3. Faites donc et observez
tout ce qu'ils vous disent; mais n'agissez pas selon leurs oeuvres. Car ils
disent, et ne font pas.
23.4. Ils lient des fardeaux
pesants, et les mettent sur les épaules des hommes, mais ils ne veulent pas les
remuer du doigt.
Et malheur aux récalcitrants,
les dirigeants religieux disposaient d'une arme terrible, de nature à calmer
les vélléités de révolte. C'était le renvoi de la synaguogue, qui équivalait
à une mort sociale.
9.18. Les Juifs ne crurent point qu'il eût été aveugle et
qu'il eût recouvré la vue jusqu'à ce qu'ils eussent fait venir ses parents.
9.19. Et ils les interrogèrent, disant: Est-ce là votre fils,
que vous dites être né aveugle? Comment donc voit-il maintenant?
9.21. mais comment il voit maintenant, ou qui lui a ouvert
les yeux, c'est ce que nous ne savons. Interrogez-le lui-même, il a de l'âge,
il parlera de ce qui le concerne.
9.22. Ses parents dirent cela parce qu'ils craignaient les
Juifs; car les Juifs étaient déjà convenus que, si quelqu'un reconnaissait
Jésus pour le Christ, il serait exclu de la synagogue.
Jean
9:18-23
Du temps de Luther, les
dirigeants de l'église catholique aussi étalaient leur toute puissance, eux
aussi avaient tissé des liens avec les dirigeants politiques, les rois et les
nobles. Ne parlait-on pas de l'alliance entre le sabre et le goupillon ?
Certes, certains religieux étaient d'admirables exemples, menant une vie
austère au service des pauvres, mais ils
étaient bien rares. La hiérarchie menait bonne chère( et parfois bonne
chair), tandis que la peuple croupissait dans l'ignorance. La bible n'était pas
traduite en langue vernaculaire, et l'église, pour récolter des subsides, pour
la rénovation du Vatican, avait envoyé ses émissaires pour proposer, contre
espèces trébuchantes, des certificats d'indulgence permettant une
rémission des péchés. Au Moyen-Age, les
gens vivaient dans la terreur des flammes de l'enfer.
L'Eglise disposait aussi de l'arme puissante
de l'excommmunication(3). On a peine à comprendre aujourd'hui ce que
signifiaient ces termes ( excommunication ou renvoi de la synaguogue). Cela
équivalait à une condamnation à la mort sociale, le juif ou le catholique
frappé de cette mesure, devenait un paria, chassé de sa famille, de sa
communauté, sans travail, sans ressources, sans abri, plus misérable même qu'un
lépreu. Cette arme fut aussi utilisé avec succès contre des rois récalcitrants.
Notons qu'elle fut aussi une arme redoutable entres les mains de Calvin, pour
asseoir son autorité sur le peuple de Genève dont il était devenu le maître
absolu, après son passage à la Réforme. Comme quoi, tout religieux disposant du
pouvoir, devient rapidement intolérant et oppresseur. A lire absolument ''Conscience
contre violence'' écrit en 1936 par Stefan Zweig(4)
Jésus, comme Luther, va
apporter une bouffée d'air dans cet univers oppressant. Une lumière va surgir
dans les ténèbres et un espoir va briller pour les foules désenchantées, du
temps de Jésus, mais aussi du temps de
Luther.
Le texte de l'Evangile selon
Matthieu nous dit que le peuple juif '' était assis dans les ténèbres ''
et qu'il a vu une grande lumière.
4.15. Le peuple de Zabulon et de Nephthali, De la contrée
voisine de la mer, du pays au delà du Jourdain, Et de la Galilée des Gentils,
4.16. Ce peuple, assis dans les ténèbres, a vu une grande
lumière; Et sur ceux qui étaient assis dans la région et l'ombre de la mort, la
lumière s'est levée.
Matthieu
4:13-16
De quelle autre lumière
pourrait-il s'agit, sinon du Christ et du message lumineux de l'Evangile,
c'est-à-dire de la bonne nouvelle du salut par la grâce de Dieu ? On
s'étonnera aussi qu'un peuple qui avait reçu les lois divines par
l'intermédiaire de Moïse, ainsi que toutes les instructions pour vivre selon la
volonté du dieu Yahweh, fusse décrit comme '' étant assis dans les ténèbres ''.
En réalité,ce sont ses dirigeants religieux qui avaient remplacé la loi divine,
par un amas de preceptes étouffant toute initiative et surtout chargeant de
fardeaux les épaules des hommes de ce temps, déjà en butte au dur labeur pour
leur pain quotidien.( se réferer à Matthieu 23:4 précité). Dans un autre
passage, Jésus nous est montré rempli de pitié envers le peuple sans berger....
