29 avril 2011

Vers une guerre de religion (3) ?


L'ISLAM DE GARAUDY 
Dans son dernier livre, le philosophe s'en prend à tous les intégrismes
A quatre-vingt-deux ans, Roger Garaudy n'a rien perdu de sa combativité. Il n'a renoncé ni à Marx - à ne pas confondre avec le marxisme - ni à l'islam - à ne pas confondre avec l'islamisme. Il continue à associer la foi et la révolte, à faire l'éloge de Jésus-Christ, le Dieu fait homme qui enseigne la manière de triompher de la mort, il persiste dans sa volonté d'assigner à l'art la mission de faire apparaître l'invisible et de déconditionner ainsi l'être humain. Son dernier livre a des accents prophétiques. Garaudy constate la décadence dans laquelle nous sommes : ce clivage scandaleux entre le Nord et le Sud qui se traduit par le pouvoir laissé à 20 % de la population mondiale de contrôler 80 % des ressources naturelles de la planète. Quarante mille êtres humains meurent chaque jour de malnutrition ou de faim, répète inlassablement le philosophe, l'équivalent d'un Hiroshima tous les deux jours.
Le responsable a pour nom «monothéisme de marché». Soit une économie où le marché est le seul régulateur des relations sociales, où tout s'achète et se vend, y compris l'homme et son travail. On dira que Garaudy reprend un vieux refrain, qu'il tape toujours sur le même clou. Malheureusement, quels arguments peut-on avancer contre lui quand on sait que le système, de plus en plus drapé dans son mépris, est en train de fabriquer des chômeurs à la chaîne et ne cesse d'engraisser les uns en paupérisant les autres ? A-t-elle un sens, cette course à la productivité qui ne profite qu'à certains ? Et les pouvoirs religieux susceptibles de faire entendre un son différent n'entretiennent-ils pas avec les puissances financières des rapports de complicité ? Plus que jamais, Garaudy confronte une théologie de la domination, catholique et islamiste, qui condamne de loin le culte de l'argent, tout en faisant fructifier ses avoirs dans les banques, et une théologie de la libération pour qui la question du sens de la vie est la question fondamentale.

IL NE FAUT PAS SE TROMPER DE CIBLE 
«Vers une guerre de religion ?» n'oppose pas de manière simplificatrice un Occident rationnel et démocratique à un Orient travaillé par des forces irrationnelles et voué par nécessité au déchaînement fondamentaliste.
Il ne faut pas se tromper de cible, prévient-il. Quand leurs intérêts financiers ou pétroliers ne sont pas en jeu, beaucoup d'État occidentaux acceptent, au nom de la sacro-sainte raison d'État, de traiter avec des régimes musulmans non démocratiques. Au besoin, ils les aideront même à mater des rébellions, comme on l'a vu en 1979. Cette année-là, l'Arabie Saoudite, centre mondial de dépravation de l'islam, a fait appel aux gendarmes français du capitaine Barril pour déloger les opposants retranchés dans la Grande Mosquée de La Mecque, une ville interdite pourtant à tous les non-musulmans (ce qui, par parenthèse, contredit le Prophète) ! En Algérie, les bons musulmans, ce sont ceux qui acceptent les diktats du Fonds monétaire international, autrement dit la dictature militaire. Les mauvais, ce sont ceux qui les refusent. On parle beaucoup de l'intégrisme et de la terreur qu'il fait régner, mais on ne veut pas voir d'où il vient. Le fondamentalisme est une réponse, incorrecte, dommageable, à un autre fondamentalisme qui est celui du colonialisme occidental.
Et Garaudy de mettre en balance deux prétentions, intégristes, à posséder la vérité et à l'imposer à la terre entière. La version occidentale est économiste et abrutissante. Elle a pour véhicule favori la «télévision-poubelle», manipulatrice des opinions publiques. La version musulmane se définit par son caractère régressif - l'exaltation d'un âge d'or auquel il serait prescrit de faire retour - et son «littéralisme» - l'attachement maniaque à la lettre du Coran et l'infidélité à l'esprit qui s'y déploie souverainement, à charge pour chacun de ses lecteurs de bien le comprendre.
Je vois l'islamisme comme une maladie de l'islam. De même que Marx doit être dissocié du marxisme soviétique qui en fut la caricature, de même que Jésus est aussi éloigné de Franco que de l'Inquisition, et le Coran ne doit pas être jugé d'après les interprétations qu'on en a faites. Pour en mesurer la portée, il faut d'abord le replacer dans son contexte historique. Dire aux Arabes du VIIe siècle que la fille aura droit à la moitié de l'héritage de son frère, c'était un progrès par rapport aux coutumes de la société préislamique qui attribuait à l'homme toutes les charges de la famille et refusait aux femmes toute possibilité d'hériter. Mais, passé cette époque, nous ne pouvons plus prendre au pied de la lettre certains versets du Coran, sans quoi nous justifierons toutes les discriminations. Nous ne devons pas confondre la «chari'a», la voie morale et universelle ouverte au nom de Dieu, avec la législation qu'elle peut inspirer à chaque époque pour résoudre les problèmes de cette époque. Nous devons interpréter les paroles divines.

IL AVAIT FAIM ET TU NE L'AS PAS NOURRI
Si Dieu seul possède, poursuit Garaudy, qui peut décemment légitimer ces fortunes colossales réalisées en terre d'islam au mépris de toute justice distributive ? Si Dieu seul sait, qui peut se croire dépositaire d'un savoir absolu ? Si Dieu seul commande, quelle théocratie, composée ou non d'ayatollahs, quel clergé impérialiste aura l'audace de se substituer à Lui ?
Je rappelle dans mon livre ce «hadith», ce propos attribué au Prophète, lorsqu'il fut consulté par un homme qui était entré dans un champ de blé pour y arracher quelques épis. L'homme s'était fait agresser par le propriétaire. Le Prophète convoqua ce dernier qui se répandit en protestations. Comment ?, lui répliqua Mahomet, il était ignorant et tu ne l'as pas éduqué ? Il avait faim et tu ne l'as pas nourri ? Réprimer le vol en coupant les mains au voleur, comme on le fait dans certains pays musulmans, ce n'est pas un signe d'obéissance à la loi divine. Respecter la chari'a suppose que l'on s'attaque aux racines du mal : les conditions sociales qui incitent à voler. Et, de toute façon, quelle hypocrisie, à l'heure où le vol se pratique à grande échelle, où il suffit d'appuyer sur une touche d'ordinateur pour transférer des milliards d'un organisme bancaire à l'autre !

