La religion, au moment de sa fondation, n’est pas l’opium du peuple. Ce n’est plutôt qu’une fonction que lui a fait porter la classe politique au fil de l’histoire. Toutefois, c’est cette possibilité au sein même de la religion d’être un moteur de réflexion, d’action et de conscientisation politique que trahit la fameuse citation marxiste. Il peut sembler contre nature, dans notre société sécularisée, de suggérer que la conscience religieuse peut mener à la conscience politique. Pourtant, l’exemple donné par la théologie de la libération, en Amérique latine, confirme qu’il est possible de se politiser à travers les préceptes religieux.
Louise Melançon, professeure à la Faculté de Théologie de
l’Université de Sherbrooke, fait comprendre ce phénomène en adoptant une
conception de la politique où cette dernière n’ignore pas les autres dimensions
de la vie sociale. Sortis de la compartimentation classique des sciences
humaines, les problèmes étudiés dans le domaine de la science politique peuvent
se comprendre tels qu’ils se retrouvent en société, c’est-à-dire à travers une
pluralité de points de vue et de compréhensions du monde. La religion,
puisqu’elle se vit au sein des sociétés humaines, est en contact avec ses
problèmes. Les chrétiens peuvent se pencher sur ces derniers sans abandonner
leurs croyances. Par conséquent, la foi peut se vivre en société et, par
ricochet, en politique, avec tous les engagements que cela sous-entend. La foi,
comme tout autre aspect social, peut alors prendre une dimension politique. Par
exemple, les chrétiens conscients de l’exploitation de certains par d’autres
s’engagèrent, en Amérique latine, dans le débat politique. Appelée théologie de
la libération, cette mouvance politico religieuse « est en même temps une
option de foi: leur foi se fait praxis de libération ». En vivant à
l’intérieur d’une société dite, la foi est amenée à se redéfinir face aux réalités
des gens et, dans le cadre de la théologie de la libération, les prêtres furent
amenés à poser des gestes politiques. La spiritualité, dans ce contexte, est
alors un élément social dynamique en contact avec la réalité politique et non
pas un outil de manipulation des masses.
Sonia Noreau
"Religion et Politique", volume 9,
septembre 2009