9.35. Jésus parcourait toutes les villes et les villages,
enseignant dans les synagogues, prêchant la bonne nouvelle du royaume, et
guérissant toute maladie et toute infirmité.
9.36. Voyant la foule, il fut
ému de compassion pour elle, parce qu'elle était languissante et abattue, comme
des brebis qui n'ont point de berger.
Matthieu
9:35-36
Les foules aussi du temps de
Luther étaient dirigés par des clercs impitoyables, vivant pour beaucoup dans
le luxe, recherchant la richesse et la gloire, bâtissant des édifices
grandioses, essorant le peuple en lui
réclamant sans cesse des offrandes, et d'acheter des indulgences. Voici un
extrait(5) de l'ouvrage de Merle d'Aubigné,'' D'après Histoire de la
Réformation ''(tome 1)
''Nous sommes en Allemagne au
début du XVIème siècle. Une grande agitation régnait alors parmi le peuple.
L'Eglise avait ouvert un vaste marché sur la terre. A la foule des clients, aux
cris et aux plaisanteries des vendeurs, on aurait dit un marché ou une foire,
mais c'était un marché tenu par des moines! La marchandise qu'ils
présentaient et qu'ils offraient à bon prix, c'était, disaient-ils, des
indulgences pour le salut des âmes.
Les marchands d'indulgences
parcouraient le pays dans une belle voiture, accompagnés de trois cavaliers,
menant grande vie et faisant de fortes dépenses. On aurait dit un prince en
tournée, avec sa suite et ses officiers, et non un vulgaire marchand.
Quand le cortège
s'approchait d'une ville, un envoyé se rendait auprès des autorités: "La
grâce de Dieu et du saint Père le Pape est devant vos portes" disait
l'envoyé. Aussitôt c'était le branle-bas dans l'endroit. Le clergé, les
prêtres, les nonnes, les maîtres d'école, les étudiants, les corps de métier
avec leurs drapeaux, hommes et femmes, jeunes et vieux, allaient à la rencontre
des marchands, tenant en main des cierges allumés, s'avançant au son de la
musique et de toutes les cloches, « de manière, dit un historien, que l'on
n'aurait pu recevoir plus grandement Dieu lui-même.......»''
Voici une de ces lettres
d'indulgence (ou d'absolution), il vaut la peine de connaître le contenu de ces
diplômes qui furent l'occasion de la réforme de l'Eglise.
Que Notre Seigneur Jésus-Christ ait pitié
de toi, et t'absolve par les mérites de sa très-sainte passion! Et moi, en
vertu de la puissance apostolique, qui m'a été confiée, je t'absous de toutes
les censures ecclésiastiques, jugements et peines que tu as pu mériter; de
plus, de tous tes excès, péchés et crimes que tu as pu commettre, quelque
grands et énormes qu'ils puissent être et pour quelque cause que ce soit,
fussent-ils même réservés a notre très-saint Père le Pape et au siège
apostolique, J'efface toutes les taches d'inhabilite « et toutes les notes
d'infamie que tu aurais pu l'attirer à cette occasion, Je te remets les
peines que tu aurais du endurer dans le purgatoire.
Je te rends de nouveau participant des
sacrements de l'Eglise. Je t'incorpore derechef dans la communion des saints,
et je te retablis dans l'innocence et la pureté dans laquelle tu as été à
l'heure de ton baptême. En « sorte qu'au moment de ta mort, la porte par
laquelle on entre dans le lieu des tourments et des peines te sera fermée, et «
qu'au contraire la porte qui conduit au paradis de la joie te sera ouverte
Et si tu ne devais pas bientôt mourir,
cette grâce demeurera immuable jusqu'au temps de ta fin. Au nom du Père, du
Fils et du Saint-Esprit. Amen: « Frère JEAN TEZEL, commissaire, l'a signé de sa
propre main. »
On comprend
mieux pourquoi les foules écoutèrent le message de Luther et pourquoi beaucoup
ont pris fait et cause pour le moine et ses 95 thèses. En résumé, que disait-il
donc de si révolutionnaire, sinon que le pardon des péchés ne s'achète, mais est
accordé par Dieu à celui qui se repent sincèrement, comme le stipule la
propositon 36
36. Tout
chrétien vraiment contrit a droit à la rémission entière de la peine et du
péché, même sans lettre d'indulgence.