MICHEL GRODENT , "Le Soir",
Mercredi 8 mars 1995

Roger Garaudy, «Vers une guerre de religion ? Le débat du siècle», préface de Leornardo Boff, Desclée de Brouwer

23 avril 2011

Homme chrétien et homme marxiste

[...] Il n'est pas possible, pour un marxiste, de dire que l'élimination des croyances religieuses est une condition sine qua non de l'édification du communisme. Karl Marx montrait au contraire que seule la réalisation complète du communisme, en rendant les rapports sociaux transparents, rendrait possible la disparition de la conception religieuse du monde. Pour un marxiste c'est donc l'édification du communisme qui est la condition sine qua non de l'élimination des racines sociales de la religion, et non l'élimination des croyances religieuses qui est la condition de la construction du communisme.
     Ce serait une erreur fondamentale de croire que seuls les antagonismes de classe engendrent l'aliénation.
     Karl Marx enseignait au contraire, et Lénine avec lui, que l'aliénation du travail et le fétichisme de la marchandise commencent avec la naissance même de la marchandise et subsisteront par conséquent, au moins partiellement, tant que la loi de la valeur continuera à jouer un rôle, tant que subsistera aussi un Etat, forme politique de l'aliénation - c'est-à-dire jusqu'à la réalisation de la deuxième étape du communisme. Jusque-là subsistera une racine sociale, une racine objective de l'idéologie religieuse.
     Il n'est pas possible de dire qu'en donnant une bonne éducation scientifique à la jeunesse on en finira dans un proche avenir avec l'idéologie religieuse. Ce serait ne pas tenir suffisamment compte de ses racines sociales; ce serait pur idéalisme. Cette conception n'est pas celle du marxisme-léninisme mais celle des philosophes français du XVIIIe siècle qui, même lorsqu'ils étaient, comme le disait Engels, "matérialistes par en bas", c'est-à-dire dans leur conception de la nature, demeuraient "idéalistes par en haut", c'est-à-dire en considérant les idées comme le moteur de l'histoire. Feuerbach pensait encore que la conscience de l'aliénation suffit pour surmonter l'aliénation. C'est ce qui distingue fondamentalement sa conception de la religion de celle du marxisme.
     Ce problème théorique comporte de très importantes conséquences pratiques, en particulier celle-ci: communistes et chrétiens peuvent non seulement mener en commun la lutte de classe contre le système capitaliste pour instaurer le socialisme, mais, au-delà encore, travailler en commun à la construction de la société sans classe du communisme.
     Sans aucun doute, la formation scientifique de la jeunesse est indispensable pour éliminer tout ce qui reste encore d'animisme primitif dans certaines formes de l'enseignement religieux tirant argument de chaque lacune provisoire de la science pour tenter d'y infiltrer du surnaturel: mais pour un christianisme qui se refuse, selon l'expression du R.P. Dubarle à la semaine de la Pensée Marxiste de Paris, à se représenter Dieu comme le "suppléant" de nos lacunes mentales, et qui ne recherche la transcendance [...] que dans l'intériorité de la vie spirituelle, seule une parfaite transparence des rapports humains, celle que, réalisera le communisme, comme l'enseignait Marx, permettra de démystifier l'authentique exigence du dépassement sans fin de l'homme en la ramenant dans la stricte immanence.
     Des chrétiens qui luttent à nos côtés nous disent parfois qu'en mettant fin à toutes les aliénations l'on épurera la religion; nous pensons, nous marxistes, que la fin des aliénations marquera la fin de l'idéologie religieuse qui en est le reflet. Ce qui nous est commun avec ces chrétiens, ce qui peut être le fondement d'une émulation féconde, c'est la volonté de mettre fin aux aliénations de toutes sortes qui oppriment, mutilent et mystifient les hommes.

Roger GaraudyL'homme chrétien et l'homme marxiste, Editions La Palatine, 1964, pages 64 à 66
(Cet ouvrage est un compte-rendu des Semaines de la pensée marxiste de février 1964 à Paris et Lyon, auquel s'ajoute le texte d'un débat à la Mutualité à Paris en avril à l'occasion du 400e anniversaire de la mort de Calvin.
  Contributions des R. P. Cardonnel, Dubarle et Jolif, de Jeannette Colombel, Antoine Casanova, Roger Garaudy - alors directeur du Centre d'Etudes et de Recherches marxistes -, André Gorz, Gilbert Mury, Etienne Verley)

Cet article est aussi publié sur le blog associé "A l'indépendant"

21 avril 2011

Politique, art et foi ne font qu'un


L'essentiel de la politique marxiste, c'est de créer les conditions économiques, sociales, politiques, pour que chaque homme soit un homme, un participant actif et conscient à la création continuée, et cela dans la lutte contre toutes les formes de l'avoir (propriété, Etat, idéologie) qui sont des aliénations de l'être.L'essentiel de l'esthétique, c'est de nous apprendre à coïncider avec l'acte créateur, à discerner, dans chaque oeuvre forte, non pas le reflet d'un monde existant mais le projet d'un ordre possible. L'art n'est pas exploration gratuite de formes; il est une manière de vivre: celle qui permet l'émergence poétique de l'homme.
L'essentiel de la foi, c'est de jouer sa vie sur ce pari que la réalité la plus profonde est l'amour, c'est-à-dire le choix de sortir de soi pour se donner à l'autre. A l'autre quel qu'il soit.
La politique, la création artistique et la foi ne font qu'un. Apprendre à les saisir dans leur unité, cela c'est la philosophie. Etre un militant politique, apprendre à déchiffrer la peinture, la poésie ou la danse, danser sa vie et revivre de la vie primordiale de la foi, de la Croix et de la Résurrection, tout cela ne fait qu'un, n'est qu'un seul mouvement, celui de la vie.


Roger Garaudy, Parole d'homme, Ed Robert Lafffont, Points-Seuil, pp254-255 

18 avril 2011

Perspectives de l'homme

Aux frontières du Marxisme.

En 1864 le Syllabus groupait dans une même condamnation le communisme et le libéralisme ; de nos jours l'Eglise catholique invoque souvent la liberté humaine pour rejeter le « totalitarisme marxiste ». Mais parallèlement à cette évolution politique, le jugement porté sur le communisme s'est fortifié et approfondi. Le mérite d'un petit livre du P. Chambre est de souligner avec force les différents aspects de l'opposition doctrinale sur laquelle se fonde l'affrontement quotidien des chrétiens et des marxistes. D'un ouvrage de vulgarisation destiné à un large public, on ne pouvait attendre, sur un problème aussi vaste, des vues très neuves, mais une information solide et un exposé attrayant : dans ces limites, le livre atteint parfaitement son but. On regrettera toutefois un certain flottement de vocabulaire — Christianisme ou Catholicisme ? Communisme ou Marxisme ? — qui trahit quelque incertitude dans la délimitation du sujet. Le sociologue qu'est H. Chambre, spécialiste du monde soviétique, n'a pu s'effacer complètement ici ; le marxisme n'est pas seulement rejeté au nom de la doctrine chrétienne, mais au nom de la sociologie et de l'économie politique, pour ses insuffisances proprement scientifiques : c'était vouloir dire beaucoup en un espace aussi restreint. De là des vues critiques suggestives, mais aussi des affirmations sommaires (cf. p. 108, le thème d'un prétendu fatalisme marxiste) qui donnent un caractère inutilement polémique à une étude par ailleurs nuancée et comprehensive.
Le double effort d'approfondissement doctrinal — sur le plan de la religion et de la pensée scientifique — auquel la conclusion du P. Chambre invite les chrétiens que tenterait la « séduction communiste », aura-t-il son pendant de l'autre côté ? A cet égard le dernier livre de R. Garaudy rend un son tout neuf. Passé le temps des condamnations dogmatiques, voici celui du dialogue où l'interlocuteur marxiste s'efforce de saisir de l'intérieur la pensée de ses partenaires. Pour écrire ce panorama de la philosophie contemporaine, R. Garaudy a voulu s'entourer de garanties : sollicitant l'avis des intéressés sur son analyse de leur doctrine, il joint à son exposé les réponses de quelques-uns d'entre eux. Initiative louable qui prouve le sérieux de l'entreprise et contribue beaucoup à l'intérêt d'un ouvrage déjà très enrichissant en lui-même, par l'ampleur de son sujet comme par la pénétration de beaucoup de ses pages. On retiendra particulièrement celles que l'auteur consacre à la pensée du P. Teilhard de Chardin : bon exemple de sympathie critique, ferme dans sa démarche, nuancée dans ses conclusions que complètent, plus qu'ils ne les contredisent, les témoignages de deux « interprètes qualifiés » du Père, Claude Cuénot et Claude Tresmontant. Nous sommes bien près, ici, de ce « dialogue authentique » dont la réponse de Jean Lacroix à Roger Garaudy définit les conditions complémentaires : « lucidité » et « participation ».

1. H. Chambre, S. J., Christianisme et Communisme, Collection «Je sais, Je crois», vol. 95, Paris, Fayard, 1960 117 p.
2. R. Garaudy, Perspectives de L'homme : Existentialisme, Pensée catholique, Marxisme, seconde édition revue et corrigée, Bibliothèque de Philosophie contemporaine Paris, P.U.F., 1960, 356 p.
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Ehrard Jean.
  Annales. Économies, Sociétés, Civilisations, 1961, vol. 16, n° 4, pp. 820-821.
L'article complet à:http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ahess_0395-2649_1961_num_16_4_421736_t1_0820_0000

14 avril 2011

Un point de vue sur l'oeuvre de R. Garaudy

Roger Garaudy, philosophe, militant communiste exclu du PCF pour avoir critiqué l'évolution de l'Union Soviétique dans les années 1970, fut aussi au coeur du développement de la théologie de la libération en France et dans le monde, et lutte encore aujourd'hui contre toutes les formes d'intégrismes religieux et politiques. Cette attitude l'a amené au cours de sa vie à affronter au coeur de vives polémiques ceux qui, au sein du Marxisme-Léninisme, du Catholicisme, de l'Islam et du Judaisme s'opposent toujours au progressisme en lui substituant une lecture intégriste de leur foi ou de leurs convictions politiques.

Le progressisme et l'oecuménisme sont des thèmes qui traversent l'oeuvre entière de Roger Garaudy, compagnon de route de Bachelard, de Fidel Castro, de Dom Helder Camara et de Pablo Neruda. Elle possède toujours une actualité vive face aux éternels conservatismes religieux ou politiques.

Ces derniers, qu'ils se nomment capitalisme (le monothéisme de marché dénoncé par Roger Garaudy), catholicisme conservateur ou islamisme, n'en finissent pas de mettre en danger des populations entières à travers le monde. Pour lutter contre l'entreprise néo-colonialiste américaine,et contre les dérives fondamentalistes des grandes religions monothéistes qui dénaturent chaque jour un peu plus leurs propres fondements historiques et humains, l'oeuvre de Roger Garaudy ne propose pas de doctrine ou de dogme livrés tels quels et que chacun devrait suivre à la lettre et de manière exclusive. A chaque époque, communiste, chrétienne ou musulmanne, elle ne révèle aucune vérité absolue, mais plutôt l'évolution intellectuelle d'un philosophe au cours des grands combats de son époque, et donc des clefs et des pistes de réflexion et d'action pour ceux qui souhaitent eux aussi opposer une alternative humaine, spirituelle et militante à la pensée figée d'un ordre mondial destructeur.

Ainsi, bien qu'ayant été exclu du Parti Communiste Français, la pensée de l'auteur de L'Appel aux Vivants, dans ses évolutions ultérieures dans le domaine religieux ne nia jamais la nécessité des luttes politiques et sociales temporelles, considérées comme les fins avant-dernières de la libération de l'homme, au delà desquelles nul de saurait négliger la libération spirituelle. Celle-ci, s'opposant au principe religieux coercitif, l'opium des peuples constitué par les intégrismes, doit être comprise comme un moyen d'interpeller ceux qui luttent contre les dominations de tous genres au sujet de ce qui viendra aprés la libération purement historique et physique de l'humanité.

Chez Roger Garaudy, l'analyse temporelle et militante s'accompagne donc toujours d'une réflexion philosophique et humaniste, le nouvel ordre mondial dominé par les Etats-Unis et le capitalisme représentant à la fois l'aliénation sociale et économique des populations d'innombrables pays, mais aussi la destruction de leur patrimoine culturel et intellectuel au nom de la société de consommation et du culte du marché, le monothéisme de marché. La décadence apportée partout par l'expansionnisme américain est à la fois politique, économique et humaine touchant aux valeurs sociales et culturelles qui portent en elles des espoirs d'alternative et de lutte.

On comprendra aisément que cette position, à la fois au coeur du marxisme-léninisme, de l'anti-impérialisme mais aussi au coeur de la réflexion spirituelle, font de l'ensemble des écrits de Roger Garaudy une oeuvre controversée, décriée tout autant par le dogmatisme présent à chaque étape de la libération des peuples que par les défenseurs privilégiés de l'exploitation capitaliste en Europe et dans le monde.Nous ne rentrerons dans aucune des polémiques que ces derniers ont pu soulever, les livres de Roger Garaudy n'ayant nul besoin d'être défendus face à ceux qui ont accepté depuis longtemps de n'être que les spectateurs passifs de l'effondrement moral et social provoqué par l'importation de la décadence capitaliste américaine. 


M. A

13 avril 2011

Clefs pour le Marxisme

  Roger Garaudy/ Seghers/ 1977

Marx n'est pas le père du marxisme, mais de l'art d'inventer le futur.Sa pensée est une pensée critique. Le contraire du dogmatisme. Il ne prétend pas apporter des vérités éternelles, absolues. Il marque au contraire toujours les limites historiques des lois qu'il a découvertes.Pour l'auteur de ce livre, la pensée vivante de Marx n'est ni un pièce de musée, ni une icône, mais un appel à la création

12 avril 2011

Robert Badinter et la loi Gayssot

Le 14 ctobre 2010 sur France-Inter,  Nicolas Poincaré questionne Robert Badinter:

 Juste un mot sur une question qui m'intéresse, moi, et dont vous ne parlerez peut-être pas dimanche à Blois mais qui m'intéresse beaucoup. C'est lorsque la loi essaye de faire l'histoire - je pense aux lois mémorielles ou à la loi Gayssot qui punit le révisionnisme...

R. Badinter : C'est un des aspects très importants de l'époque récente. Ma position est très claire, très claire: le Parlement n'a pas à dire l'histoire. Le parlement fait l'histoire, il n'a pas à la dire, il n'a pas à la fixer. Les lois mémorielles, que j'appelle d'ailleurs des lois compassionnelles, sont faites pour panser des blessures, apaiser des douleurs - et je comprends ça parfaitement - mais elles n'ont pas leur place dans l'arsenal législatif. La loi est une norme. La loi a pour fonction de réglementer une société, de prévoir son avenir. Elle n'a pas à prendre parti dans une querelle historique ou tout simplement à affirmer un fait historique même indiscutable. J'ajoute, il faut bien le prendre en compte: la Constitution ne le permet pas. Je le dis clairement, elle ne le permet pas.
La loi en France n'est pas comme en Angleterre, le Parlement ne peut pas tout dire. Le Parlement a une compétence d'attribution, et rien ne permet, au regard de la constitution, au législateur de s'ériger en tribunal de l¹histoire. Rien.
Par conséquent je comprends très bien les passions et le désir des élus de panser les blessures et de faire des lois compassionnelles: ça n'est pas la finalité du Parlement et constitutionnellement c'est hors de la compétence du Parlement.