Selon Luther, le
salut de l'âme est un libre don de Dieu, reçu par la repentance sincère et la
foi authentique en Jésus-Christ comme le
Messie, sans intercession possible de l'Église. Il défie l'autorité papale en tenant
la Bible pour seule source légitime d'autorité chrétienne.
Bien
evidemment, Jésus et Luther vont déchaîner la fureur des dirigeants religieux
de leur époque.
Durant le court
ministère public du Christ, les docteurs de la loi et la classe des prêtres
n'auront de cesse de harceler Jésus, pour le pièger par quelque parole
imprudente. Le Christ va leur adresser des reproches violents, les traitant
d'hypocrites, et de fils de Satan ! Les dirigeants juifs vont finir par
arriver à leurs fins, en le faisant condamner par l'autorité romaine. Dans un
livre paru récemment,''Du fondamentalisme biblique à la lumière de
l'Evangile''(6) un chapitre entier
est consacré à ce sujet, nos lecteurs pourront utilement s'y référer.
Luther aura plus
de chance. Par la bulle Exsurge Domine du 15 juin 1520, le pape Léon X
demande à Luther de retirer 41 « erreurs » qui s'opposent à la
doctrine officielle dans un délai de 60 jours. Il ne condamne pas explicitement
les thèses. Luther, entre alors ouvertement en conflit avec l'Église.
Il brûle publiquement la bulle en décembre. Il
est excommunié au début de l'année suivante, le 3 janvier 1521, par la bulle
pontificale Decet romanum pontificem. L'empereur du Saint-Empire romain
germanique et roi d'Espagne, Charles Quint, convoque Martin Luther en 1521
devant la diète de Worms.
Un sauf-conduit
lui est accordé afin qu'il puisse s'y rendre sans risque. Devant la diète de
Worms, il refuse de se rétracter, se déclarant convaincu par le témoignage de
l'Écriture et s'estimant soumis à l'autorité de la Bible et de sa conscience
plutôt qu'à celle de la hiérarchie ecclésiastique. La Diète de Worms, sous la
pression de Charles Quint, décide alors de mettre Martin Luther et ses disciples au ban
de l'Empire. L'électeur de Saxe Frédéric III le Sage lui
permettra d'échapper au sort funeste qui l'attendait, en simulant son
''enlèvement'' et en le mettant en sécurité au château de la Wartbourg(7), où
il compose ses textes les plus connus et les plus diffusés.
Ainsi, à des
époques très différentes, deux hommes vont défier les dirigeants religieux de
leur temps. Tous deux voulaient libérer leurs concitoyens de l'oppression
totalitaire exercée par les institutions religieuses tant juive que chrétienne
de l'époque. Jésus et Luther rappelaient que Dieu est un Père plein d'amour
pour ses créatures humaines, qui offre son salut gratuitement à tous ceux qui
s'approchent de lui avec foi et confiance.
MARC
(2) Le livre d'Israël Shahak,
Histoire juive – Religion juive. Le poids de trois millénaires, Paris,
Editions La Vieille Taupe, 1996, 248 pages,
explique comment la religion judaïque enserre dans un carcan de
préceptes, de règles et d'interdits le peuple juif encore aujourd'hui
(6) ''Les dirigeants religieux
juifs, les vrais responsables de la condamnation de Jésus'' dans ''Du
fondamentalisme biblique à la lumière de l'évangile'', Jean Marc PETITHORY,
auteur éditeur, 2017, p.331, disponible auprès de : Du
fondamentalisme à l'Evangile - TheBookEdition
(7) La protection dont bénéficia Luther de la part des
princes allemands ne fut pas sans contrepartie. Lors du soulèvement paysan, le
grand réformateur se plaça résolument au côté des princes et approuva sans
beaucoup d'états d'âme la répression féroce des rebelles. L'image de Luther en est sortie ternie, mais nous
nous garderons bien de porter un jugement sur son attitude, compte tenu du
contexte de l'époque. Pour plus de renseignements sur cette guerre : https://fr.wikipedia.org/wiki/Guerre_des_Paysans_allemands
D'ailleurs,
aujourd'hui, au XXIème siècle, un président des Etats-Unis, Barak Obama, ne
s'est-il pas vu décerner le prix Nobel de la Paix au tout début de son mandat,
alors que, durant sa présidence, les Etats-Unis, selon un rapport du Council on Foreign Relations (CFR) ont bombardé la Syrie, le
Pakistan, l'Afghanistan, la Libye, le Yémen ainsi que la Somalie en 2016( et
les années précédentes également!).En 2016, pas moins de 26 171 bombes ont été
larguées. 72 par jour. Trois par heure....( sans que cela ne choque personne et
ne provoque aucune réaction du comité du prix Nobel......).