08 avril 2011

Hommage à Henri Barbusse

Cette allocution a été prononcée par Roger Garaudy, alors membre du Comité d'honneur des "Amis d'Henri Barbusse", à Aumont, de­vant la maison de ce dernier,  en juin 1993.


Les morts ne sont pas morts quand ils ont donné un sens à leur vie. Leur appel à une vie plus grande vit en nous. Henri Barbusse est l'un de ces relayeurs qui transmettent la torche de vie.
En 1993, je voudrais évoquer deux anniversaires de l'épopée de ce chevalier de l'espérance: 1923 et 1933.
1923, c'est l'année de son adhésion au Parti Communis­te.
1933, c'est l'année où Dimitrov écrit à Barbusse pour saluer sa lutte contre le fascisme lors de l'arrivée d'Hitler au pouvoir, de l'incendie du Reichstag et du procès de Dimitrov à Leipzig.
Quelle est aujourd'hui l'actualité de ces choix vitaux d'Henri Barbusse? Barbusse n'a pas attendu midi pour croire au soleil. En 1923, même après la guerre et le Feu, le capitalisme n'avait pas encore fait apparaître toutes ses conséquences meurtrières. Mais son choix était sans équivoque: il avait discerné déjà ce qui apparaît aujourd'hui dans une lumière éclatante et sinistre: d'abord "la dictature intégrale du capitalisme ...masquée de démagogie démocratique", comme il l'écri­vait en 1935 pour la convocation d'un congrès universel des écrivains, plus d'un demi siècle avant que l'on appelle "libéralisme" et"démocra­tie" l'hégémonie mondiale des Etats‑Unis et son monothéisme du marché.
Il avait démasqué les formes nouvelles du colonialisme poursui­vant son brigandage par d'autres moyens que l'occupation militaire: "il ligote les pays par des traités, par des tarifs, par des contrôles, par des monopoles", disait‑il, en 1927, au Congrès anti‑impérialiste de Bruxel­les, bien avant que le FMI, la Banque Mondiale et le GATT n'e­xercent leurs ravages sur le Tiers‑Monde. Il ajoutait dans le même discours, deux tiers de siècle avant que le Traité de Maestricht ne stipule que "l'Europe sera le pilier européen de l'Alliance Atlanti­que": "il faut être aveugle pour ne pas voir que les capitalistes de New‑York sont en train de coloniser une partie de la vieille Europe. Oui, "coloniser", on a employé ce mot et l'on a eu raison, pour quali­fier cette prise de possession économique, dont le monde du travail supporte la plus lourde part".
Il avait décelé la nécessaire dérive du capitalisme vers le fascisme et le soutien des "démocraties" occidentales, et notamment des Etats‑Unis, aux dictatures sanglantes de l'Amérique Latine et de ses Pinochet, de l'Afrique et de ses Mobutu, de l'Asie avec ses Marcos et ses coréens du Sud.
Il notait, en 1935,: "Tous les pays capitalistes sont fascisés ou en voie de fascisation", et il en prévoyait les variantes: "le fascisme, a­vatar suprême du système de l'exploitation de l'homme par l'homme...  procède par la violence... et il procède aussi par le mirage et la tromperie ... par la démagogie démocrati­que."
Répondant à une lettre que Barbusse lui avait adressée dans sa prison, Dimitrov, en 1933, saluait sa lucidité et son courage dans "sa lutte contre la guerre impérialiste et le fascisme."
Barbusse lui répondait à son tour: "Notre programme révolutionnaire est celui de la sagesse et de la science".
De ce choix pour Marx, fait par Barbusse il y a soixante dix ans, tout aujourd'hui vérifie en effet qu'il était celui de la science et de la sagesse. Au moment où tant de fossoyeurs de l'avenir veulent nous faire croire que Marx est mort, il convient de rappeler qu'au­jourd'hui, ­comme au temps où Barbusse allait vers lui, Marx a apporté la méthode de déchiffrement du sens de l'histoire moderne et contempo­raine et qu'elle est plus actuelle que jamais. La thèse centrale de Marx, c'est que le capitalisme (sous quelque étiquette qu'on le camoufle) est créateur de richesse et de progrès tech­nique (et Marx ne ménage pas son admiration à cet aspect du système), mais, en même temps, il est créateur d'inégalités, de misère, d'exclu­sion et donc de violence. Même dans les pays les plus riches: M. Clinton, en 1993, reconnait qu'aux Etats‑Unis, 1 % de la population accapare 70 % de la richesse produite. La polarisation est pire encore à l'échelle mondiale, où 80 % des ressources de la planète sont contrô­lées et consommées par 20 % de ses habitants. Avec cette conséquence: 25 millions de morts par la malnutrition ou la faim dans le monde. L'équivalent de morts d'un Hiroshima par jour. Un Hiroshima par jour!
Cette dialectique de la concentration du capital et de la paupérisa­tion des masses, analysée par Marx, trouve là son illustration la plus véhémente et la plus tragique.
Marx a montré aussi que le progrès technique dans l'industrie chas­se l'homme de la production et aggrave son aliénation jusqu'à en faire un appendice de chair dans une machine­rie d'acier, et à créer et accroître sans cesse "l'armée de réserve du capital". Cette loi féroce se vérifie aujourd'hui avec un éclat sinistre; la "croissance" ayant pour moteur une informatisation et une robotisa­tion croissantes de la produc­tion et des services, non seulement, depuis 1975, elle ne crée plus d'emplois mais elle engendre à la fois une productivité plus grande et un chômage généralisé. Un seul exemple: en 1985, en Belgique, il fallait 40.000 ouvriers pour produire 11 millions de tonnes d'acier. En 1990, il suffit de 21.000 pour en produire 12,5 MT, c'est­‑à‑dire 10 % de production supplémen­taire avec la moitié moins d'ouvriers.
La croissance ne crée plus d'emploi, et la seule solution n'est pas seulement une réduction du temps de travail afin que les gains de productivité n'aillent pas seulement aux propriétaires des moyens de production mais aussi ceux qui les mettent en oeuvre, mais surtout une mutation radicale des rapports avec le Tiers‑Monde, pour que la production n'ait plus seulement pour débouchés les "besoins solvables", mais crée les conditions pour que les besoins vitaux du Tiers‑Monde deviennent "solvables". Alors qu'en 1993, les 3/4 des échanges commer­ciaux se font entre les trois zones riches de la planète: les Etats- U­nis, le Japon et l'Europe. A cette unique solution font obstacle aujourd'hui les institutions par lesquelles les diri­geants des pays les plus riches maintiennent, avec des méthodes nouvelles, les anciens rapports colonialistes.
Oui, le choix de Barbusse était celui de la science et de la sagesse. Mais il était aussi celui d'une foi indomptable en l'homme.
A la racine de son action militante comme de son art d'écrivain, il y avait le même choix moral que celui de Marx qui, en 1843, vingt ans avant le Capi­tal, proclamait "l'impératif catégorique de bouleverser tous les rapports sociaux où l'homme est un être dégradé, asservi, abandonné, méprisable." A partir de cette exigence, Marx, dans "L'Idéo­logie allemande", définissait le socialisme, non par ses moyens, mais par ses fins: une société créant les conditions économiques, politi­ques, sociales, culturelles, telles, disait‑il: "que celui qui porte en lui le génie de Raphaël ou de Mozart, puisse le développer pleine­ment".
Tel fut le choix d'Henri Barbusse. Descendant d'une famille de protes­tants ayant vécu à quelques kilomètres de ce "Musée du Désert" de Mialet, où, sur la liste des camisards des Cévennes, que Louis XIV envoya aux galères pour leur foi, figurent plusieurs ancêtres de Barbus­se, il a gardé d'eux le message d'une résistance inflexible à toute oppression de l'homme.
Cette exigence messianique de "diviniser la vie", comme il l'écrit dans l'Enfer, le conduit à consacrer trois ouvrages à la personne de Jésus, ce "briseur d'idoles" qui sait "faire de l'espoir avec du désespoir".
Briseur d'idoles, et d'abord de celle d'un Dieu extérieur et supérieur qui dirigeait d'en haut l'histoire des hommes en les privant de leur responsabilité. Un tel Dieu, écrit Barbusse, "c'est la contre‑révolu­tion en personne," par "l'usage que l'on fait de cette autorité supra­humaine pour combattre toutes les initiatives émanant des "damnés de la terre", et pour leur arracher le réalisme des mains".
Cet athéisme, qui est rejet de toutes les idoles, est un moment nécessaire de la foi, de cette "mystique" que Barbusse définissait comme "un amour passionné ... pour une cause, l'exaltation qui pousse vers le but", ce but qui est, pour lui, "la participation au bonheur de tous ".
Briseur de ces idoles aussi que sont les prétendues fatalités de l'ordre établi, et qui se résument aujourd'hui dans l'idolâtrie du marché. Barbusse écrit dans sa Postface à son premier livre sur "Jésus" qu'il l'a fait "pour pouvoir m'adresser aux inquiets et aux tourmentés des temps où nous sommes. Au­jourd'hui, ajoute‑t‑il, des fatalités écono­miques, sociales, politiques, intellectuelles et morales, incitent l'homme à être, selon l'exemple sacré qu'il ne lui a jamais été donné que d'entrevoir, un briseur d'idoles."
En ce double anniversaire de 1923 et de 1933, nous nous heurtons aux forces d'écrase­ment de l'homme contre lesquelles Barbusse luttait de toutes les forces de sa vie et de son art. Elles ont atteint au­jourd'hui un paroxysme d'agressivité et d'arrogance avec l'unification des capitalismes et des colonialismes sous le commandement unique des Etats‑Unis et de leurs multinationales: un idéologue du Pentagone voudrait nous faire croire que cette défaite de l'homme est la "fin de l'histoire".
Henri Barbusse nous a donné l'exemple d'une manière de vivre par le temps d'orage, au nom de l'homme et de sa dignité.
Nous pouvons lui dire ce qu'Aragon disait à Neruda:

      "Nous sommes les gens de la nuit qui portons le soleil en nous
      Il nous brûle au plus profond de l'être
      Nous avons marché dans le noir à ne plus sentir nos genoux
      Sans atteindre le monde à naître".
___________________________________________ 

L'Association sur son site internet a fait précéder le texte de Garaudy du communiqué suivant, rédigé 3 ans plus tard !

NOTE LIMINAIRE

Cette allocution a été prononcée par Roger Garaudy, à Aumont, de­vant la maison d'Henri Barbusse, lors de nos rencontres mensuel­les, en juin 1993.
"Le Réveil de Combattant", quel­ques semaines plus tard, en of­frait à ses lecteurs de larges extraits. Les abonnés des "Ca­hiers" en auraient pris connais­sance in extenso dans la livraison de 1994, si nous n'avions été contraints de différer jusqu'à présent la parution de notre revue. C'est dire qu'il y a deux ans, le texte de Roger Garaudy, qui garde à nos yeux toute sa valeur, eût été publié sans qu'il fût besoin d'aucune note préliminaire.
Il n'en va plus de même aujourd'hui où l'opinion publique s'est sentie scandalisée par un récent ouvrage de Garaudy qui tient en suspicion la réalité des massacres dont furent victimes, durant la seconde guerre mondiale, des millions d'hommes, de femmes, d'enfants, auxquels il n'était reproché que leur origine ethnique.
Nous n'intervenons ici ni sur l'utilisation politique des morts, ni sur l'origine ou le nombre exact des victimes, mais nous disons que ce qui suscite une horreur sans limite, c'est l'existence même des camps de concentration et des fours crématoires. Au-delà des choix politiques qui furent les siens, ce qui commande notre attitude, c'est notre fidélité à Henri Barbusse, à son humanisme, aux exigences morales qui le guidaient, au combat contre l'oppres­sion et le fascisme auquel il donna sa vie. Nous estimons qu'il est de notre devoir de rappeler qu'il n'existe aucun seuil numérique qui permettrait d'établir une distinction entre les grands assassins et les assassins un peu moins grands, et que les crimes contre l'humanité, perpétrés au nom d'une idéologie démentiel­le, demeurent imprescriptibles.
L'époque que nous vivons est trop sollicitée par les vieux démons de la haine raciale pour que nous n'attendions pas des serviteurs de la pensée, surtout sur ce sujet, la plus grande rigueur et à la fois la plus grande vigilance. Notre Conseil d'Adminis­tration, au cours de sa séance du 23 mai 1996, a pris la décision de demander à la prochaine Assemblée Générale le retrait du nom de Roger Garaudy de Comité d'Honneur de l'Association.

C'est la première fois, depuis qu'existent les Amis d'Henri Barbusse, que nous prenons une telle décision. Nous le faisons avec détermination mais non sans tristesse, en considérant à quelle dérive intégriste a pu conduire la logique de combat que RogerGaraudy a choisi de mener.
                                                          Le Conseil d'Administration

04 avril 2011

Esthétique et marxisme

Petite histoire de l’esthétique vue par les marxistes [extrait]

Les points de vue marxistes sur l’art hériteront des esthétiques philosophiques de Diderot à Kant et Hegel. Ce qui est déterminant, quelques soient les approches, des plus mécanistes aux plus complexifiées, c’est le poids de la vision dialectique du rapport forme-contenu. Nous en sortirons, précisément, avec les concepts d’Henri Meschonnic concernant l’oeuvre d’art.
J’emprunte ici la trame de cette histoire à Jean-Marc LACHAUD, auteur par ailleurs d’un Marxisme et philosophie de l’art (Anthropos, 1985), dans son exposé établi pour le Congrès Marx International de 1995, et publié sous le titre Art réalité et utopie, dans le n° 19 de la revue Actuel-Marx, sur le thème Philosophie et Politique (1996, 6 ).



La dialectique forme-contenu avant Marx

Henri Lefebvre (1901-1992) est philosophe, compagnon des premiers surréalistes, puis, comme marxiste « orthodoxe » - auteur dès l’avant-guerre d’un ouvrage sur la dialectique marxiste - avant de rapprocher Nietzsche et Marx, puis de s’éloigner du PCF pour devenir un des penseurs les plus féconds de la deuxième moitié du siècle. Il est cité par Paul Eluard dans son anthologie des écrits sur l’art (6 , p. 48 ), dans un texte (des années quarante ?) encore marqué par l’orthodoxie du philosophe :

«Diderot peut être considéré comme le créateur de l’esthétique moderne. Il a fondé sa théorie sur son expérience d’écrivain, sur ses études de critique d’art. L’échec de cette théorie n’en est que plus significatif. Diderot a posé des problèmes et n’a pu les résoudre. (...) différence entre l’oeuvre et la réalité immédiate (...) Beauté absolue et imperfection du réel, laideur des choses ...) Mais aux questions : que fait l’artiste pour « traiter le sujet (...) Comment... quels sont les passages des choses au sujet, du sujet à l’oeuvre ? » Imitation ? soumission ? transformation ? Diderot ne répond pas. « Il « oscille » entre un formalisme (expression de rapport abstrait entre les choses) et un naturalisme (expression du réel immédiat), tout en pressentant le réalisme (expression de l’essentiel).
... Diderot n’en reste pas moins le créateur génial de la critique d’art et de l’Esthétique, le grand maître du réalisme classique et critique. »
(...)
Après Diderot, dans la série des grands théoriciens de l’Esthétique, vient Kant (...) l’orientation change radicalement (...) La confrontation entre le réel et l’oeuvre devient une confrontation entre contenu et forme. La forme l’emporte, selon Kant. C’est elle qui définit l’oeuvre d’art (...) indépendamment du contenu. Par là, il a donné l’esthétique du formalisme, l’esthétique de la bourgeoisie. » L’oeuvre d’art n’a pas d’autre sens qu’elle-même. Sa fin est un jeu.
« Hegel critique les « déficiences générales du formalisme kantien (...) rétablit l’unité concrète de l’oeuvre d’art avec elle-même et les autres activités humaines (...) l’unité de la forme et du contenu, de la signification la plus profonde et de l’apparence sensible. »

Mais, pour Lefebvre, Hegel « défigure » l’esthétique comme la dialectique, par son « mysticisme spéculatif ». Il faut, avec Marx, « la renverser », lui donner un sens rationnel, critique, révolutionnaire. » (Eluard, 6 , P.48)
 



Marx ne pense pas l’art, mais...

Marx* n’a pas pensé l’art. Engels** non plus. * (1818-1883) **(1820-1895)
Si, pour Marx, l’art ne saurait être théorisé hors son enracinement dans l’histoire et le social, il admet des « inégalités entre l’évolution de l’art en général et celle de la société » (Fondements de la critique de l’économie politique, in Lachaud, B ,p. 142). La détermination, par l’infrastructure économique, de cette superstructure, n’est donc pas du même ordre que celle de la sphère du politique, de l’organisation sociale...
Ailleurs, on peut lire, éparses, des considérations qui nous rapprochent de la problématique baudelairienne de l’art du passé : « La difficulté ne consiste pas à comprendre que l’art grec et l’épopée soient liés à certaines formes du développement social. La difficulté consiste à comprendre qu’ils peuvent encore nous fournir des satisfactions et soient considérés à certains égards comme norme et modèle inaccessible. » (Eluard, B ,p.57)
Enfin, et dans la visée utopique, Marx pose la question de l’art et du Communisme, telle qu’elle sera reprise, presque à l’identique, par Debord, mais qui la renverse, en faisant, comme dirait Edgar MORIN, de la lutte finale une lutte initiale : « La concentration exclusive du talent artistique dans quelques individus, et son étouffement dans les grandes masses, qui en découle, est un effet de la division du travail. Si même, dans certaines conditions sociales, chacun pouvait devenir un peintre excellent, cela n’empêcherait pas chacun d’être un peintre original, de sorte qu’ici également la différence entre le travail « humain » et le travail « unique » se ramène à une absurdité. Avec une organisation communiste de la société prennent fin en tous les cas l’assujettissement de l’artiste à l’étroitesse locale et nationale, qui provient uniquement de la division du travail, et l’assujettissement de l’individu à tel art déterminé qui en fait exclusivement un peintre, un sculpteur, etc. ; ces noms seuls expriment déjà l’étroitesse de son développement professionnel et sa dépendance de la division du travail. Dans une société communiste, il n’y a pas des peintres, mais tout au plus des hommes qui, entre autres, font de la peinture. » (Marx/Engels in Eluard, B , p.57).



Esthétique et marxisme après Marx

Georges Plékhanov (1856-1918) s’empresse, dans une lecture rigide de ces fondateurs, de caricaturer cette approche de l’esthétique, privilégiant le « contenu idéologique » des oeuvres, qui détermine leur forme. Il oppose ainsi le réalisme à l’anti-réalisme, qui prolongent selon lui l’opposition philosophique entre matérialisme et idéalisme : « Il n’est pas vrai que l’art exprime seulement les sentiments des hommes. NON, il exprime et leurs sentiments, et leurs pensées ; il les exprime non pas d’une façon abstraite, mais par des images » (cité par Eluard, 6 , p.24). C’est ainsi que l’art moderne (par exemple le Cubisme) « étranger à tout ce qui se passe dans la vie sociale », ne peut déboucher que sur une « stérile répétition d’expériences personnelles dénuées de tout intérêt et de fictions d’un fantastique morbide ». (B , p.143)

Lénine (1870-1924) et Lounacharski (1875-1933), comme Trotski (1879-1940), auront d’autres chats que l’esthétique à fouetter. Le premier, dans ses écrits philosophiques, adopte la « théorie du reflet » (au sens où Marx écrit, dans Le Capital T.1 « La religion n’est que le reflet du monde réel »), pour laquelle la pensée et l’activité humaine reflètent les conditions sociales. Pour le deuxième, Lounacharski, qui s’occupera de l’Education dans le régime soviétique jusqu’en 1929, l’art est un « miroir », appelé à dévoiler, au regard des processus d’évolution de la société. Pour lui, le contenu prime sur la forme, et celle-ci, considérée en soi, ne peut conduire qu’à un abandon du réel, voire à un vide de sens. Pour l’heure, il n’est pas encore question de normaliser : de nouveaux contenus sont appelés à générer de nouvelles formes.

Trotsky est plus réservé. Le lien entre art et vie sociale n’est pas si clair. L’artiste doit bien soutenir la Révolution, mais celle-ci devrait susciter « toutes les initiatives », avec une « totale liberté d’autodétermination » (B ,p. 145). Important : le rapport contenu/forme est déterminé par « la nouvelle forme », une nécessité enracinée dans le social. Plus tard (1938), il sera co-auteur, avec Diego RIVERA (1886-1957), peintre mexicain, et André BRETON (1896-1966), d’un Manifeste Pour un Art révolutionnaire indépendant, qui est susceptible, via l’imaginaire des artistes, de favoriser l’irruption des désirs et « l’établissement d’un ordre nouveau », où l’art et la révolution libèrent d’un même pas.
Parallèlement, chez les artistes russes, la création vit des années d’une intensité extraordinaire. « Ils cherchent non pas à mettre l’art au service du pouvoir révolutionnaire, mais à réaliser, ici et maintenant, l’utopie d’une unité en mouvement unissant les puissances de l’art et celles de la vie en devenir » (B  ,p. 146).
Lénine meurt. Maïakovski* se suicide. La tragédie stalinienne s’installe. * (1883-1930)
Andreï JDANOV (1896-1948), en 1934, instaure le « réalisme socialiste » comme dogme : « Connaître la vie afin de pouvoir la représenter véridiquement dans les oeuvres d’art, la représenter non point de façon scolastique, morte, non pas simplement comme la « réalité objective » mais représenter la réalité du développement révolutionnaire ». (6..., p. 147)
Du côté du « socialisme réel », tout se referme pour quelques décennies.
C’est en Allemagne que se formalisent le plus clairement les controverses politico-esthétiques. Sur le plan théorique, elles opposent le philosophe hongrois György Lukacs (1885-1971) à Ernst Bloch (1880-1959), au dramaturge Bertold Brecht (1898-1956) et au compositeur, élève dissident de Schönberg et Webern, Hanns Eisler (1898-1962).

LUKACS, contrairement à ses prédécesseurs marxistes, est un « pur » philosophe. De la totalité. Il veut favoriser un « homme global », qui la dévoile. L’oeuvre d’art offre de multiples possibilités, mais « reflète » néanmoins la vie quotidienne. Il opte pour un « grand réalisme », refusant l’abstraction et fixant à l’art une « mission d’appropriation de la façon dont est constituée la réalité objective » (B , p. 149), pour dévoiler, sous la « surface de la vie », son essence. Finalement il s’avoue, en bon hégélien, partisan d’un art pour « l’absolu », transposé de la religion dans le développement historique de la société. C’est avec ces positions qu’il s’oppose tant au « réalisme socialiste » qu’au « subjectivisme » et au « formalisme » des avant-gardes.
Précisons que ce n’est pas de ce Lukacs là, mais de ses oeuvres de jeunesse (Histoire et conscience de classe, 192 ?) que s’inspirera Guy Debord dans sa critique du fétichisme de la marchandise, qu’il généralise en critique du Spectacle.
Pour Brecht, « Il faut critiquer la réalité en lui donnant forme, il faut la critiquer de façon réaliste. C’est l’élément critique qui est décisif pour le dialecticien, c’est en lui que réside l’engagement. » (1938, in Michaud, B , p. 150). Nouveau pas dans la dialectique forme/contenu : « La forme d’une oeuvre d’art n’est rien d’autre que l’organisation parfaite de son contenu ; sa valeur dépend donc entièrement de celui-ci. » ; avec quoi il critique Lukacs, parce qu’il impose selon lui aux contenus nouveaux des formes anciennes. Nous avons vu Leroi Jones, en dramaturge comme en critique d’art et de jazz, hériter de ces positions. Pour Brecht, à chaque contenu, une forme ; mais la forme bouscule et trouble le contenu. L’art doit rechercher prioritairement la vérité . Il est source de plaisir s’il exprime un désir de libérer la vie. D’où le rôle de l’artiste, entre « élitisme de bon goût » et politisation au service des exclus. L’efficacité politique de l’art passe par la recherche de la vérité. Mais, une fois encore, le Bertold poète et dramaturge ne se réduit pas au Brecht théoricien...
Pour Ernst BLOCH, contre Lukacs, l’histoire n’a pas de déroulement linéaire. L’art ne peut traduire un totalité cohérente, une continuité, mais seulement un processus et des contradictions : une réalité brisée, hétérogène : le réel, certes, mais pas sans l’utopie, qui porte l’avenir. Chez Bloch est à l’oeuvre la tension de la modernité perçue par Baudelaire : « C’est la réalisation de l’avenir figurée par l’oeuvre qui lui assure son unité et sa totalité. Le réalisme cerne ici la progression vers le non-encore-réel. » Bloch vise un « idéal réaliste » qui libère l’espérance artistique ; ce qui l’autorise à affirmer que le sens de l’oeuvre n’est pas déterminé par son contenu, mais par l’organisation particulière de ce contenu. De ce point de vue, il dépasse la formulation de Brecht.
Avec Bloch, on sort de la caricature du marxisme : « théorie du reflet = dogmatisme = retour à la philosophie d’avant Marx. Et « l’art, comme utopie, se doit de réaliser des formes inédites » (B , p. 153)
On pense là directement au cas du jazz, quand l’oeuvre est porté par le « rêve éveillé », le « souffle de l’imagination , qui anime sa respiration, en fomentant de multiples « non-encore-là ». « Hors territoires constitués » l’oeuvre devient « fragment ultérieur (...)  rebelle à toute clôture (...) entre ruine et achèvement provisoire. (...) Elle provoque son public, pour que celui-ci invente sa propre liberté » (B , p.153)
Bloch va plus loin : « L’art est un laboratoire mais aussi une fête de possibilités exécutées ainsi que des alternatives expérimentées en elles, où l’exécution tout comme le résultat se présentent comme illusion fondée, c’est-à-dire comme pré-apparaître d’un monde accompli » (Le principe Espérance, 1954). Franchement, Bernard Lubat et Uzeste ne sont pas loin. Raoul Vaneigem non plus.
En France, les débats se sont focalisés dans les conflits entre Surréalistes, ce dont témoignent les manifestes successifs d’André Breton. La question des rapports entre esthétique et politique se ramène alors le plus souvent à l’adhésion, ou non, au Parti communiste, ou à frayer avec les satellites communistes et anarchistes, quand ce n’est pas avec le fascisme.
(Surréalistes et Jazz : Goffin, Leiris, in Malson...)

Aragon fera le choix du communisme. Pour lui, rapidement les problèmes ne seront pas prioritairement d’ordre esthétique, autour du réalisme socialiste, mais de résistance à la montée du fascisme. L’écrivain, toujours plus complexe qu’on ne le pense, défend en 1937, un réalisme de combat, « attitude de l’esprit ». L’oeuvre d’art est « résultat de cette lutte des éléments contradictoires d’un monde, d’une société dans un homme, des contradictions mêmes de cet homme ». Il se situe dans la ligne des orientations de Maurice Thorez pour conjuguer socialisme et ancrage national, et résister aux diktats de l’Internationale socialiste : le réalisme socialiste « ne trouvera dans chaque pays sa valeur universelle qu’en plongeant ses racines dans les réalités particulières, nationales, du sol duquel il jaillit ». (Congrès des écrivains soviétiques, 1954). Mais, comme pour Brecht, l’écrivain - l’artiste - Aragon établit dans son oeuvre un rapport au politique autrement subtil que dans sa vie publique.
Ces débats agitent les intellectuels et artistes communistes. Pour Garaudy, le réalisme doit démystifier la réalité présente, « défataliser l’avenir » ; l’art possède une dynamique prophétique, un caractère transcendant. Pour Pierre DAIX, à cette époque des « Lettres françaises » (celle de la mort de Staline et de la controverse autour de la publication de son portrait par Picasso), qui refuse d’opposer une avant-garde de la forme et une avant-garde du contenu, le réalisme de l’art agit au coeur de la modernité. (B , p. 156-157)

Henri Lefebvre, dans les années 70, propose l’oeuvre comme jeu, « quelque chose de plus et d’autre » , vers une « présence dans l’absence ». « Plusieurs moments coexistent en elle : « le moment de la forme » (par lequel elle acquiert sa cohérence), le « moment social » et le « moment extra-social » (qui lui permettent de puiser des matériaux, des exigences « allant parfois jusqu’à l’impératif politique »), et « le moment utopien ». Cette utopie, dans l’esthétique, instaure une réalité provisoire/éphémère, qui traverse des contradictions pour offrir des « potentialités de dépassement (...).  L’art à travers sa phase critique, c’est-à-dire sa crise radicale, se manifeste... comme : création d’effets, représentation dépassée, pratique sociale, invention de formes, contribution décisive à la nature seconde ». (B , p. 157-158)
Convenons que ces engagements, qu’ils viennent de penseurs, de philosophes, ou d’artistes plus ou moins théoriciens de l’art et de la politique, sont très marqués par le rapport que chacun entretient au pouvoir : à « soutenir » dans les pays « socialistes », à conquérir par la Révolution ailleurs. L’Allemagne, entre l’URSS et la France, connaîtra les deux situations, comme certains de ses artistes : Brecht, Eisler... (voir Musique et politique en 3-2.3)
Rendons leur hommage, au passage, pour avoir mouiller leur chemise dans les combats de leur temps, et pas seulement en tant que penseurs en chambre.
Inversement, c’est leur relatif « éloignement », comme philosophes, des implications politiques concrètes, qui rend précieux les cheminements théoriques de ceux qu’on rassemble sous l’étiquette « Ecole de Francfort », d’Adorno et Horkheimer à Marcuse.
Auparavant, il est nécessaire de s’arrêter sur deux figures intellectuelles inclassables : Walter Benjamin (1892-1940) et Ernst Fischer (1918-).
Ami de Brecht et Adorno, parfois rattaché à l’Ecole de Francfort, Walter BENJAMIN est avant tout un libre penseur, c’est-à-dire un penseur libre, dans l’entre-deux guerres. Entre métaphysique du langage et héritage marxiste, il a de fulgurantes intuitions : sur la place de langage, à travers sa lecture de Kafka, Kraus, Proust ; l’intermittence signifiant/signifié ; le rapprochement de la doctrine talmudique et des thèmes marxistes ; et surtout, pour notre sujet, la théorie matérialiste de l’art.
A la dialectique forme/fond, il préfère « l’inscription de l’oeuvre dans le contexte social vivant » (B , p. 163). Il en situe la fonction au sein des rapports de production, « des états de choses » dans les situations quotidiennes. Il voit chez Brecht une démarche susceptible d’offrir au public une compréhension, une prise sur la réalité, rendant possible son désir et sa puissance de transformation. Le premier (hors les sombres impasses de Heidegger), Benjamin pense la question de la reproductibilité de l’oeuvre d’art, qui en modifie le statut : « Au temps de la reproduction, ce qui est atteint dans l’oeuvre d’art, c’est son aura ». (L’oeuvre d’art au temps de la reproductibilité technique, 1936).
L’accès des masses à l’art en détruit le fondement rituel. En revanche, l’oeuvre, accessible à tous, peut vivre sa vie et agir, provoquer des « chocs » dans la collectivité humaine, sortant de l’esthétique de simple contemplation. Contre le fascisme qui esthétise l’art, l’art se politise en ses fondements, changeant tout à la fois de forme, de contenu, et de fonction.

Ernst FISCHER (1918), philosophe autrichien, fait l’«Eloge de l’imagination », qui permet de comprendre le réel mais aussi de dessiner l’avenir. Il considère la volonté artistique comme essentielle pour lutter, dans les sociétés industrielles, contre l’aliénation, la fausse réalité, la fétichisation des choses. L’art moderne sollicite la participation de son public, qui devient actif dans l’interprétation. L’art ne peut être en marge de la lutte pour « l’être ou le non-être de l’humanité ». Il est, d’emblée, engagé.
Fischer sort l’art de sa position de superstructure idéologique. Parce qu’il a une claire conscience des enjeux de la modernité, et de la spécificité de l’art, « légitime défense de l’humanité », il avance des formulations précieuses pour aujourd’hui : « La révolte contre la passivité du public, l’effort multiple pour faire du consommateur d’art un acteur, même si cela doit se faire d’abord dans un déchaînement chaotique, l’art engagé et prenant ses distances avec tout engagement, pourraient revenir à une synthèse inattendue, comme jadis entre le Dionysiaque et l’Apollonien dans la tragédie grecque. » (A la recherche de la réalité, in Le Marxisme et l’art, Spartacus n°21, 1970, p. 277)

03 avril 2011

Critique de la raison dialectique

Critique de la raison dialectique (1960)
Au début des années 1950, au moment où il se rapproche des communistes sur le plan politique, Sartre entreprend d'étudier les rapports de l'existentialisme et du marxisme et, en accord avec Roger Garaudy, de confronter les méthodes de l'un et de l'autre système dans une étude sur Flaubert. Après avoir écrit un texte pour une revue polonaise ("Questions de méthode", en 1957), Sartre se lance dans la Critique : "Il ne travaillait pas comme d'habitude avec des pauses, des ratures, déchirant des pages, les recommençant ; pendant des heures d'affilée, il fonçait de feuillet en feuillet sans se relire, comme happé par des idées que sa plume, même au galop, n'arrivait pas à rattraper ; pour soutenir cet élan, je l'entendais croquer des cachets de Corydrane dont il avalait un tube par jour." (La Force des choses, t. II, p. 146.) Sartre, dont la santé avait décliné considérablement, devait déclarer plus tard : "Il vaut mieux écrire la Critique – je le dis sans orgueil –, il vaut mieux écrire une chose qui est longue, serrée, importante pour soi que d'être très bien portant." (Situations X, t. II, p. 153.)
  


Critique de la raison dialectique, dont le premier volume paraît en 1960 – le second, resté inachevé, ne paraîtra qu'à titre posthume –, est le dernier grand ouvrage philosophique de Sartre. Cette "montagne de feuillets", dense et complexe, mêlant analyse philosophique et exemples historiques, est le résultat d'une réflexion qui se développe sur une dizaine d'années. Il prolonge la philosophie sartrienne de la conscience mais l'articule désormais avec sa dimension collective. L'objet problématique de ce texte est de concilier l'interprétation marxiste de l'histoire et l'existentialisme comme philosophie du sujet singulier, de l'existence individuelle : "Je considère le marxisme comme l'indépassable philosophie de notre temps et [.] je tiens l'idéologie de l'existence et sa méthode "compréhensive" pour une enclave dans le marxisme lui-même qui l'engendre et la refuse tout à la fois."

[Voir http://www.alhiwar.org/fr/pdf/LeDebat/leDEBAT-1.pdf
Le débat Sartre-Garaudy des années 60 au sein d'un débat plus vaste et ô combien actuel, par Le Dr Mohammed Amrani-Hanchi]